Avis JDP n°351/14 – MODE CHAUSSURES – Plainte fondée

Avis publié le 31 décembre 2014
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,

– après avoir entendu le représentant du magazine, créateur et diffuseur de la publicité,

– et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1.La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 31 octobre 2014 d’une plainte de l’association Les chiennes de garde, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée dans un magasine gratuit, en faveur de la société de fabrication et vente de chaussures.

Cette publicité montre une femme, intégralement nue, chaussée de bottes à talons, se tenant à califourchon sur un cheval, dans un décor de campagne.

Au bas de la publicité, figurent les coordonnées de l’entreprise ainsi que des remerciements.

2.La procédure

L’annonceur ainsi que le responsable du magazine support de diffusion ont été informés par courrier recommandé avec avis de réception du 5 novembre 2014 de la plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Ils ont été également informés que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Conformément à ce que prévoit le règlement (« à réception de la plainte, le Président du JDP adresse un courrier aux responsables de la publicité… la plainte sera soumise à une procédure sans audition, à moins qu’ils ne demandent expressément, dans un délai de 15 jours à réception du courrier, la tenue d’une telle audience»), le représentant du magazine a souhaité être entendu par le Jury lors de sa séance du 12 décembre 2014.

3.Les arguments échangés

L’association plaignante estime que cette publicité utilise la nudité de la femme sans rapport avec le produit vendu. Elle ajoute qu’il n’y a pas de rapport entre une femme nue et un chausseur et que cette publicité constitue un cas typique d’utilisation de la nudité sans rapport avec le produit.

L’association plaignante rappelle que le code de déontologie de l’ARPP dispose, notamment, que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ». Ce qui, selon elle, est clairement le cas ici.

L’entreprise annonceur a expliqué que le responsable du magazine gratuit, est l’auteur, le photographe et l’éditeur de la photo en cause et qu’elle-même n’en est que le donneur d’ordre. Elle a souhaité que ses chaussures représentent l’essentiel de la tenue vestimentaire, afin que les autres vêtements soient superflus.

Elle indique que, depuis plusieurs années, les articles sont systématiquement présentés par des clients (tes) volontaires sur le support presse et que la femme est toujours mise à l’honneur dans toutes ses communications.

Le magazine fait valoir qu’il ne communique pas sur la nudité, mais sur le fait que la chaussure est un vêtement en soi. Il ajoute  qu’il y a aussi des hommes nus dans ses publications. Il explique avoir engagé un combat personnel pour essayer d’« éduquer les lecteurs à regarder au delà du premier degré, au delà des apparences ».

Selon lui, la présence d’une personne nue sur ces photos, consiste à appuyer un message qui va au delà de la nudité. Il fait observer que les modèles n’ont jamais d’attitude lascive ou sexuelle et qu’il utilise simplement un mode de communication original, reposant sur un « contre pied » positif, comme celui utilisé par l’association plaignante dans le choix de son nom.

4.L’analyse du Jury

Le Jury rappelle qu’il a reçu mission de la part des professions du secteur publicitaire de se prononcer sur le respect par les publicités diffusées sur tout support, des recommandations déontologiques qu’elles se sont données et se sont engagées à respecter. Ces recommandations élaborées par les instances représentant les professions au sein de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) sont publiées sur son site internet permettant ainsi à toute personne qui souhaite exercer cette activité en France de les connaître. Parmi celles-ci figure la Recommandation « Image de la personne humaine »  qui énonce en son point 2/1 que : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet. »

Il observe que par cette Recommandation les professionnels de la publicité ont manifesté une volonté de rompre avec une pratique ancienne d’utiliser la représentation du corps de la femme comme un instrument de vente, qui contribue à maintenir dans les mentalités un stéréotype de femme objet peu compatible avec le principe d’égalité sociale.

Le Jury relève que la publicité mise en cause, qui vise à promouvoir des chaussures représente un modèle féminin intégralement nu.  Si le responsable du magazine a expliqué que la nudité du modèle permettait de mieux faire ressortir le produit, le Jury considère que cette représentation du corps de la femme n’entretient qu’un lien indirect avec l’objet de la publicité, alors qu’il existe bien d’autres procédés permettant, dans le respect des règles déontologiques, de mettre en valeur ce type de produits. Il estime ainsi que, quelle que soit l’intention de l’auteur de la photo, celle-ci tend à réduire la femme à la fonction d’objet,

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité en cause n’est pas conforme à la disposition précitée de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 12 décembre 2014 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, vice- Président, Mme Moggio et MM. Carlo, Depincé, Lacan et Leers.