COMPAGNIE DU PONANT

Presse

Plainte partiellement fondée

Avis publié le 6 novembre 2023
COMPAGNIE DU PONANT – 962/23
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de l’association France Nature Environnement, plaignante, ainsi que ceux de la Compagnie du Ponant, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 2 août 2023, d’une plainte émanant de l’association France Nature Environnement, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la Compagnie du Ponant.

La publicité en cause, diffusée en presse, dans le Journal du Dimanche, montre :

  • dans sa partie haute, la photographie d’un commandant de navire de croisière sur laquelle est apposée la phrase « La nature est notre guide » ;
  • dans sa partie basse, un paysage de mer avec au loin, un bateau de la Compagnie. Le texte apparaissant en incrustation est « Un bon Commandant doit composer avec les courants, les marées, les vents, la glace, parfois les tempêtes…en toute humilité. Je pense qu’avec ce privilège vient aussi la responsabilité de les protéger. Nous sommes les pionniers d’un tourisme plus durable, à bord de petits navires de moins de 200 passagers, équipés des dernières technologies. C’est ce qui nous permet d’avoir une plus grande agilité et une empreinte environnementale la plus réduite possible. Mon objectif est d’inspirer mes passagers et partager ma passion. Parce qu’on protège mieux ce que l’on connait. Notre destination ? Un tourisme plus responsable. Ce ne sera pas facile… Mais ce voyage-là me passionne ».  

2. La procédure

La société Compagnie du Ponant a été informée, par courriel avec accusé de réception du 3 août 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Cette affaire, qui devait être initialement examinée lors de la séance du Jury de Déontologie Publicitaire du 8 septembre 2023, a fait l’objet d’un report, à la demande de l’annonceur, qui a déclaré, par courriel du 3 août 2023, être dans l’impossibilité de produire des observations dans le délai demandé compte tenu de la période de congés estivaux.

3. Les arguments échangés

L’association France Nature Environnement, plaignante, énonce, à titre liminaire, que la Compagnie du Ponant a fait l’objet d’un avis du Jury, en date du 3 août 2022 (n° 864/22) concernant une publicité différente mais comparable. Cet avis avait reconnu de nombreuses méconnaissances de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP et certaines formulations ont été reprises, à l’identique ou avec des termes similaires, dans la publicité objet de la saisine. Or, la société s’était engagée à respecter les règles de déontologie de la publicité, ce qu’elle n’a manifestement pas fait.

FNE considère que la publicité en cause présente plusieurs violations des règles déontologiques de l’ARPP

1/ Sur la violation des articles 2.1, 7.1 et 1.1 (b et c) de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

La publicité assimile les croisières de la Compagnie du Ponant à un « tourisme plus durable » et à une « empreinte environnementale la plus réduite possible ». En premier lieu, le secteur des croisières est très émetteur de gaz à effet de serre. En effet l’ONG transport environnement souligne que : « Les émissions du transport maritime européen ont augmenté de 3 % en 2022, l’industrie se rapprochant des niveaux d’avant la pandémie. Même lorsque l’économie mondiale ne tourne pas très fort, les navires européens émettent encore plus de 130 millions de tonnes de CO2. »

La Compagnie du Ponant ne peut prétendre à une « empreinte environnementale la plus réduite possible » concernant ses émissions, ce même au regard de ces engagements environnementaux. En effet, la compagnie utilise du Gaz Naturel Liquéfié sur son navire de haute exploration polaire.

En outre le GNL n’est pas sans poser de sérieux problèmes comme a pu le souligner l’association Transport et Environnement : « Les armateurs qui utilisent du GNL au lieu de combustibles marins traditionnels veulent que le public et les décideurs croient que le gaz est la « meilleure option disponible aujourd’hui », en raison de la réduction des polluants atmosphériques et des émissions de CO2. Mais l’utilisation du GNL entraîne de nouveaux problèmes climatiques, souvent pires, ce qui en fait un choix terrible pour l’avenir. Le GNL est principalement composé de méthane, un gaz à effet de serre 80 fois plus puissant que le CO2 à court terme et 30 fois pire à long terme. Le méthane fuit dans l’atmosphère tout au long de la chaîne de production et d’approvisionnement de GNL et glisse directement des cheminées du navire*, contribuant ainsi au réchauffement climatique à un rythme important. Le nombre de navires alimentés au GNL augmente à une échelle sans précédent et d’ici 2030, un quart de l’énergie utilisée par les navires européens pourrait provenir du gaz fossile. Choisir le GNL comme carburant marin va à l’encontre de l’Engagement mondial pour le méthane qui vise à réduire les émissions de méthane de 30 % d’ici 2030 (par rapport au niveau des émissions de méthane en 2020), et va à l’encontre des conseils d’institutions telles que la Banque mondiale. »

