NIVEA LUMINOUS 630

Télévision

Plainte fondée / Demande de révision rejetée

Avis publié le 11 décembre 2024
NIVEA LUMINOUS 630 – 1031/24
Plainte fondée
Demande de révision rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société L’Oréal France, plaignante, d’une part et ceux de la société Beiersdorf France, annonceur, d’autre part, ainsi que le Directeur Général de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) et le Délégué Général du Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV),
  • l’avis délibéré ayant été adressé à la société Beiersdorf France, laquelle a introduit une demande de révision rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 16 août 2024, d’une plainte émanant de la société L’Oréal France, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité de la société Beiersdorf France, pour promouvoir son produit cosmétique sérum anti-taches NIVEA Luminous 630.

Le film publicitaire en cause, diffusé en télévision, montre une femme en blouse blanche, identifiée comme « Dr Aamna Adel, dermatologue consultante Beiersdorf ». Elle désigne du doigt le produit et son conditionnement. Une autre séquence met en scène deux femmes manipulant des flacons et éprouvettes dans un laboratoire. Ces séquences sont entrecoupées d’images de synthèse d’une cellule.

Les textes accompagnant ces images sont : « La solution la plus efficace contre les taches ? », « C’est Luminous 630 », « Cellular Luminous 630 Antitaches», « l’ingrédient anti-taches le plus efficace », « Grâce à l’ingrédient anti-taches le plus efficace », « et nous pouvons le prouver, il a été testé contre les ingrédients anti taches les plus couramment utilisés », « 71 % de réduction de l’apparence des taches, déjà acheté plus de 10 millions de fois », « Nivea Luminous 630, constatez les résultats par vous-mêmes ! ».

Des textes en incrustation à l’écran indiquent « Testé in vitro vs les ingrédients anti-taches les plus courants sur le marché des soins du visage », « Données Nielsen IQ, Market Track, analyse dans 33 pays – produits Luminous 630, marché soin visage, Ventes Volume, Nov 2020-Oct 2023 ».

2. Les arguments échangés

La société plaignante énonce que L’Oréal France est l’un des leaders du marché des cosmétiques, de l’hygiène et de la parfumerie et se distingue par ses activités de recherche et de développement, afin de créer et de commercialiser des produits innovants.

Parmi ses produits, L’Oréal France commercialise des produits cosmétiques anti-taches distribués en GMS et en pharmacie, notamment sous les marques GARNIER, L’OREAL PARIS et LA ROCHE POSAY.

Beiersdorf commercialise les produits sous marque NIVEA et est un concurrent direct de L’Oréal France, notamment dans le domaine des produits cosmétiques anti-taches. Elle commercialise ainsi depuis plusieurs années un sérum anti-taches dénommé LUMINOUS 630.

La publicité litigieuse lui est consacrée et compare le LUMINOUS 630 aux autres produits et solutions anti-taches du marché, au premier rang desquels se trouvent les produits de L’Oréal France.

L’Oréal France considère que cette publicité constitue une publicité comparative et a sollicité à plusieurs reprises de Beiersdorf la communication des justificatifs de nature à étayer ces allégations de supériorité, comme la loi l’impose à tout annonceur à l’origine du publicité comparative (art. L. 122-5 du Code de la consommation).

En réponse, Beiersdorf a contesté la qualification de publicité comparative pour refuser de communiquer les études et preuves qu’elle prétend pourtant détenir comme elle l’affirme expressément dans la publicité litigieuse.

Face au refus persistant et réitéré de Beiersdorf de communiquer les études au soutien de ses allégations et au regard du caractère disproportionné et trompeur du message véhiculé, L’Oréal France souhaite porter cette problématique à la connaissance du JDP.

La société L’Oréal considère que le message publicitaire contient plusieurs allégations de supériorité absolue quant à l’efficacité du sérum LUMINOUS 630 et de l’ingrédient qu’il contient.

Cette communication est contraire à plusieurs règles déontologiques, notamment à la Recommandation Produits Cosmétiques de l’ARPP et au Code ICC.

En l’espèce, Beiersdorf ne communique aucun élément de nature à justifier de la supériorité alléguée de l’efficacité de son produit qui est pourtant au centre de son message publicitaire, au point de soutenir péremptoirement qu’il s’agit de « la solution la plus efficaces contre les taches » « et nous pouvons le prouver ». La communication en cause est donc en tant que telle susceptible d’être trompeuse et contraire aux dispositions précitées.

