FLYING GREEN

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Plainte fondée

Avis publié le 23 mai 2023
FLYING GREEN – 909/23
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 3 février 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Flying Green, pour promouvoir la flotte de la compagnie aérienne.

La publicité en cause, diffusée sur le site Internet de la société utilise l’allégation « Première compagnie aérienne premium et écoresponsable ».

2. La procédure

Par courriel avec accusé de réception du 7 février 2023, le Président du Jury a informé la société Flying Green de la plainte dont il était saisi, qui fait suite à un précédent avis du Jury (n° 819/22) concluant à la contrariété entre la même allégation et la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. Il a demandé, conformément à l’article 14 du règlement intérieur du JDP, la modification de l’allégation en cause et l’engagement de ne pas réitérer la publicité. La société Flying Green a également été informé que, à défaut, le Jury ne pourra que rendre un nouvel avis concernant la publicité en cause.

Le Jury de Déontologie Publicitaire avait en effet été saisi, une première fois, en décembre 2021, de plaintes émanant de plusieurs particuliers, lui demandant de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de divers éléments de communication (compte LinkedIn, sites internet) émanant de la société Flying Green, dans le but de promouvoir sa flotte aérienne.

3. Les arguments échangés

Le plaignant considère que l’allégation « première compagnie aérienne éco-responsable » induit qu’une compagnie aérienne peut être éco-responsable. Or un particulier qui prend un avion de 3 heures va émettre 2 tonnes de CO2. Pour respecter les accords de Paris, les particuliers doivent limiter les émissions à 2 tonnes par an en 2050.

Il ajoute que le terme « éco-responsable », qui est un terme trop générique, ne peut plus être utilisé.

La société Flying Green n’a pas présenté d’observations.

4. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

(…)

b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs (…) /

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :

« 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;

2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;

3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »

  • au titre de la proportionnalité (point 3) :

« 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;

2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »

  • au titre de la « clarté du message » (point 4) : « 6. Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée».
  • au titre de la « loyauté » (point 5) : « 1. La publicité ne doit pas attribuer à un produit ou à un annonceur l’exclusivité de vertus au regard du développement durable alors que celles des concurrents seraient analogues ou similaires».
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :

« 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /

7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » n’a pas pour objet d’interdire aux entreprises, notamment celles du transport aérien, de valoriser les actions qu’elles mènent en matière environnementale. Elle fixe en revanche un cadre déontologique que ces dernières doivent respecter afin de ne pas dégrader la confiance que le consommateur peut porter tant à l’activité commerciale qu’à sa promotion publicitaire et de ne pas induire ce dernier en erreur, en altérant abusivement les comportements d’achat ou en affectant la loyauté de la concurrence entre opérateurs. A cet égard, en raison de l’impact environnemental du transport aérien et de la très forte sensibilité du corps social à cette question, qu’il appartient au Jury de prendre en compte conformément au point 1 de la Recommandation, les compagnies aériennes doivent faire preuve d’une particulière vigilance dans la formulation des allégations écologiques figurant dans des publicités qu’elles diffusent.

Le Jury relève que le site Internet critiqué présente la société Flying Green comme la « première compagnie aérienne premium et écoresponsable ». Cette allégation, qui fait écho à la dénomination de la société, est présentée en page d’ouverture du site internet sous la photographie d’un avion en vol.

Le Jury confirme, en premier lieu, que la formulation du post LinkedIn induit nécessairement l’idée que les autres compagnies aériennes ne seraient pas écoresponsables et que Flying Green aurait, au moins à son lancement, le monopole de cette qualité (la « première » signifiant ici avant les autres). Or aucun élément produit ne permet de garantir ou, à tout le moins, d’avoir des raisons sérieuses de penser qu’à l’échéance du lancement de cette compagnie, prévu au second semestre 2023, celle-ci serait la seule à utiliser 5 % de biocarburant aéronautique sur ses vols et à recourir à des avions de dernière génération. Par suite, cette allégation apparaît contraire au point 5.1. de la Recommandation « Développement durable ».

En deuxième lieu, et en tout état de cause, le Jury constate que le terme « écoresponsable » constitue une formulation globale, non relativisée (contrairement à « plus responsable » par exemple), au sens du point 7.3 de la Recommandation « Développement durable », qui ne repose sur aucune justification compte tenu des incidences environnementales réelles de l’activité prévue de la compagnie. Le Jury ne sous-estime certes pas l’ambition et l’intérêt des actions de limitation annoncées, alors notamment que la réglementation n’exige, depuis le 1er janvier 2022 et jusqu’en 2025, qu’un taux d’incorporation de biocarburant de 1 % et que le taux de 5 % ne sera imposé qu’à compter de 2030. Toutefois, l’utilisation de 95 % de kérosène continuera de générer des émissions de carbone importantes, en sus de celles qui proviennent de l’ensemble du cycle de vie des services offerts et des autres nuisances environnementales produites par l’activité de transport aérien, qui ne permettent pas, dans le contexte actuel, de revendiquer de manière générale une « éco-responsabilité ».

Ainsi qu’il l’avait relevé dans l’avis n° 818/22 du 4 février 2022, qui a donné lieu à une demande de révision rejetée par le Réviseur de la déontologie publicitaire, le Jury, qui regrette que cet avis n’ait pas été suivi d’effet, estime que l’allégation « première compagnie aérienne premium et écoresponsable » est de nature à induire en erreur le public sur la réalité des actions de l’annonceur.

Il est donc d’avis que le message publicitaire critiqué est contraire aux règles déontologiques précitées dans cette mesure.

Le Jury rappelle que l’article 14 de son règlement intérieur permet, en cas de réitération des manquements, un examen de la nouvelle plainte à l’issue duquel l’avis du JDP fera mention de la réitération du manquement et pourra être accompagné de l’une ou de plusieurs des mesures prévues à l’article 20.3 de ce règlement.

En l’espèce, au regard des manquements réitérés et de l’absence de réponse de la société à la suite de la communication de cette nouvelle plainte, le Jury décide d’assortir son avis d’un communiqué sur son site internet, de demander à l’ARPP une diffusion renforcée de l’avis et de transmettre ce dernier au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, dont dépend notamment la direction générale de l’aviation civile.

Avis adopté le 7 avril 2023 par le Jury de déontologie publicitaire, composé de M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Charlot et Boissier, MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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