SANTE PUBLIQUE FRANCE

Affichage

Plaintes non fondées

Avis publié le 31 juillet 2023
SANTE PUBLIQUE FRANCE – 948/23
Plaintes non fondées 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 11 et le 13 juin 2023, de cinq plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire en faveur de l’Agence nationale de santé publique Santé Publique France, pour promouvoir son site internet d’information sur la sexualité QuestionSexualite.fr.

La campagne, diffusée en affichage, se compose de plusieurs visuels portant chacun une question sur la sexualité, écrite comme une citation sur un carton blanc imprimé sur un fond coloré avec en filigrane la mention reproduite à plusieurs reprises « Questionsexualité ». L’affiche principalement mise en cause comporte le texte « La pénétration me fait mal. Que faire ? ». D’autres affiches, visées plus globalement par certaines des plaintes, indiquent
« Comment se faire dépister gratuitement du VIH et des IST ? », « Il me force à avoir des relations sexuelles. Est-ce que c’est normal ? ». « Combien ça coûte les capotes ? », « C’est combien la contraception d’urgence ? », « Comment savoir si elle a toujours envie quand on fait l’amour ? », « J’ai oublié de prendre ma pilule, je fais quoi ? ».

Au bas de l’affiche est inscrit « Toutes les réponses à vos questions sont sur QuestionSexualite.fr ».

2. Les arguments échangés

Les plaignants soutiennent que cette campagne publicitaire est choquante, en particulier pour les enfants en âge de lire. Un des plaignants reproche de mettre à disposition des enfants « en âge de lire ces obscénités dépravés et de débauche » (sic). Un autre plaignant estime qu’il s’agit d’une incitation à la débauche. Un autre encore indique que la sexualité ne regarde pas les enfants. Il s’agit, selon certains plaignants, d’une ingérence dans le rôle des parents, qui porte atteinte à la vie privée.

L’Agence nationale de santé publique Santé Publique France a été informée, par courriel et par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 juin 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La Direction de la prévention et de la promotion de la santé de l’Unité santé sexuelle de Santé Publique France fait valoir qu’à l’occasion de la semaine nationale de la santé sexuelle 2023, Santé publique France a diffusé du 22 mai au 25 juin, à la demande du ministère de la santé et de la prévention, une campagne nationale de sensibilisation sur différentes thématiques de la santé sexuelle qui accompagnait les actions de prévention menées par les Agences Régionales de Santé (ARS) sur le terrain partout en France.

Cette campagne portait sur les situations qui dégradent la santé sexuelle : les infections sexuellement transmissibles, les violences sexuelles, les grossesses non prévues et les dysfonctions et maladies de la sphère sexuelle. Elle avait pour objectif de légitimer le fait de se poser des questions autour de la sexualité, afin de permettre à la population de s’informer et d’avoir recours aux professionnels de santé si nécessaire.

L’Agence explique que ce projet s’inscrit dans la Stratégie nationale de santé et repose sur une analyse de la littérature scientifique sur ces questions.

Concernant la santé sexuelle en France, Santé Publique France indique que :

  • En France, malgré une couverture contraceptive élevée, une grossesse sur trois est non prévue et 64 % d’entre elles donnent lieu à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Une contraception efficace est une contraception adaptée à son mode de vie, sa situation affective et médicale.
  • Les infections sexuellement transmissibles (IST) restent également toujours présentes dans la population française. Les diagnostics d’infection à Chlamydia trachomatis ont ainsi plus que doublé depuis 2014 et les infections à gonocoque sont en augmentation depuis 2016. Il est essentiel d’adopter un mode de prévention adapté et de se faire dépister.
  • Chez les adultes, on estime que 62 000 femmes et 2 700 hommes sont victimes de viol ou de tentative de viol par an. C’est une femme sur cinq qui connaîtra un rapport forcé ou une tentative de rapport forcé au cours de sa vie. Normaliser le dialogue autour du consentement est important.
  • 15 % des femmes de 18-69 ans ont vécu des rapports sexuels douloureux (dyspareunies) dans les 12 mois et 2 % des femmes en connaissent régulièrement. Les douleurs à la pénétration sont particulièrement courantes chez les femmes souffrant d’endométriose qui pourraient représenter jusqu’à 1 femme sur 10 entre 15 et 49 ans en France et doivent orienter vers une consultation. L’endométriose est une maladie qui, bien que très répandue, fait souvent l’objet d’un diagnostic tardif : en France, on estime à 7 ans en moyenne le délai entre l’apparition des premiers symptômes et la confirmation du diagnostic. Il y a donc un fort enjeu de santé publique à inciter les femmes à consulter.