En outre, l’allégation de supériorité contenue dans le message publicitaire vise indifféremment le produit Luminous 630 et un ingrédient qui serait également dénommé Luminous 630, sans que le consommateur puisse comprendre de quoi il s’agit, le « Luminous 630 » n’étant en aucun cas un ingrédient familier pour le consommateur : « la solution la plus efficace contre les taches ? C’est Luminous 630 », « l’ingrédient anti-taches le plus efficace et nous pouvons le prouver », « il a été testé contre les ingrédients anti-taches les plus couramment utilisés ».

Le consommateur n’est ainsi pas en mesure de comprendre sur quelle base se fonde cette allégation, s’agit-il d’un nouvel ingrédient, d’un produit ? La seule chose qui est indiquée c’est que « Luminous 630 » serait « la solution la plus efficace », ce qui revient concrètement à présenter comme moins efficace l’intégralité des produits « couramment » utilisés sur le marché.

Aucune des allégations de supériorité absolue en termes d’efficacité (l’une relative au produit et l’autre relative à un ingrédient qu’il contient) n’est en toute hypothèse étayée de quelque manière que ce soit.

Il est affirmé qu’il n’existe pas de produit ou d’ingrédient capable d’agir sur les taches de la peau plus efficacement que le Luminous 630 et son ingrédient actif. Formulées de cette manière, il est clair que ces allégations sont de nature à induire le consommateur en erreur, s’inscrivant en violation des règles ICC et de la Recommandation sectorielle Produits Cosmétiques.

Pour qu’une allégation comparative soit licite, elle se doit d’« être spécifique et la base de la comparaison doit être claire.». La publicité litigieuse en l’état s’inscrit en violation des dispositions d’autorégulation puisque que Beiersdorf se contente de revendiquer une supériorité absolue en termes d’efficacité (du produit et de l’ingrédient qu’il contient, sans que l’on sache de quoi il s’agit), sans procéder à aucune comparaison objective entre les caractéristiques de « Nivea Luminous 630 » et celles des produits concurrents sur le marché qui poursuivent les mêmes objectifs.

L’absence d’identification des ingrédients anti-taches testés, des tests effectués ou des institutions scientifiques où ces prétendus tests ont été menés rend l’allégation non fondée.

L’adjectif « courant » pour comparer le Luminious 630 aux ingrédients « couramment utilisés » ne suffit pas à fournir des informations suffisantes aux consommateurs. Personne ne sait quels sont les ingrédients anti-taches les plus courants, et la référence au test apparaît donc comme une simple astuce commerciale, visant à crédibiliser le produit auprès des consommateurs qui sont amenés à comparer son efficacité avec n’importe quel ingrédient ayant une action anti-taches contenu dans n’importe quel produit concurrent. Cette suggestion est accentuée par l’utilisation dans le spot télévisé d’une séquence montrant des médecins effectuant des tests en laboratoire et par l’apparition du Dr Aamna Adel, présentée comme étant dermatologue.

Rien dans cette communication ne permet donc de faire cette vérification objective et le refus de Beiersdorf de justifier de ses allégations la place en violation des règles déontologies précitées et plus particulièrement du préambule et du point 1.2 de la Recommandation Produits Cosmétiques ainsi que de l’article 6 du Code ICC.

La société L’Oréal souligne que, dans une situation similaire, le JDP a énoncé que la société Guerlain ne justifiait pas des preuves appropriées au soutien de son allégation, au regard notamment de l’article 1.2 de la Recommandation Produits Cosmétiques.

Mais ce n’est pas tout. Le spot se poursuit par un gros plan sur le visage d’une femme présentant plusieurs taches, qui disparaissent totalement au fur et à mesure qu’une barre verticale se déplace de droite à gauche de son visage. Cette séquence d’images, avec la caution prétendument scientifique apportée par la présence de personnes présentées comme faisant partie d’un laboratoire de recherche, et / ou d’une équipe médicale, est susceptible de susciter chez le consommateur l’espoir illusoire de pouvoir solutionner définitivement et complètement la présence de taches sur la peau du visage. Le dispositif visuel utilisé a un impact particulièrement important et est susceptible de renforcer le caractère trompeur de l’ensemble de la communication.

