Avis publié le 5 août 2024
POLETTE – 1019/24
Plaintes fondées
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. Les plaintes
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 10 et le 11 juin 2024, de nombreuses plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, en faveur de la société Polette, pour promouvoir des lunettes.
La vidéo publicitaire en cause, diffusée sur le compte Instagram de la marque, montre un homme vêtu d’un tee-shirt et d’un pantalon blanc, marchant dans un parc. Il porte à plusieurs reprises la main au niveau de son bas-ventre et touche un « objet » par-dessus le pantalon ou en mettant sa main dans sa poche. La fin de la vidéo le montre sortant un étui à lunettes de la poche du pantalon.
2. Les arguments échangés
– Les plaignants énoncent que cette publicité montre un homme se masturbant, son sexe en érection étant visible sous le pantalon. Cette représentation à caractère sexuel est choquante, et indécente.
Certains plaignants ajoutent que la visualisation d’un homme entrain de pratiquer la masturbation dans un lieu public relève de l’atteinte à la pudeur et peut choquer, notamment les personnes victimes d’agressions sexuelles.
– La société Polette a été informée, par courriel avec avis de réception du 13 juin 2024, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle n’a pas présenté d’observations.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose :
- en son point 1 (Dignité, Décence) que :
- « 1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.
- 2 Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante et a fortiori ne réduise pas la personne à un objet.
- 3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. »
Le Jury relève que la publicité correspond à un film de quelques minutes, diffusé sur le compte Instagram de la marque qui commercialise des lunettes, et mettant en scène un homme qui déambule dans un espace naturel qui évoque un parc public, par une belle journée ensoleillée, au son d’une musique romantique.
Le cadrage sur le bassin de cet homme conduit le spectateur à remarquer très rapidement un renflement au niveau de son pantalon dont on identifie assez vite qu’il s’agit d’un objet et dont on devine même, au fil du film, qu’il s’agit d’un étui à lunette mais dont l’emplacement et la manipulation par l’homme suggèrent aussi un sexe en érection touché et caressé par lui.
A la fin du film, l’homme sort l’étui de sa poche de pantalon et, après un clin d’œil directement adressé au spectateur, lui envoie un baiser.
La mise en scène d’un homme qui parait caresser son sexe en érection tout en déambulant dans un jardin paraît d’autant plus contraire à la décence qu’elle paraît ici être utilisée de façon totalement gratuite, et, par ailleurs, sans que le second degré sans doute voulu par ses auteurs, ne parvienne à dissiper totalement un sentiment de malaise et de gêne.
La publicité est donc de nature à choquer son destinataire et, si elle ne fait certes pas appel à la nudité, donne tout de même à voir une représentation indécente de la personne humaine.
En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité méconnaît les dispositions déontologiques précitées.
Avis adopté le 12 juillet 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.