EASYJET – Presse – Plainte fondée

Avis publié le 4 janvier 2022
EASYJET – 798/21
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 1er novembre 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, diffusée en presse, en faveur de la société EasyJet, pour promouvoir son offre de flotte aérienne.

La publicité en cause montre un homme en costume et une femme en tenue de pilote d’avion, se tenant debout sur un tarmac d’aéroport. A l’arrière-plan, un avion de la compagnie EasyJet est stationné.

Le texte accompagnant cette image est « Nous ne donnons pas de leçon, nous compensons nos émissions » et « Depuis 2019, nous compensons nos émissions de carbone provenant du carburant utilisé sur tous nos vols en soutenant des projets environnementaux. Une solution transitoire le temps que de nouvelles technologies réduisant très significativement les émissions soient disponibles ».

Au bas de l’image, un texte indique « Comment compensons-nous les émissions de carbone ? Nous investissons dans des projets de préservation des forêts et de développement d’énergies renouvelables répondant aux labels internationaux particulièrement stricts tels que Verified Carbon Standard (VCS) ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant considère que cette publicité constitue un écoblanchiment sur la compensation carbone des vols de la compagnie EasyJet. La compensation carbone ne doit être en aucun cas une excuse pour consommer et voler encore plus.

La société EasyJet a été informée, par courriel avec accusé de réception du 8 novembre 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

(…)

b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs (…) /

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable;
    • les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • l’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; »
  • au titre de la proportionnalité ( point 3):
    • « le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4):
    • « l’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ;
    • lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois» de l’ARPP ; »
  • enfin, au titre des dispositifs complexes (point 9) : « Certains dispositifs reconnus peuvent reposer sur des démonstrations très techniques ou sur des montages complexes dans lesquels le bénéfice en matière de développement durable est indirect (ex. dispositifs dits “électricité verte”, “compensation carbone”, “Investissement Socialement Responsable”, etc.). / Lorsque la publicité fait référence à ce type de dispositif :
    • 9.1 Elle doit veiller à ne pas induire le public en erreur sur la portée réelle du mécanisme.
    • 9.2 Si elle utilise des raccourcis simplificateurs à visée pédagogique, elle doit apporter au public les explications nécessaires, aux conditions définies par l’article 4.4 de ce texte.
    • 9.3 L’avantage procuré par les dispositifs de nature à compenser indirectement l’impact négatif d’un produit ou d’une activité ne doit pas être attribué directement au produit ou à l’activité ».

Le Jury relève que la publicité en cause fait la promotion de la compagnie EasyJet et, plus particulièrement, de son programme de compensation carbone, présenté comme une « solution transitoire, le temps que de nouvelles technologies réduisant très significativement les émissions soient disponibles ». Il est précisé que l’annonceur compense ses émissions de carbone provenant du carburant utilisé sur l’ensemble de ses vols, en investissant dans des projets de préservation des forêts et de développement d’énergies renouvelables répondant à certains labels internationaux, dont VCS.

Cette publicité renvoie à une page internet (www.easyjet.com/fr/voyageons-mieux) qui reprend l’allégation selon laquelle que « Nous compensons les émissions de carbone provenant du carburant utilisé sur tous nos vols » et précise que « pour chacun de nos vols, nous compensons toutes les émissions de carbone issues des carburants utilisés en soutenant des projets de lutte contre la déforestation, de plantation d’arbres ou de développement d’énergies renouvelables ». Il est également indiqué que « Le fait que nous soyons la seule grande compagnie aérienne européenne à compenser les émissions de carbone issues du carburant utilisé pour tous nos vols signifie que si vous décidez de prendre l’avion pour vos déplacements, faire appel à nos services est un choix plus respectueux de l’environnement. ». Un lien est disponible vers le rapport annuel 2020 en anglais.

En l’absence d’observations présentées par la société, le Jury comprend du chapitre « soutenabilité » de ce rapport (pp. 42-43) qu’en 2020, les émissions totales (sur les scopes 1, 2 et 3) se sont élevées à 5.393.980 tC02e, dont 4.248.135 sur les scopes 1 et 2 (ces dernières émissions émanant à 99,97 %, soit la quasi-totalité, de l’utilisation du carburant, selon le même rapport). La compensation carbone (carbon offsets) a représenté 3.146.196 tCO2e. Le Jury constate ainsi que la compagnie n’a compensé ses émissions de l’année 2020 qu’à hauteur de 58 %, en retenant les scopes 1, 2 et 3, et à peine 75 % en se basant sur la seule utilisation du carburant pour les scopes 1 et 2.

L’allégation « nous compensons nos émissions », que la page de renvoi « voyageons mieux » explicite en « nous compensons toutes les émissions de carbone issues des carburants utilisés » laisse au contraire entendre au consommateur que la société compenserait l’intégralité des émissions résultant de l’utilisation de ses carburants, lesquelles ne représentent de surcroît qu’une partie des émissions totales résultant de l’activité de l’annonceur. Par suite, le Jury estime que ce message est de nature à induire en erreur le public, qu’il minimise les conséquences environnementales du recours aux services de cette compagnie et qu’il méconnaît ainsi le c) du point 1 et les exigences de véracité et de proportionnalité résultant du point 2 de la Recommandation précitée. Le Jury constate de surcroît que, contrairement à ce qu’indique la page « voyageons mieux », d’autres compagnies aériennes ont développé des programmes de compensation carbone, de sorte qu’il n’est pas avéré que le choix d’EasyJet serait « plus respectueux de l’environnement ». L’ensemble de ces allégations, conjuguées à celle qui présente la compensation carbone comme une « solution transitoire », sont au surplus de nature à « décomplexer » les consommateurs et à inciter à un recours excessif au transport aérien en dépit de ses incidences environnementales.

En outre, l’absence de précisions chiffrées dans la publicité ou la page de renvoi, et la nécessité, pour les obtenir, de se reporter à un rapport en anglais et de procéder à des calculs pour connaître la proportion des émissions donnant lieu à compensation, méconnaît l’exigence de clarté du message résultant du point 4 de la Recommandation.

Dans ces conditions, le Jury considère que la publicité critiquée méconnaît les règles déontologiques précitées.

Avis adopté le 10 décembre 2021 par M. Lallet, Président, Mme Boissier et MM. Depincé, Le Gouvello et Lucas-Boursier.

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