La société Beiersdorf a été informée, par courriel avec accusé de réception du 10 septembre 2024, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant explique que Beiersdorf France est la filiale de la société de droit allemand Beiersdorf AG, créée en 1882, qui a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques, de beauté et d’hygiène corporelle, dont elle est un des principaux acteurs sur le plan mondial avec sa marque ombrelle NIVEA.

Beiersdorf AG depuis son origine, investit en permanence des sommes considérables pour que ses produits bénéficient des dernières avancées de la technologie inventées et développées par son département Recherches et Développement. Plus particulièrement, depuis des années, Beiersdorf AG concentre, via son département de photobiologie, ses investissements dans la recherche sur le soin des taches de la peau, phénomène scientifiquement dénommé « Tyrosinase ». Le Tyrosinase, enzyme qui convertit la tyrosine en mélanine, est à l’origine du changement de couleur de la peau et de l’hyperpigmentation. Il constitue une problématique cosmétique majeure, dont les causes sont diverses (exposition aux UV, vieillesse, changements ménopause ou grossesse, taches post acné etc …).

Le produit Nivea Cellular Sérum correcteur anti-taches, dont le principal actif et breveté est le Luminous 630. Après plus de 10 années de recherches et de développement, la société a lancé la commercialisation d’une gamme de produits Nivea Cellular dédiée à la lutte contre les taches, dont l’ingrédient actif principal est l’isobutylamido thiazolyl resorcinol communément appelé le Thiamidol.

Depuis 2012, le service photobiologie dirigé par le Dr Ludger Kolbe a testé plus de 50.000 composants, avant de sélectionner et de synthétiser les 700 ingrédients les plus prometteurs, ce qui lui a permis d’identifier et d’arrêter son choix sur le Thiamidol Le Thiamidol s’est avéré être un puissant inhibiteur de la tyrosinase et est, effectivement, ainsi que le revendique la publicité télévisée, l’ingrédient le plus efficace contre les taches de la peau versus les ingrédients les plus couramment utilisés sur le marché du soin du visage. Ce composant portait le numéro 630 (W630), ce qui explique le choix de la dénomination de cet ingrédient pour la gamme Nivea Cellular dédiée à l’anti taches : Luminous 630.

A partir du début du mois de juin 2024, la société a fait diffuser à la télévision en France, la publicité objet de la plainte de L’Oréal du 16 août dernier.

Préalablement, courant juillet 2024, L’Oréal, puis son conseil, lui avaient adressé des lettres de réclamation qualifiant la publicité de publicité comparative (au sens de l’article L 122-1 du Code de la Consommation) et mettant en demeure la société de « prouver sans délai l’exactitude matérielle (des) allégations ».

Par différents courriers, Beiersdorf a contesté une telle qualification, considérant que sa publicité n’opère en effet aucune comparaison avec un produit ou un concurrent identifié ou identifiable, mais revendique simplement la supériorité de son ingrédient. Il n’y avait donc aucune raison de satisfaire à de telles demandes infondées car portant sur le produit.

C’est dans ce contexte que L’Oréal a, le 16 août dernier, saisi le JDP pour reprocher à Beiersdorf, non plus une publicité comparative, mais, de ne « communiquer aucun élément de nature à justifier de la supériorité alléguée de l’efficacité du produit » et que compte tenu de cette abstention, celle-ci serait « susceptible d’être trompeuse et contraire aux dispositions précitées ».

Premièrement, L’Oréal concentre sa plainte et ses reproches sur une prétendue revendication de supériorité par Beiersdorf de son produit, mais déplace la problématique puisque la supériorité revendiquée dans la communication n’a porté que sur l’ingrédient qui constitue son principal actif et non sur le produit.

Deuxièmement, Beiersdorf est effectivement en mesure de prouver la supériorité de son ingrédient ainsi que l’établissent, les pièces et justificatifs suivants :

a) Le Brevet Européen (EP) déposé le 18 septembre 2012, enregistré sous le N° EP 2.758.381 B1, octroyé le 1er mars 2017, ayant pour titre « ALKYLAMIDOTHIAZOLES, préparations cosmétiques ou dermatologiques les comprenant, et leur utilisation pour le traitement et la prévention de la pigmentation indésirable pour la peau », protégeant l’ingrédient et ses applications contre l’hyperpigmentation. L’enregistrement de ce brevet atteste que l’Office des Brevets a admis que l’emploi de cet ingrédient contre l’hyperpigmentation constitue une invention dans différents pays dont la France.

b) Une attestation du 5 juillet 2024 du Dr. Ludger Kolbe, qui est le chef service scientifique de photobiologie de Beiersdorf AG, lequel relate le processus et les modalités de découverte de cet ingrédient communément Luminous 630 pour Nivea et de son efficacité

c) Publications scientifiques :

Article Mann, Welge, Weise, Roggenkamp « efficacité du thiamidol, du niamicide, de l’acide tranexamique, de la cystéamine, de l’acide azéllique sur la production de mélanine in vitro ».

