COVALDEM – Internet – Plaintes fondées

Avis publié le 8 mars 2021
COVALDEM – 714/21
Plaintes fondées 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plaintes,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 18 novembre 2020, de sept plaintes émanant de particuliers ainsi que de la collectivité Sud Collectivité territoriale 11, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la collectivité intercommunale de Collecte et Valorisation des Déchets Ménagers de l’Aude (Covaldem11) ayant pour objet de promouvoir un appel à candidature pour l’adoption de poules dans le but de réduire les déchets ménagers.

La publicité en cause, diffusée sur les réseaux sociaux, représente le dessin d’une poule dont les pattes ont été remplacées par des jambes de femme chaussées de talons aiguilles.

Cette image est accompagnée du texte : « Adoptez des poules et réduisez vos déchets – Appel à candidature pour l’adoption de 2 poules » ainsi que les coordonnées et date limite d’inscription.

2. La procédure

Le Jury a pris connaissance, dans les médias, des réactions suscitées localement par cette publicité, à la suite desquelles la collectivité intercommunale de Collecte et Valorisation des Déchets Ménagers de l’Aude a annoncé avoir retiré sa publicité le 19 novembre dernier, soit moins d’une semaine après sa diffusion.

Le Jury a également relevé que le visuel en cause a été modifié et remplacé.

Compte-tenu de ces éléments, les plaignants ont été informés, par courriel du 8 décembre 2020, de la possibilité de mise en œuvre de la procédure de règlement amiable prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury de Déontologie Publicitaire.                                                                                            

Certains plaignant ayant refusé le règlement amiable, le Covaldem11 a été informée, par courriel avec accusé de réception du 11 janvier 2021, de l’examen des plaintes par le Jury et des dispositions dont la violation est invoquée.

Il a également été informé que cet examen se ferait dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 de son règlement intérieur.

3. Les arguments échangés

Les plaignants relèvent que le visuel en cause est sexiste et constitue une objectivation de la femme.

L’un des plaignants ajoute que cette affiche joue sur le double sens de poule / femme facile, prostituée dans la langue familière (définition du Larousse), double sens appuyé par les jambes sexualisées. Même s’il comprend l’intention de Covaldem qui était d’attirer l’attention afin que le plus grand nombre de personnes participent à l’initiative, elle-même fort louable par ailleurs, il est nécessaire de le faire sans utiliser une image dégradante des femmes.

Selon lui, les publicités sexistes favorisent les violences contre les femmes en présentant de manière anodine l’idée que les femmes ne sont que des objets et n’existent que pour attiser ou assouvir les désirs sexuels des hommes. Amnesty internationale explique cela très bien par un dessin de “l’iceberg de la violence sexiste” qui montre que les viols et les meurtres, partie visible de l’iceberg, reposent sur l’humour sexiste, la dépréciation, les publicités sexistes, etc, la partie invisible de l’iceberg.

La collectivité intercommunale de Collecte et Valorisation des Déchets Ménagers de l’Aude fait valoir que, dans le cadre de la réalisation de son Programme Local de Prévention des Déchets, le Covaldem 11 est engagé dans une démarche de réduction des déchets ménagers à la source. La gestion de proximité (composteurs, adoption de poules, broyage des déchets verts …) des déchets organiques permet de réduire d’environ 30% le poids des ordures ménagères.  Cela représente en moyenne 100kg de déchets par an et par habitant qui peuvent être valorisés directement dans les foyers.

Afin d’inciter à l’engagement des habitants et visiteurs du territoire, le Covaldem 11 indique avoir lancé une campagne de promotion de la réduction des déchets via un appel à candidature à l’adoption de poules. Le visuel choisi est volontairement différent afin d’interpeller les habitants ne disposant pas encore de poules, une cible jeune (20-35 ans) déjà sollicitée par de nombreux médias publicitaires qu’il faut apostropher par des campagnes novatrices.

L’annonceur considère que le choix a été fait de dessiner l’animal de manière moderne, représenté avec des accessoires pour le rendre plus tendance, afin que la cible puisse s’imaginer avec un animal contemporain et non un animal de ferme. Le dessin a été traité graphiquement comme une œuvre contemporaine, mettant ainsi l’affiche en avant comme le font les musées lors d’un vernissage d’exposition. Certaines et certains des administrés se sont offusqués du visuel. Ce dernier publié sur la page Facebook du Covaldem a recueilli plus de 12 000 vues, 2000 interactions, 120 commentaires, 150 partages; la même publication sur TV Carcassonne a recueilli 25 600 vues, 200 commentaires, 200 partages.

Il relève qu’une cinquantaine de réactions négatives ont été enregistrées sur un total de 40 270 interactions.

Un des élus, membre du bureau syndical a également écrit « L’humour et la censure une difficile cohabitation, sous le prétexte de féminisme on transforme aujourd’hui une campagne sympa et un rien accrocheuse à un acte sexiste… on marche sur la tête, tous les intégristes ne sont pas barbus. Vive les femmes qui ont de l’humour et les poules qui transforment nos déchets en œufs. Le Covaldem 11 avance malgré les attaques avec une sacrée équipe de femmes au sein de sa direction…C’est la meilleure réponse que l’on peut renvoyer aux censeurs de tous bords. »

Il ajoute qu’à la suite de l’indignation provoquée, il a été décidé de suspendre l’opération, de modifier le visuel et de reprendre la distribution des poules lorsque la situation relative à la grippe aviaire le permettra.

L’annonceur indique que le visuel a été retiré le 19 novembre 2020, soit quatre jours après sa diffusion. Il a été remplacé par un nouveau visuel sur l’ensemble des réseaux internet, les réseaux print et web prestataires, la presse quotidienne régionale, les journaux gratuits, ainsi que tous les autres supports.

Il ne considère pas que cette publicité donne « une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence ».

4. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« 2-1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la publicité en cause montre le dessin d’une poule dont les pattes ont été remplacées par des jambes de femme chaussées de talons aiguilles. Trois cœurs sont dessinées au-dessus de sa tête. Cette image est accompagnée du texte : « Adoptez des poules et réduisez vos déchets – Appel à candidature pour l’adoption de 2 poules » ainsi que les coordonnées et date limite d’inscription.

Ce faisant, cette publicité repose sur une association sémantique entre la poule et la femme, voire la prostituée, à laquelle fait référence l’expression « poule de luxe ».  La représentation de la poule portant des talons aiguilles et accompagnée de petits cœurs renvoie à l’idée de la femme objet sexuel et utilise celle-ci pour faire la promotion d’une action sans rapport avec le corps féminin et portant atteinte à la dignité des femmes.

Le Jury considère que ni l’argument artistique ni les ressorts de l’humour ne permettent de considérer cette publicité comme acceptable au regard des principes déontologiques précédemment rappelés.

En conséquence, le Jury, qui relève que l’annonceur a retiré ce visuel de tous les supports de diffusion, est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions précitées de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP.

Avis adopté le 5 février 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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