Selon l’Agence, la diffusion est conçue pour atteindre en priorité les personnes majeures. Les affiches ont été diffusées dans les réseaux JCDecaux et ClearChannel en 2m2 du 7 au 13 juin. Les affiches abordent la santé sexuelle dans des termes médicaux, sans vulgarité, ni provocation. Les messages de la campagne ont été testés lors d’un pré-test qualitatif auprès d’un échantillon de la population. Le prétest a indiqué que des affiches typo, sans visuel, était la piste créative la plus acceptable afin d’éviter de choquer l’opinion. Le graphisme est volontairement sobre et ne reprend aucun code de la communication en direction des enfants, qui ne sont pas la cible de la campagne.

Elle indique que l’affiche « La pénétration me fait mal. Que faire ? » a été pré-testée dans une autre formulation (« j’ai mal quand je fais l’amour. C’est normal ? ») qui n’était pas suffisamment bien comprise et a donné lieu à une réécriture plus « médicale » autour du mot
« pénétration ».

L’agence relève que la campagne se fonde sur un travail préalable d’analyse de la littérature scientifique sur l’état de santé des Français et les leviers pour l’améliorer. Elle a également été validée par la direction générale de la santé et le service d’information du gouvernement. La campagne a fait l’objet d’une vérification juridique de chaque régie avant diffusion. En amont de la diffusion, le pré-test qualitatif a permis de valider l’intérêt, l’acceptabilité, la compréhension et les axes créatifs de la campagne. Les objectifs de la campagne étaient bien compris et plébiscités comme légitimes. La piste créative retenue faisait consensus : les éléments clivants ont été écartés.

En aval, la campagne a fait l’objet d’un post-test quantitatif dont le terrain vient de s’achever et dont les résultats sur la reconnaissance, l’agrément et l’incitation au changement seront disponibles prochainement. Il fera l’objet d’une lecture attentive et d’éventuels ajustements de la campagne seront mis en œuvre le cas échéant, comme pour chacune des campagnes de Santé publique France.

La société d’affichage JC Decaux a également été informée de la plainte.

Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que le Code ICC « Publicité et Marketing » de la Chambre de commerce internationale (dit code ICC) comporte les principes généraux suivants :

« Article 1 – Principes élémentaires

Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle (…) »

Les dispositions relatives aux enfants et adolescents contenues dans le Code ICC et reprises dans la Recommandation « Enfant » de l’ARPP prévoient que : « La communication commerciale ne doit comporter aucune déclaration ou aucun traitement visuel qui risquerait de causer aux enfants ou aux adolescents un dommage sur le plan mental, moral ou physique » (Art. 18.3 Prévention des dommages du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales).

En outre, la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP prévoit en son point 1.1., que « la publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité ou de choquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence ».

A titre liminaire, le Jury précise qu’il tient compte, dans la mise en œuvre des règles déontologiques dont il lui appartient d’apprécier le respect, des particularités des campagnes d’opinion, dont l’objet même consiste, le plus souvent, à sensibiliser et à interpeler le public sur un problème de société ou une cause d’intérêt général. Cet objectif légitime, ainsi que l’intérêt d’une information du public sur la réalité ou les enjeux d’une question, justifient que les annonceurs concernés disposent d’une plus grande latitude quant au contenu des campagnes qu’ils réalisent.

Le Jury veille néanmoins à ce que ces derniers fassent un usage responsable de la liberté d’expression qui leur est due et ne se livrent pas à des pratiques excessives, qui apparaissent d’ailleurs, en général, contre-productives pour servir la cause qu’ils défendent.

À ce titre, ces annonceurs doivent s’abstenir de diffuser des messages qui présenteraient, par leur degré élevé de violence et de réalisme ainsi que par leur mode de diffusion, un caractère excessivement traumatisant pour les personnes qui y sont exposées, en particulier les jeunes enfants.