Article Griffiths, Warnke, Drescher, Radenkovic, Schsuter “Efficacité d’une routine dermocosmétique contenant l’inhibiteur de la tyronase Thiamidol pour réduire l’hyperpigmentation ».

Article Searle, Al Niami, Ali « top 10 des cosméceutiques pour l’hyperpigmentation du visage » d) Vue d’ensemble des études et articles sur le Thiamidol

d) L’étude de Beiersdorf AG N°STDR-078578C, Etude in vitro « Determination of Inhibition of human TYROSINASE », réalisée entre septembre 2010 et juin 2024, qui a comparé cet ingrédient avec les autres ingrédients principalement utilisés sur le marché, critiquée,

Beiersdorf fait valoir que les allégations de la publicité télévisée pour la promotion de son produit Nivea Cellular Sérum correcteur :

  • « la solution la plus efficace contre les taches ? C’est Luminous 630 »,
  • « l’ingrédient anti-taches le plus efficace et nous pouvons le prouver » et
  • « il a été testé contre les ingrédients anti-taches les plus couramment utilisés »,

sont justifiées par des preuves appropriées au sens particulièrement du point 1.2 – Preuves de la Recommandation « Produits Cosmétiques ».

Plus particulièrement, la plainte de L’Oréal reposant sur le fait que « Beiersdorf ne communique aucun élément de nature à justifier la supériorité alléguée de l’efficacité de son produit » déplace à tort la question sur le produit et sa demande sera déclarée mal fondée.

A cela s’ajoute que compte tenu du vecteur de communication concerné, à savoir une publicité télévisée, Beiersdorf ne pouvait donner plus d’informations techniques ou entrer plus dans les détails de la justification de supériorité en citant par exemple la liste des 9 ingrédients qui ont fait l’objet de cette étude, sauf à prêter le flanc à la critique (distincte) que la communication serait insuffisamment claire et compréhensible.

Par ailleurs, selon l’annonceur, L’Oréal ne manque pas de se contredire, puisque :

  • ses premières réclamations reposaient sur le grief de la « publicité comparative », au motif que les allégations publicitaires « vise implicitement un certain nombre de concurrents qui utiliseraient donc des ingrédients « moins efficaces » au premier rang desquels la société L’Oréal »
  • affirme dans sa plainte « personne ne sait quels sont les ingrédients anti-taches les plus courants ».

Cette contradiction démontre à la fois, le mal fondé de toute réclamation au titre de la publicité comparative, qu’elle semble d’ailleurs avoir abandonné et celle sur celui du dénigrement, puisque le consommateur n’a pas identifié et ne pouvait pas identifier L’Oréal ou les ingrédients utilisés dans ses produits.

L’Oréal reproche également que les consommateurs ne font pas la différence entre le produit et l’ingrédient alors même que beaucoup de communications notamment sur les produits anti-taches ont pour clé d’entrée l’ingrédient principal utilisé. Or, il est désormais habituel de présenter les preuves de l’efficacité des ingrédients voire, leur supériorité versus d’autres ingrédients du marché.

Il en va de même des termes utilisés ou d’illustrations de la disparition des taches, montrant en accéléré l’effet du produit à laquelle le consommateur est également habitué. Il l’est d’autant plus que L’Oréal elle-même, procède de la même façon sur son site Internet et dans ses publicités.

Enfin, l’annonceur fait valoir que la décision qui a été rendue en Italie est inopérante en l’espèce, puisque les allégations critiquées n’étaient pas identiques.

Le Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV), a également été informé de la plainte, par courriel avec accusé de réception du 10 septembre 2024. Son représentant fait valoir, lors de la séance, que les services de télévision ont pris en compte l’Avis favorable délivré par l’ARPP.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique que ce film publicitaire lui a été soumis par son adhérent The Traffic Bureau, sous forme de story-board, pour conseil préalable, en mai 2024.

