KILLBILLS

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Plainte fondée

Avis publié le 27 février 2025
KILLBILLS – 1048/25
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 décembre 2024, d’une plainte émanant de l’association Two Sides France, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire, en faveur de la société Killbills pour promouvoir son offre de ticket de caisse dématérialisé.

Les allégations mises en cause par la plainte sont diffusées :

  • sur le site Internet : « le ticket de caisse dématérialisé est arrivé…écologique», « bien plus éco-responsable », « une alternative écologique », « un ticket dématérialisé » …
  • sur la page Linkedin de la société : « une démarche innovante et écoresponsable », « la solution … pour tous les commerçants engagés pour un avenir plus vert »…

2. Les arguments échangés

L’association plaignante relève que la loi du 10 février 2020, dite loi AGEC, prévoit à son article 49 que l’impression et la distribution systématique de tickets de caisse est interdite, sauf demande contraire du client. En conséquence, un décret d’application a été publié le 14 décembre 2022. Cette mesure est ainsi entrée en vigueur le 1er août 2023 après plusieurs reports successifs.

Depuis la publication du décret, plusieurs start-ups ont initié des campagnes de publicité faisant la promotion des tickets électroniques comme alternative écologique à l’usage de papier.

Le Jury de déontologie publicitaire a été amené à se prononcer suite à deux plaintes déposées par Two Sides concernant les sociétés Quipro et Billiv. Malgré la publication de deux avis par le Jury, une troisième société a poursuivi une communication similaire aux deux cas précédents, mettant en avant des arguments environnementaux que l’association considère comme infondés.

Cette communication publicitaire inclut une communication sur son site internet et la publication de différents posts sur LinkedIn, notamment pendant la semaine du 2 décembre.

La société y présente son ticket comme une alternative « écologique » (sur la page d’accueil du site) et « écoresponsable » (dans le post), ou « engagé pour un avenir plus vert » (post LinkedIn également), termes à portée générale et interdits par la législation.

Elle le présente également comme un ticket « dématérialisé » (page d’accueil du site internet), laissant entendre qu’il n’utiliserait aucun support ou matériel, ce qui est contraire à la réalité d’un service nécessitant des équipements électroniques, terminaux, réseaux et serveurs.

La société indique que son outil est « bien plus éco-responsable », en mentionnant sur sa page internet des économies d’eau, des arbres sauvés, ou des émissions de CO2 évitées, sans mentionner de source indiquant la base sur laquelle cette comparaison serait faite.

Notamment, la société fait référence à des arbres sauvés par l’usage de son service, sans que cet impact corresponde à la réalité de la filière du papier, ainsi que cela a déjà été explicité dans les cas Quipo, Billiv, Armen paper et Mineral Print antérieurement traités par le Jury.

La société n’évoque jamais les impacts environnementaux associés à l’usage de son service, bien que la protection de l’environnement constitue un des arguments principaux utilisés par Killbills pour la promotion de son service.

Enfin, selon les indications fournies par Killbills dans sa vidéo de présentation et sa page https://www.killbills.co/commerce il semble que le ticket de paiement numérique proposé par Killbills soit automatiquement et systématiquement envoyé au client via son espace bancaire.

On rappellera à cet égard que la loi AGEC a précisément été votée pour qu’un ticket ne soit imprimé et remis au client qu’à sa demande, s’il lui est nécessaire, pour éviter la génération de tickets mobilisant des ressources naturelles sans nécessité.

A l’inverse de l’esprit de la loi AGEC, Killbills ne permet pas au client d’exprimer son choix et va donc générer de manière systématique des tickets de paiement, même lorsque ceux-ci sont inutiles pour le client et ne seraient pas souhaités, lesquels nécessiteront l’envoi et le stockage d’informations sur divers serveurs et équipements électroniques, générant une pollution numérique d’autant plus importante que la carte bancaire est devenue, selon la Banque de France, le moyen de paiement prépondérant des dépenses quotidiennes, y compris pour les plus faibles montants.

En ne laissant pas le choix au client et en générant systématiquement un ticket, éventuellement inutile, Killbills ne peut donc pas se prévaloir d’être plus vertueux qu’un support alternatif pour lequel ce choix est possible.

La société Killbills a été informée, par courriel du 19 décembre 2024, puis par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 janvier 2025, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des impacts éco citoyens (point 1) :
    • « 1. La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :
    • (…)
    • c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement. »
    • 1.2 La publicité ne doit pas discréditer les principes et objectifs, non plus que les conseils ou solutions, communément admis en matière de développement durable. La publicité ne saurait détourner de leur finalité les messages de protection de l’environnement, ni les mesures prises dans ce domaine.
  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit.
    • 3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion.
    • 3.3 En particulier :

a/ L’argument publicitaire ne doit pas porter sur plus de piliers du développement durable, plus d’étapes du cycle de vie ou plus d’impacts qu’il ne peut être justifié.

b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif.

  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.
    • 2 Lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition.
    • 3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.

Le Jury relève que, sur les visuels transmis et qu’il a pu étudier, la société Killbills présente son ticket dématérialisé comme constituant une alternative « écologique », démontrant son engagement dans « une démarche innovante et écoresponsable » dans ce qui serait « la solution » à l’égard de commerçants eux-mêmes et avec elle « engagés pour un avenir plus vert ».

En outre dans une vidéo de présentation, le ticket de paiement numérique proposé par Killbills fait référence à un envoi au client, via son espace bancaire, qui serait automatique et systématique pour celui qui refuse l’impression papier mais sans possibilité de refus « sec » c’est-à-dire sans recourir ni à l’impression ni à l’envoi dématérialisé.

Enfin, la société n’évoque jamais les impacts environnementaux associés à l’usage des solutions numériques qu’elle propose, voire impose si l’envoi par voie dématérialisée est effectivement systématique, selon les allégations de la vidéo précitée.

Le Jury estime que le choix du vocabulaire et les expressions utilisées sont autant de formulations globalisantes exprimées sans aucune nuance ni référence à un quelconque impact négatif.

Ces allégations sont donc à la fois susceptibles de détourner de leur finalité les messages de protection de l’environnement, d’induire en erreur le public, mais elles sont également disproportionnées au regard de l’impact négatif sur l’environnement qui n’est évidemment pas neutre pour la production et l’envoi d’un ticket numérique via l’espace bancaire.de l’utilisateur.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause est contraire à l’ensemble des dispositions déontologiques précitées en matière de développement durable.

Avis adopté le 7 février 2025 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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