Avis JDP n°351/14 – SITES INTERNET DE RENCONTRES – Plaintes fondées

Avis publié le 08 janvier 2015
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,

– et, après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1.Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi entre le 8 et le 17 octobre 2014 de plusieurs plaintes, dont l’une de l’association Les chiennes de garde, une autre de l’association Osez le féminisme !, et les autres de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée en affichage et sur internet, en faveur d’un site internet de rencontres.

Cette campagne comporte plusieurs visuels :

Le premier montre une femme blonde portant un haut très décolleté, laissant apparaître une poitrine opulente. Sur cette image, figure le texte : « Préférez-vous une berline allemande ou une berlinoise ? ».

Le deuxième montre une femme brune, se tenant debout, de dos mais le visage tourné vers l’objectif, vêtue d’une culotte remontée entre ses fesses. Sur cette image, figure le texte : « Les françaises aussi ont de belles carrosseries ».

Le troisième montre une femme brune vêtue d’une robe et d’un foulard rouge couvrant sa tête. Sur cette image, figure le texte : « Une belle italienne n’a pas nécessairement 4 roues ».

Le dernier visuel montre un couple enlacé dans une voiture, la femme paraissant dénudée. Sur cette image, figure le texte : « Pas besoin d’aller au salon de l’auto pour tester les nouveaux modèles ».

 2.Les arguments échangés

Les plaignants considèrent que cette campagne est sexiste.

L’association Les Chiennes de garde estime que cette publicité utilise la nudité de la femme sans rapport avec le produit vendu.

Elle ajoute que la comparaison entre les femmes et les voitures est un grand classique de la publicité qui, malgré les critiques, continue de fleurir, particulièrement en période de Mondial de l’automobile à Paris.

Le site de rencontres a lancé une campagne de publicité directement inspirée de la “culture” du salon. Toujours selon les plaignants, la stratégie marketing est simple – comparer des femmes sexy à des voitures à l’occasion du salon de l’auto – et la cible, évidente : l’amateur de voiture, un peu chauvin, dont le regard aura été suffisamment dressé pour répondre à des messages visuels simples – seins, fesses, bouche ouverte.

Selon l’argumentaire des plaignants, le site doit compter sur l’effet bad buzz, ce qui est malin quand on a peu de moyens. Il ajoute que dans l’univers hétérosexuel développé, l’annonce  oublie de s’adresser à la moitié de l’équation : les femmes ! Malgré les beaux efforts pour développer un discours féministe libéré, il n’y a aucune explication pour dire aux femmes en quoi les hommes du site pourraient être séduisants.

L’association plaignante considère que le site a décrit lui-même à quel point la campagne était « cliché », caricaturale, conservatrice, stéréotypée, dépassée et si peu originale.

Elle rappelle que le code de déontologie de l’ARPP dispose notamment que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet » et regrette que le site ait, quoi qu’il en soit, gagné son pari : faire parler de lui en affichant des images et des slogans sexistes, puisqu’un avis négatif du JDP se limiterait à une réprimande plusieurs mois après la campagne.

La société gestionnaire du site a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 5 novembre 2014 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

La société n’a pas adressé d’observations ou d’éléments de réponse au Jury.

 3.L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose en son point 2/1 que : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet. »

Il relève que la publicité mise en cause représente des modèles féminins exclusivement dans des postures ou des situations suggestives et s’inspirant des clichés de sites dits de charme, pour promouvoir des produits qui n’entretiennent aucun rapport avec le corps de la femme. Les formules accompagnant les photographies achèvent de réduire la femme au statut d’objet susceptible d’une appropriation par l’homme, en l’occurrence en l’assimilant à des véhicules automobiles (« berline allemande » ; « carrosseries » ; « 4 roues ») voire à de « nouveaux modèles » qui pourraient être « testés ».

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que cette publicité n’est pas conforme aux dispositions précitées.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 12 décembre 2014 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, et MM. Depincé et Leers.