ADAM & EVE

Affichage

Plaintes non fondées

Avis publié le 29 novembre 2024
ADAM & EVE – 1034/24
Plaintes non fondées

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plaintes,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu la représentante de la société Adam & Eve,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 21 septembre 2024, de deux plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire, en faveur de la société Adam & Eve, pour promouvoir sa boutique en ligne de produits érotiques.

Les trois visuels de la campagne d’affichage mis en cause, montrent, sur fond rouge, un texte en gros caractères inscrit au centre de l’image et dont seule la première lettre du dernier mot est visible : « J’adore ton c……. », « Viens, on b…….. » et « J’ai envie de t…… », suivi de « La suite vous appartient ».

Les autres textes présents au bas des affiches sont « Boutique en ligne de jouets intimes », « découvrez-vous sur adameteve.fr ». 

2. Les arguments échangés

Les plaignantes énoncent que cet affichage présente un caractère sexuel et provocateur et déplorent sa diffusion dans l’espace public et donc accessible à la vue d’un jeune public.

La société Adam & Eve, ainsi que la société d’affichage Médiatransports ont été informées, par courrier électronique du 7 octobre 2024, des plaintes dont copies leur ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Le représentant de la société Adam & Eve fait valoir que, étant donné le caractère de ses produits, la société a porté une attention particulière au respect des recommandations formulées par l’ARPP. Après révisions de ces recommandations, les plaintes semblent pointer vers l’article 3.3 des Recommandations sur la publicité pour les enfants (ce qui n’est pas le cas de cet affichage, qui est à destination des adultes) : “La publicité ne doit pas être de nature à susciter chez l’enfant un sentiment d’angoisse ou de malaise”.

En outre, ces affiches ne contiennent pas de nudité, pas de produits à caractère sexuel, pas même de mots à caractère sexuel susceptibles de susciter le malaise chez les enfants.

Le mot sexe n’est volontairement pas présent sur l’affiche (mais le terme « boutique de jouets intimes »). Les phrases ne sont suggestives que dans la mesure où le spectateur les termine : ce sont expressément des phrases très courtes qui peuvent s’insérer dans les contextes de la vie courante ; le dernier mot ne comporte d’ailleurs qu’une seule lettre, précisément pour ne pas orienter le public vers des interprétations uniquement à connotation érotique.

La couleur rouge qui est reprochée pour son caractère voyant est en fait la couleur de la marque et n’est pas choisie dans le but de choquer.

Lorsque les phrases ont été testées, selon l’âge, l’environnement et les références, les spectateurs ne comprenaient pas du tout les phrases de la même manière.  C’est tout l’objet du titre de la campagne « La suite vous appartient » : laisser libre cours à l’interprétation du spectateur selon sa propre grille de lecture.

L’annonceur ajoute que la société a à cœur d’offrir au public des publicités amusantes et intrigantes mais jamais choquantes. Elle a tout mis en place en amont de la campagne et fait de nombreuses vérifications afin de s’en assurer. En ce sens, elle considère qu’elle protège le jeune public et s’adresse aux adultes uniquement.

La société Médiatransports explique que cette campagne a été affichée sur le réseau RATP exploité par Métrobus Ile-de-France sur les supports dits « quais » et « couloirs » ainsi que sur des mobiliers numériques, du 16 au 23 septembre 2024.

L’afficheur fait valoir que, comme à l’accoutumée, en plus des visuels pris séparément, les équipes de Métrobus Ile-de-France se sont attachées à apprécier cette campagne dans son ensemble en considérant la globalité des visuels à afficher ainsi que les conditions de diffusion.

Pour valider ces visuels, la société d’affichage a veillé à ce que les phrases mises en avant puissent toujours être complétées par des mots sans lien avec le sexe : « J’adore ton c…(corps/cœur) », « Viens, on b… (bouge) », « J’ai envie de t… (toi/thé) », « Fais-moi j… (jouer) ». En outre, les éléments autres que ces phrases sont neutres, même la dénomination des produits vendus par l’annonceur étant la plus neutre : « Jouets intimes » au lieu de « sex-toys ». Enfin, la couleur rouge ne peut pas constituer, à elle seule, une évocation d’ordre sexuel.