Autrement dit, on est donc bien loin de l’empreinte environnementale la plus réduite possible concernant les émissions.

Concernant les émissions de gaz à effet de serre, dans son propre rapport « Développement durable 2021 » la Compagnie du Ponant indique que les émissions de CO2 par jour de croisière étaient de 43 tonnes en 2021 (page 17). Prenant en compte un bateau de 200 passagers, un touriste faisant une croisière d’une semaine émettrait 1,5 tonnes de CO2.

Or, l’empreinte carbone de chaque Français doit être réduite à 2 tonnes de CO2 par an pour que les objectifs de limitation du réchauffement global de la planète pris dans l’Accord de Paris soient respectés. En conséquence, il est impossible de considérer qu’une activité émettant autant de gaz à effet de serre en si peu de temps à une empreinte écologique faible ou est durable.

Les croisières de la Compagnie du Ponant, comme le secteur des croisières, ne correspondent donc pas à un tourisme durable et ont un fort impact environnemental, contrairement à ce qui est indiqué dans la publicité.

En second lieu, le secteur des croisières a un impact important sur les écosystèmes et la pollution de l’air (Jean-Marie Breton, « Croisière, environnement et pollutions », Études caribéennes).

Plus précisément concernant la biodiversité, la Compagnie du Ponant propose des croisières dans des zones naturelles quasiment désertes, notamment en Antarctique (56 croisières) et en Arctique (59 croisières). Les navires de Ponant approchent des espèces protégées et/ou vulnérables, comme des orques, balades et phoques. Elles offrent également la possibilité de débarquer sur la banquise, ce qui n’est pas sans risque pour la faune et la flore.

Ainsi, les croisières de la compagnie du Ponant ont un impact non négligeable sur la biodiversité et ont une empreinte environnementale importante.

Cela induit donc en erreur le public sur l’impact des croisières de la Compagnie du Ponant sur l’environnement et le climat et viole les articles 2.1 et 7.1. De la même manière, cette publicité minimise les conséquences environnementales des croisières de la société, très polluantes, et incite à une consommation excessive, ne serait-ce qu’uniquement au sujet des émissions de gaz à effet de serre au regard du « budget carbone » visé pour chaque français, et viole ainsi l’article 1.1.

Par ailleurs, la publicité fait mention de « petits navires de moins de 200 passagers ». Or, le Rapport développement durable 2021 susmentionné indique que la Compagnie du Ponant exploite 7 navires avec une capacité inférieure à 200 passagers mais également 6 avec une capacité supérieure, dont un bateau pouvant transporter 330 passagers. La formulation choisie pourrait ainsi indiquer soit que les allégations environnementales ne valent que pour leurs navires ayant une capacité de moins de 200 passagers (et dans ce cas cette limitation aurait dû être clairement indiquée), soit que les allégations valent pour tous les navires mais que la publicité omet sciemment de dire que la Compagnie du Ponant n’affrète pas uniquement des navires de moins de 200 passagers.

2/ Sur la violation des articles 2.2, 2.3 et 4.1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

La publicité ne donne aucun élément prouvant ses allégations environnementales. Premièrement, la formulation « tourisme plus durable » est liée aux expressions « dernières technologies », sans aucune précision sur leur nature et leur réel impact, et « petits navires de moins de 200 passagers », qui comme prouvé ci-dessus ne représentent qu’une partie de la flotte de la Compagnie du Ponant.

Deuxièmement, la formulation « empreinte environnementale la plus réduite possible » n’est pas justifiée. Ces formulations générales ne sont ainsi ni explicitées ni prouvées, que ce soit dans la publicité ou dans une autre ressource à laquelle aurait renvoyé la publicité.