L’ARPP a tout d’abord rappelé le principe posé par l’article R4127-19 du Code de la santé publique et l’article 19 du Code de déontologie médicale aux termes desquels les médecins exerçant en France n’ont pas accès à la publicité. A ce titre, l’agence devait donc s’assurer que ce n’était pas le cas de la femme mise en scène.

Concernant les allégations employées, tant à l’audio qu’en incrustation à l’écran, l’ARPP a alerté sur la nécessité que celles-ci devaient prendre en compte les dispositions du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales, en particulier, les articles 4 et 5 relatifs à la loyauté et la véracité.

L’examen du dossier a permis de noter que le positionnement « Le plus efficace » était justifié par un test in vitro. Il a toutefois été souligné que ce test in vitro devait permettre de déterminer de manière explicite que l’ingrédient utilisé était bien l’ingrédient anti-taches le plus efficace sur le marché.

En outre, l’ARPP a rappelé que les mentions explicatives accompagnant cette information devaient être insérées de manière parfaitement lisible, dans le respect des conditions prévues par la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP.

Compte-tenu de la nature du produit, les services de l’ARPP se sont assurés que le message ne contrevenait pas aux règles imposées à toute publicité pour ce secteur, en particulier aux dispositions de la Recommandation « Produits cosmétiques » de l’ARPP. La version finalisée du spot TV a pu être validée en conséquence.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Produits cosmétiques » de l’ARPP dispose :

  • en son préambule que :

« toute allégation doit être véridique, claire, loyale, objective et ne doit pas être de nature à induire en erreur ».

  • en son point 1.1 – Concurrence, que :

« les messages ne doivent pas être construits sur des arguments dénigrants visant un ou des produits concurrents.

  • En son point 1.2 – Preuves, que

« a) toute allégation doit s’appuyer sur des preuves appropriées ; b) être en adéquation avec la nature et l’étendue desdites preuves et c) lorsque les propriétés cosmétiques d’un ou plusieurs ingrédients entrant dans la composition du produit sont mise en avant dans la communication publicitaire, leur efficacité dans le produit fini doit par ailleurs être démontrée ».

Le Jury relève que la publicité visée par la plainte correspond à un film, diffusé à la télévision, d’une durée d’une vingtaine de secondes et mettant en scène un produit de la marque : le sérum antitache Nivea Cellular Luminous 630.

A l’écran, tandis que la marque Nivea apparaît en blanc sur un rond bleu au centre, avant de laisser la place au Dr. Amna Adel, dermatologue consultante de la société Beiersdorf, habillée d’une blouse blanche, une voix off interroge : « la solution anti-tache la plus efficace ? ».

Alors que le Dr. Adel désigne le produit qui apparaît à l’écran (le flacon et la boîte), la voix enchaîne : « l’ingrédient anti-taches le plus efficace et nous pouvons le prouveril a été testé contre les ingrédients anti-taches les plus couramment utilisés…71% de réduction de l’apparence des taches…déjà acheté plus de 10 millions de fois…etc ».

A l’écran, est repris en majuscule ce qui est dit (L’INGREDIENT ANTI-TACHES LE PLUS EFFICACE, précédé, en beaucoup plus petite de : « grâce à ») avec une mention plus petite en bas d’écran : « testé in vitro vs les ingrédients anti-taches les plus courants sur le marché des soins du visages ». On aperçoit ensuite des scientifiques dans un laboratoire puis une femme dont le visage est balayé par un trait lumineux vertical qui semble effacer, en direct, des taches de pigmentation de son visage.

Le plan suivant fait apparaître en très grands caractères, devant des visages de femmes souriantes dans la rue : « 10 MILLIONS » avec une mention plus petite en bas d’écran : « Données Nielsen IQ, Market Track, analyse dans 33 pays – produits Luminous630, marché soin visage, Ventes Volume, Nov 2020-oct 2023 ».

Au cœur de la plainte de la société L’Oréal France, se trouve l’allégation de supériorité de la performance prêtée au produit promu par la publicité au moyen du superlatif : « le plus efficace » qui oppose nécessairement le produit à tous les autres produits ayant le même objectif ou censés agir dans le même domaine, à savoir la réduction apparente de la tache pigmentaire.