Selon la société d’affichage, ces visuels ne sont ni obscènes, ni indécents et ne présentent aucun caractère d’atteinte aux bonnes mœurs. Ils ont été visiblement imaginés pour ne pas choquer puisque les caractères « sexuel » et « provocateur » dénoncés par ces plaintes ne sont pas identifiables comme tel par les enfants : seuls les adultes peuvent y entrevoir la suggestion de termes d’ordre sexuel, ce qui ne sera pas le premier réflexe d’enfants à qui il aurait toujours été possible de donner les options de mots sans lien avec le sexe.

3. L’analyse du Jury

 Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose :

  • en son préambule que :
    • « La communication commerciale doit proscrire toute déclaration ou tout traitement audio ou visuel contraire aux convenances selon les normes actuellement admises dans le pays et la culture concernés. » (Art. 3 Décence du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales).
    • en son point 1 (Dignité, Décence) que :
    • « 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.
    • 1.3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. »

Le Jury rappelle aussi que l’article 3.3 de la Recommandation Enfant dispose : « La publicité́ ne doit pas être de nature à susciter chez l’enfant un sentiment d’angoisse ou de malaise. »

En outre, les dispositions relatives aux enfants et adolescents contenues dans le Code ICC sur la publicité et les communications commerciales et reprises dans la Recommandation « Enfant » de l’ARPP prévoient que : « La communication commerciale ne doit comporter aucune déclaration ou aucun traitement visuel qui risquerait de causer aux enfants ou aux adolescents un dommage sur le plan mental, moral ou physique » (Art. 18.3 Prévention des dommages du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales).

Le Jury relève d’abord, que le visuel de la publicité en cause est destiné à promouvoir l’offre d’articles et accessoires érotiques commercialisés par la société Adam et Eve. Il présente, sur fond rouge, des textes apparaissant au centre de l’image, tous incomplets du fait d’un dernier mot dont seule la première lettre est visible – « J’adore ton c…… », « Viens, on b…….. » et « J’ai envie de t…… » – suivi du texte suivant « La suite vous appartient ».

Le Jury considère, tout d’abord, qu’il n’existe pas de Recommandation qui prohibe, par principe dans l’espace public, la publicité pour ce type d’objets, sauf dans les hypothèses précitées dans les textes visés ci-dessus où elle serait notamment de nature à choquer, heurter, provoquer celui qui la voit notamment « en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence » ou en offrant une représentation dégradante ou réductrice de la femme ou encore « de nature à susciter chez l’enfant un sentiment d’angoisse ou de malaise”.

Or, les affiches en cause ne montrent ni des sexes ou des objets référencés comme « sextoys », ni des corps dans une posture indécente, sexualisée, dégradante, humiliante ou provocatrice de nature à porter atteinte à la dignité des personnes ou de susciter malaise et angoisse pour les enfants dès lors que ces derniers ne sont pas en capacité de les lire ou même de les comprendre, le seul risque étant de susciter l’embarras des adultes qui les accompagnent pour répondre à leur curiosité éventuelle.

Si l’on écarte, par conséquent, l’ensemble des dispositions qui se réfèrent à ces notions de représentation de la personne et d’atteinte à la dignité, la seule question qui demeure est donc celle de l’atteinte éventuelle à la décence desdits messages au sens des textes précités, du fait de leur exposition au grand public et de leur sens cru et sexuel, assez facile à reconstituer.

Le Jury estime que le caractère provocateur de ces publicités dont la couleur rouge et l’apparente énigme attirent nécessairement l’œil est indéniable mais qu’il est insuffisant à caractériser une telle atteinte puisque d’une certaine manière, c’est la fonction elle-même de la publicité.

En outre, le Jury considère que ces messages sont destinés manifestement aux adultes et que leur caractère éventuellement contraire à ce que l’on appelle « les convenances » n’est susceptible d’apparaitre qu’à la seule condition de compléter les phrases, le message affichant clairement, au surplus, un certain humour puisque le lecteur des phrases incomplètes est invité à l’invention « de la suite » et semble ainsi laissé libre de ses choix.

Par ailleurs, le Jury souligne qu’il s’agit de messages totalement désincarnés ne comportant aucune représentation de la personne humaine ni de l’homme ni de la femme ni aucune image provocatrice ou choquante, ni même aucune phrase choc immédiatement lisible.

Le Jury en conclut qu’il n’existe donc pas non plus d’atteinte caractérisée à la décence au sens des textes précités.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que cette publicité ne contrevient pas aux dispositions déontologiques précitées.

Avis adopté le 8 novembre 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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