Décision publiée le 24.04.2012
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– et, après en avoir délibéré, en application de l’article 12, alinéa 3, point 3, de son règlement intérieur, les parties n’ayant pas souhaité être entendues en séance,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi les 9 et 13 mars 2012, de deux plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de la campagne publicitaire, diffusée en presse, dans un magazine spécialisé dans le secteur automobile, en faveur d’un site d’enchères automobile en ligne.
Cette campagne se compose de quatre visuels présentant chacun un portrait de femme dont les types physiques représentés sont en lien avec le qualificatif employé dans le texte utilisé en accroche, à savoir :
« Vous cherchez une française, bon état, première main, excellent potentiel… ? Vous la trouverez sur XXX.fr »
« Vous cherchez une allemande, bon état, première main, excellent potentiel… ? Vous la trouverez sur XXX.fr »
« Vous cherchez une japonaise, bon état, première main, excellent potentiel… ? Vous la trouverez sur XXX.fr »
« Vous cherchez une italienne, bon état, première main, excellent potentiel… ? Vous la trouverez sur XXX.fr »
Les publicités sont signées « XXX.fr. Les bonnes affaires sont là ».
2.Les arguments des parties
Les plaignants considèrent que cette campagne est sexiste et dégradante pour l’image des femmes.
La société annonceur a été informée par courrier du 14 mars 2012 des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du JDP.
Elle fait valoir qu’elle est une filiale à 100% d’un groupe danois particulièrement attaché à la mixité et au respect de la personne humaine. L’équipe de l’annonceur en France comprend d’ailleurs 75% de femmes et ce à tous les niveaux hiérarchiques.
Elle précise que la campagne en cause a été diffusée dans la section réservée aux professionnels du magazine.
Elle se déclare désolée que cette campagne ait pu choquer les deux plaignants, son intention n’étant en aucun cas d’offenser les femmes ni de choquer quiconque par un message de caractère sexiste ni dégradant.
Elle regrette cependant cette interprétation réductrice et négative qui nie la dimension humoristique de son discours, d’autant plus qu’elle avait mis un soin tout particulier (casting, maquillage, stylisme) à la réalisation de photos de qualité pour éviter toute vulgarité et toute atteinte à la décence et à la dignité de la personne humaine.
Cependant, l’annonceur déclare avoir pris en compte les plaintes et affirme avoir modifié ses messages de façon à ce qu’aucune lecture ambiguë n’en soit désormais plus possible.
Le groupe de presse présente ses excuses aux personnes ayant été choquées par la publication de cette publicité et affirme avoir pris des mesures suite aux deux plaintes formulées à l’encontre de l’annonceur qui consistent en, d’une part le retrait immédiat de la création incriminée et la suspension provisoire de la campagne dès la réception de la lettre recommandée du Jury et, d’autre part, dans l’attente de la décision du Jury , en concertation avec l’annonceur, la reprise de la campagne avec une nouvelle création conforme aux dispositions de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose :
1/2: « La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence »
1/3 : « D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. »
2/1 : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».
Le Jury relève que la publicité en cause revient à assimiler la femme à la voiture, par le parallèle fait entre le texte utilisé s’appliquant à un véhicule et le visuel qui l’accompagne montrant un portrait de femme. La femme est ainsi présentée, alors même que sa représentation en est décente, comme une marchandise, un objet.
Il s’ensuit que cette publicité méconnaît les Recommandations précitées de l’ARPP.
Toutefois, le Jury prend bonne note de la modification du message immédiatement opérée par l’annonceur et de ce que le groupe de presse a suspendu, dès réception des plaintes, la diffusion de cette campagne dans l’attente de la décision du Jury.
4.La décision du Jury
– Les plaintes sont fondées ;
– La publicité critiquée méconnait les dispositions 1/2, 1/3 et 2/1 de la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP;
– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de veiller à ce que cette publicité cesse et à ce qu’elle ne soit pas reconduite;
– La présente décision sera communiquée à l’annonceur, au magazine et aux plaignants ;
– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le vendredi 6 avril 2012 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mmes Drecq et Moggio et, MM Benhaïm, Lacan et Leers.