L’emploi de ce superlatif qui est, par construction, exclusif de toute nuance, est renforcé par les termes : « nous pouvons le prouver » appuyé par l’illustration de scientifiques dans un laboratoire et, surtout, la présence d’une doctoresse, dermatologue qui désigne ainsi le produit.

Cette présentation est donc implicitement dénigrante pour les autres produits comparables, notamment quant à leur efficacité.

La société Beiersdorf explique que ce n’est pas tant le produit qui est supérieur aux autres, que l’ingrédient qu’il contient et qu’elle a fait breveter, à savoir le Thiamidol à propos duquel elle affirme, en réponse à la plainte, qu’il est « le plus efficace des ingrédients parmi les principes cosmétiques actifs ».

Cependant, la publicité entretient une forme de flou en confondant le produit promu (Luminous 630) avec l’ingrédient qu’il contient (le thiamidol) : certes, à l’écran, apparaît fugacement et en tout petit, les termes : « grâce à » qui permettent de distinguer le produit (Luminous 630) et l’ingrédient principal qui le compose, mais la voix off ne fait pas cette distinction et le Thiamidol n’est, pour sa part, jamais cité dans la publicité.

Or les quelques éléments scientifiques produits à des fins comparatives, portent non pas sur la comparaison du produit Luminous 630 avec ses concurrents mais sur une comparaison entre le Thiamidol et d’autres ingrédients ou molécules, étant observé qu’on ne sait en tout état de cause pas si ces derniers sont présents dans les produits concurrents : ni le public, ni le Jury ne sont donc réellement mis en mesure de vérifier l’efficacité du produit vendu par rapport à ses concurrents.

Le visionnage du film donne ainsi l’impression que la supériorité du produit Luminous 630 sur tous ses concurrents est scientifiquement prouvée alors que ce qui ressort, aux termes des éléments produits, et donc ce qui est justifié, c’est, au mieux, que le Thiamidol est doté d’une certaine efficacité. Au demeurant, il peut être observé que la société Beiersdorf admet elle-même dans ses écritures qu’elle n’entend pas revendiquer la supériorité de son produit mais seulement de l’ingrédient qu’il contient.

Au total, cette confusion opérée entre l’efficacité alléguée de l’ingrédient et celle du produit vendu, lequel n’est d’ailleurs jamais nommé, est de nature à induire en erreur le public non averti sur la portée réelle du message publicitaire et ce, d’autant que ce dernier affirme la supériorité du produit vendu sans aucune nuance.

En conséquence, le Jury considère que la campagne en cause méconnaît les dispositions précitées.

Avis adopté le 4 octobre 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE

I) Instruction

Le Jury de Déontologie Publicitaire (ci-après « le Jury » ou « le JDP ») est saisi, le 16 aout 2024, d’une plainte par laquelle la société L’Oréal France (ci-dessous « L’Oréal » ou la « plaignante »), lui demande de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité de la société Beiersdorf France (ci-dessous « Beiersdorf » ou « Nivea » ou « l’annonceur »), pour promouvoir son produit cosmétique sérum anti-taches NIVEA Luminous 630.

Le film publicitaire en cause, diffusé en télévision, montre une femme en blouse blanche, identifiée comme « Dr Aamna Adel, dermatologue consultante Beiersdorf », laquelle désigne du doigt le produit et son conditionnement. Une autre séquence met en scène deux femmes manipulant des flacons et éprouvettes dans un laboratoire. Ces séquences sont entrecoupées d’images de synthèse d’une cellule.

Les textes accompagnant ces images sont : « La solution la plus efficace contre les taches ? », « C’est Luminous 630 », « Cellular Luminous 630 Antitaches», « l’ingrédient anti-taches le plus efficace », « Grâce à l’ingrédient anti-taches le plus efficace », « et nous pouvons le prouver, il a été testé contre les ingrédients anti taches les plus couramment utilisés », « 71 % de réduction de l’apparence des taches, déjà acheté plus de 10 millions de fois », « Nivea Luminous 630, constatez les résultats par vous-mêmes ! ».

Des textes en incrustation à l’écran indiquent « Testé in vitro vs les ingrédients anti-taches les plus courants sur le marché des soins du visage » ; « Données Nielsen IQ, Market Track, analyse dans 33 pays – produits Luminous 630, marché soin visage, Ventes Volume, Nov 2020-Oct 2023 ».