Le Jury relève qu’en l’espèce l’Agence Santé Publique France a diffusé des affichages   portant chacune une question sur la sexualité, écrite comme une citation sur un carton blanc imprimé sur un fond coloré, avec en filigrane la mention reproduite à plusieurs reprises « Questionsexualité ». L’affiche principalement mise en cause comporte le texte « La pénétration me fait mal. Que faire ? ». D’autres affiches, visées plus globalement par certaines des plaintes, indiquent « Comment se faire dépister gratuitement du VIH et des IST ? », « Il me force à avoir des relations sexuelles. Est-ce que c’est normal ? ». « Combien ça coûte les capotes ? », « C’est combien la contraception d’urgence ? », « Comment savoir si elle a toujours envie quand on fait l’amour ? », « J’ai oublié de prendre ma pilule, je fais quoi ? ».

Au bas de l’affiche est inscrit « Toutes les réponses à vos questions sont sur QuestionSexualite.fr ».

Le Jury constate que ce site renvoie à une rubrique « Tout le monde se pose des questions » expliquant que, du 5 au 11 juin de cette année, se déroule la semaine de la santé sexuelle en France, moment privilégié pour faire le point sur ses connaissances, trouver des réponses aux questions que l’on se pose et retrouver des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire.

De nombreux onglets sont proposés, notamment celui orientant vers une page « Que sont les dyspareunies ? » qui explique « Il n’est pas normal d’avoir mal pendant ou après un rapport sexuel. Ce trouble sexuel est assez fréquent, il concerne 7,5 % des femmes. Des solutions existent pour soulager la douleur. / Les dyspareunies désignent toutes les douleurs aiguës ou chroniques liées à une pénétration ou à une tentative de pénétration. C’est un trouble sexuel. (…) Ce trouble sexuel touche également les hommes. ». S’ensuivent des informations sur les manifestations, les causes, les conséquences et les solutions de prise en charge.

Le Jury estime que les affiches en cause présentent diverses questions sur les situations qui dégradent la santé sexuelle en utilisant un vocabulaire simple et exact d’un point de vue médical, qui ne comporte aucune connotation obscène, ni n’incite à la débauche. L’ensemble de la campagne incite, en revanche, à s’informer et à trouver des réponses aux questions sur des dysfonctionnements de la sphère sexuelle.

Le Jury relève que ce but légitime d’intérêt général est mis en œuvre en laissant à chacun la possibilité de trouver l’information pertinente sur le site QuestionSexualite.fr. Le jeune public et l’ensemble des personnes qui ne souhaiteraient pas recevoir d’information n’est donc pas mis en présence de représentation ni de description, mais seulement d’un court texte qui, en soi, ne présente rien d’autre que la possibilité de poser une question sur la sexualité.

S’agissant plus particulièrement de l’affiche mentionnant le mot « pénétration », s’il est exact qu’elle induit d’une part, la possibilité d’une pénétration, d’autre part des interrogations suscitées par le constat qu’une pénétration peut « faire mal », le Jury considère que les formulations employées entretiennent un lien direct avec l’objet de la communication qui vise une finalité d’intérêt général conçue avec beaucoup de précautions dans le cadre de pré-tests et avec un juste sens de la responsabilité sociale.

Si le Jury comprend que le texte des affiches est susceptible de choquer une partie de l’opinion publique, en ce qu’il peut conduire certains parents à devoir expliquer à des enfants en âge de lire le sens du mot « pénétration » ou à parler, plus généralement, de sexualité, sauf à décider d’éluder le sujet, il considère néanmoins que la publicité n’excède pas, pour une majorité du public, les limites de ce qui est admissible, dans les circonstances de l’espèce.

Par ailleurs, conformément au point 2 de son règlement intérieur le Jury n’est pas compétent pour se prononcer sur les conditions de diffusion des publicités, mais seulement sur leur contenu. Par suite, la circonstance que cet affichage soit diffusé dans un lieu accessible aux enfants ne constitue pas un grief que le Jury peut apprécier.

En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité en cause ne méconnaît pas les dispositions précitées du Code ICC et de la Recommandation « Image et respect de la personne ».

Avis adopté le 5 juillet 2023 par Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, faisant fonction de présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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