LEBRUN & Fils

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Plaintes fondées

Avis publié le 6 juin 2023
LEBRUN & Fils – 915/23
Plaintes fondées 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 19 et 27 mars 2023, de deux plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Lebrun & fils, pour promouvoir son offre de produits de chauffage.

La publicité en cause, diffusée par courriel et sur le réseau social Facebook, présente un jeu-concours organisé à l’occasion des 60 ans de la société.

Le visuel montre, sur fond bleu, l’une des marionnettes emblématiques de l’émission « Les Guignols » diffusée sur la chaîne Canal+, représentant Dominique Strauss-Kahn. Le personnage est vêtu d’un peignoir à imprimé léopard et d’une casquette bleue portant le nom de la société. Il tient une brosse de ramonage dans la main droite.

Le texte utilisé en accroche est : « Faites-vous ramoner gratuit pendant 3 ans », accompagné des informations relatives aux conditions pour participer au concours.

2. Les arguments échangés

Les plaignants énoncent que cette publicité est dégradante à l’égard des femmes. Utiliser l’image de Dominique Strauss-Khan, qui a fait l’objet d’accusations pour agression sexuelle, sous couvert d’humour, contribue à entretenir un climat sexiste dans la société, ce qui est dangereux pour les femmes, tout en desservant les hommes.

La société Lebrun & Fils a été informée, par courriel et par courrier recommandé avec accusé de réception du 3 avril 2023, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société fait valoir qu’elle a utilisé l’image de DSK des Guignols pour un jeu concours du service ramonage et non pour un spot publicitaire.

Elle présente ses excuses pour le désagrément et confirme que son service webmaster a effectué la suppression de ce contenu.

3. L’analyse du Jury

3.1 Sur la compétence du Jury

Le Jury rappelle qu’en vertu des articles 2 et 3 de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion des messages de nature politique ou syndicale.

Constitue un message publicitaire tout contenu porté à la connaissance du public par une personne publique ou privée ou pour son compte, et qui a pour objet principal d’assurer la promotion d’une marque que celle-ci exploite, fut-ce à l’occasion d’un jeu-concours.

En l’espèce, la diffusion par courriel et sur le réseau social Facebook d’un « jeu-concours » organisé à l’occasion des 60 ans de la société pour faire bénéficier les gagnants d’un ramonage gratuit pendant trois ans avait clairement pour finalité de promouvoir l’activité de la société Lebrun fils à des fins publicitaires.

Il s’en déduit que le Jury est compétent pour apprécier la conformité de cette publicité aux Recommandations de l’ARPP.

3.2 Sur les règles déontologiques applicables et le visuel visé par les plaintes

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :

    • « 2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.
    • 2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. 
    • 2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme. »

Selon le principe général de décence explicité par l’article 3 du code « Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale (dit code ICC) : « La communication commerciale doit proscrire toute déclaration ou tout traitement audio ou visuel contraire aux convenances selon les normes actuellement admises dans le pays et la culture concernés ».

Le Jury relève que le texte « Faites-vous ramoner gratuit pendant 3 ans », associé à une marionnette représentant Dominique Strauss-Kahn dans l’émission « Les Guignols de l’info » auparavant diffusée sur la chaîne Canal+ et immédiatement reconnaissable, induit une interprétation du mot « ramoner » en lien avec cette personnalité et les accusations d’infractions à caractère sexuel dont il a fait l’objet. Or dans une acception vulgaire et argotique, jouant sur l’analogie entre un conduit de cheminée et le vagin, le verbe ramoner signifie « avoir une relation sexuelle avec une femme », l’expression pouvant également s’employer, par analogie avec le canal anal, pour désigner la sodomie. Cette interprétation est confirmée par l’expression « Faites-vous ramoner » et non « Faites ramoner votre cheminée » ou « Bénéficiez d’un ramonage ».

Le Jury considère que cette publicité repose sur la conception de la femme comme objet sexuel et porte ainsi atteinte à sa dignité d’une manière particulièrement dégradante. Elle est également, et plus largement, contraire à l’exigence de décence mentionnée ci-dessus.

En conséquence, tout en prenant acte des excuses formulées par l’annonceur qui a mis fin à la diffusion du visuel, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les règles déontologiques précitées.

Avis adopté le 12 mai 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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