Par un avis provisoire délibéré le 4 octobre 2024, le Jury expose en quoi la publicité en cause méconnait plusieurs points de la Recommandation Produits cosmétiques de l’ARPP.

Cet avis fait l’objet, de la part de l’annonceur, d’une demande en Révision formée dans les délais, demande qui est transmise à la plaignante ainsi qu’aux autres parties prenantes ; en réponse, L’Oréal sollicite « la confirmation de l’avis provisoire du JDP » et l’ARPP confirme les observations qu’elle a formulées lors du premier examen de l’affaire.

Le Réviseur se rapproche alors de la Présidente du Jury, sous la présidence de laquelle a été adopté l’avis provisoire, et il procède avec elle à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels est fondé cet avis.

Sur ces bases, le Réviseur est dès lors en mesure d’apporter les réponses suivantes à la demande de Révision de Nivea.

II) Discussion

La Révision est demandée à partir d’une critique sérieuse et légitime de l’avis provisoire (Art 22 du Règlement intérieur du JDP).

A) L’avis provisoire observe d’abord qu’« au cœur de la plainte de la société L’Oréal France, se trouve l’allégation de supériorité de la performance prêtée au produit promu par la publicité au moyen du superlatif : « le plus efficace » qui oppose nécessairement le produit à tous les autres produits ayant le même objectif ou censés agir dans le même domaine, à savoir la réduction apparente de la tache pigmentaire.

L’emploi de ce superlatif qui est, par construction, exclusif de toute nuance, est renforcé par les termes : « nous pouvons le prouver » appuyé par l’illustration de scientifiques dans un laboratoire et, surtout, la présence d’une doctoresse, dermatologue qui désigne ainsi le produit.

Cette présentation est donc implicitement dénigrante pour les autres produits comparables, notamment quant à leur efficacité ».

L’avis mentionne à ce stade la position de la société Beiersdorf, pour qui « ce n’est pas tant le produit qui est supérieur aux autres, que l’ingrédient qu’il contient et qu’elle a fait breveter, à savoir le Thiamidol à propos duquel elle affirme, en réponse à la plainte, qu’il est « le plus efficace des ingrédients parmi les principes cosmétiques actifs » ».

Mais, estime alors l’avis provisoire, « la publicité entretient une forme de flou en confondant le produit promu (Luminous 630) avec l’ingrédient qu’il contient (le thiamidol) : certes, à l’écran, apparaît fugacement et en tout petit, les termes : « grâce à » qui permettent de distinguer le produit (Luminous 630) et l’ingrédient principal qui le compose, mais la voix off ne fait pas cette distinction et le Thiamidol n’est, pour sa part, jamais cité dans la publicité ».

C’est cette appréciation formulée dans l’avis que la demande de Révision met en cause, Nivea estimant notamment : « Il s’agit là d’une interprétation erronée de notre publicité ».

B) Pour ce faire, l’annonceur soutient que sa publicité se rapporte, non à un produit cosmétique, mais à un ingrédient, lequel, selon ses produits où il est utilisé, porte l’un ou l’autre des deux noms suivants : Luminous 630 ou Thiamidol (le premier étant « utilisé pour les produits de la gamme Eucerin », le second « pour les produits de la gamme Nivea »).

Mais on sait que, dans l’industrie cosmétique, un ingrédient ne se confond habituellement pas avec le produit qui l’incorpore, lequel est normalement composé de plusieurs ingrédients.

En effet (sauf exception), un produit cosmétique n’est normalement pas composé d’un seul ingrédient (ce que l’annonceur ne soutient d’ailleurs pas au cas particulier), mais de plusieurs.

S’agissant de la publicité en cause, il ressort qu’elle invite les consommateurs à acheter le produit (le sérum antitache Nivea Cellular 630, plusieurs fois montré dans le film) et non l’ingrédient qui entre dans sa composition. C’est d’ailleurs bien le produit dont la publicité indique qu’il a « déjà été acheté plus de 10 millions de fois ».

Et pourtant, c’est sur les seules « preuves » qu’il attribue à l’ingrédient, pour établir sa supériorité dans la lutte « antitache », que l’annonceur se fonde pour justifier que Nivea puisse recourir à un superlatif (« le plus efficace ») sans enfreindre les dispositions de la Recommandation Produits cosmétiques de l’ARPP.

Mais alors, attribuer au produit la supériorité qui est revendiquée pour l’ingrédient revient bien à entretenir – comme le constate l’avis provisoire – « une forme de flou en confondant le produit promu (Luminous 630) avec l’ingrédient qu’il contient (le thiamidol) ».

Pour dire les choses autrement, ce glissement opéré – dans la revendication d’efficacité – de l’ingrédient vers le produit, est de nature, notamment compte tenu de la brièveté et du rythme du message, à induire en erreur en erreur « un consommateur moyen (c’est-à-dire normalement informé, raisonnablement attentif et avisé) ».

L’annonceur reconnaissant lui-même ne pas revendiquer la supériorité de son produit sur ceux de ses concurrents (mais seulement la supériorité de l’ingrédient utilisé), il n’est par suite pas fondé à critiquer, en Révision, les manquements à la Recommandation Produits cosmétiques de l’ARPP que l’avis provisoire a par suite reconnus à son message.

C) L’annonceur soutient en deuxième lieu que le fait que le Jury estime la présentation de Nivea « implicitement dénigrante pour les autres produits comparables, notamment quant à leur efficacité », revient par suite « à interdire toute allégation de supériorité ».

Mais, de la rédaction de l’avis et de l’analyse du Jury sur laquelle cet avis est fondé, il ressort que le JDP, loin d’édicter une interdiction générale, se borne à vérifier qu’une telle revendication de supériorité, quand elle est affirmée, n’enfreint pas la déontologie publicitaire en vigueur, et notamment, au cas particulier, la Recommandation Produits cosmétiques.

On observe en outre que l’annonceur, en Révision, ne peut faire grief au Jury d’avoir reproché à la publicité Nivea de jeter le « discrédit à l’encontre des produits concurrents », alors même que le terme discrédit ne figure pas dans « l’analyse du Jury » sur laquelle est fondé l’avis provisoire.

D) Le troisième moyen de Révision est ainsi formulé par Nivea : « l’avis provisoire mentionne le fait que nous avons produit dans le cadre des débats à des fins comparatives « quelques éléments scientifiques produits à des fins comparatives, [lesquels] portent non pas sur la comparaison du produit Luminous 630 avec ses concurrents mais sur une comparaison entre le Thiamidol et d’autres ingrédients ou molécules, étant observés qu’on ne sait en tout état de cause pas si ces derniers sont présents dans les produits concurrents » ».

D’une part, et contrairement à ce que soutient l’annonceur, l’avis provisoire n’émet, par cette appréciation, aucun jugement de valeur sur la publicité en litige. Rien notamment, dans l’avis discuté, ne « laisse penser » que la communication de Nivea soit « légère » ou « peu sérieuse », comme le soutient l’annonceur.

D’autre part, l’annonceur ne peut sérieusement soutenir que le souhait que lui a adressé le Jury de présenter ses observations « de la manière la plus synthétique possible » l’aurait empêché de développer ses arguments ou limité le nombre de ses pièces jointes, au détriment du caractère contradictoire de la procédure.

Pour s’en convaincre, il suffit notamment de relever le nombre important des « éléments justifiant de la licéité de [la] publicité [Nivea]«  qui figurent aux pp. 3 à 5 du mémoire adressé par l’annonceur au Jury en premier examen (§§ 11 – 16).

Par suite, ce troisième moyen de Révision ne peut être retenu.

Au final, aucune des critiques soulevées à l’encontre de l’avis provisoire ne pouvant être relevée, la demande en Révision ne peut par suite être accueillie. Il n’y a donc pas lieu de procéder à une seconde délibération du Jury dans cette affaire.

III) Conclusion

Des analyses qui précèdent il résulte que :

  • la demande de Révision de l’annonceur Beiersdorf France est recevable et à ce titre sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury ;
  • l’Avis contesté ne s’expose à aucune critique sérieuse et légitime (au sens de l’article 21.1 du Règlement).

Par suite, il n’y a pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause ni de réformer l’Avis contesté (sauf pour y mentionner la demande de Révision comme indiqué ci-dessus).

Dès lors et pour conclure, l’Avis en cause (mentionnant en outre la requête en Révision et la présente réponse) deviendra définitif et il sera publié – accompagné du présent courrier, lequel constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire à la demande de l’annonceur.

Alain GRANGE-CABANE
Réviseur de la déontologie publicitaire


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