Le Rapport Développement durable 2021 susmentionné ne permet pas non plus d’obtenir des éléments scientifiques fiables permettant de justifier ces allégations. En effet, plusieurs mesures relatives à l’environnement sont citées (pages 16 à 21) mais sans aucune vérification scientifique de leur impact réel, notamment sur la biodiversité, la qualité de l’air, les émissions de gaz à effet de serre… De plus, la quantité de CO2 émise par jour de croisière ne semble pas avoir significativement diminué du fait de ces mesures entre 2018 et 2021 ; elle a même augmenté entre 2020 et 2021 (page 17 du Rapport Développement durable 2021).

En conséquence, les allégations faites par la publicité ne semblent pas fondées sur des éléments scientifiques fiables démontrant la réduction des émissions de gaz à effet de serre et plus largement de l’impact environnemental des croisières de la Compagnie du Ponant. La publicité viole donc les articles 2.3 et 4.1.

De plus, cette absence de vérification de l’impact des mesures prises et l’imprécision des formulations empêchent de qualifier les actions de la Compagnie du Ponant de significatives. La publicité est donc contraire à l’article 2.2.

3/ Sur la violation de l’article 4.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

La publicité utilise des formulations floues et à caractère général, principalement « tourisme plus durable », « dernières technologies » et « empreinte environnementale la plus réduite possible ». Aucune d’entre elles n’a de définition communément admise et la publicité ne les explicite pas. Notamment, le terme « empreinte environnementale » pourrait faire référence à de nombreux problèmes causés par les croisières : émissions de gaz à effet de serre, perturbation de la biodiversité, pollution de l’air aux particules fines… Il est ainsi impossible de savoir sur quoi portent réellement les allégations environnementales.

En conséquence, la publicité formule des allégations environnementales avec des termes flous et généraux sans aucune explication directe ou par renvoi, en violation de l’article 4.3.

4/ Sur la violation de l’article 4.6 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

La publicité indique que la Compagnie de Ponant est pionnière d’un « tourisme plus durable » et a une « empreinte environnementale la plus réduite possible ». Les termes en italique suggèrent que la Compagnie de Ponant réduit son impact sur l’environnement mais, comme évoqué précédemment, la publicité ne justifie pas ces allégations par des vérifications chiffrées ni en donnant la base de comparaison utilisée.

Ainsi, la publicité exprime par des termes généraux et non justifiés une réduction d’impact des croisières de la Compagnie du Ponant, en violation de l’article 4.6.

5/ Sur la violation de l’article 7.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

Les formulations générales de la publicité, notamment « tourisme plus durable », « dernières technologies » et « empreinte environnementale la plus réduite possible », ne sont pas justifiées par des éléments scientifiques fiables et chiffrés. Or, ces allégations environnementales sont faites de manière absolue, sans être relativisées.

La publicité est donc contraire à l’article 7.3 de la Recommandation.

Lors de la séance, l’association plaignante a repris en substance les critiques adressées à la publicité et regretté que les modifications apportées à la communication n’aient pas

La société Compagnie du Ponant fait valoir qu’elle prend la pleine mesure de la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP ainsi que du rôle du JDP.

Dans le cadre de sa démarche de progrès pour une communication toujours plus responsable, et à la suite du premier avis négatif du Jury, publié le 3 août 2022, la société affirme avoir mis tout en œuvre pour intégrer l’ensemble des recommandations qui lui ont été formulées.

Ainsi, elle veille à éviter les formulations globales en les précisant autant que possible, notamment en ayant recours à des formulations telles que « contribue à » ou « plus » responsable.

La société comprend néanmoins qu’elle doit redoubler encore de vigilance.

Elle fait part des échanges avec l’ARPP qui l’a alertée le 7 juin 2023, ce qui l’a immédiatement conduite à une modification du visuel, recueillant ainsi son avis favorable.

La Compagnie du Ponant indique comprendre l’importance de fournir les preuves tangibles de ses actions afin que son discours repose sur des éléments vérifiables. C’est dans cette optique que, conformément à la recommandation de l’ARPP, elle a inclus un lien vers son rapport de développement durable, accessible sur le site internet https://www.ponant.com/tourisme-plus-durable

En outre, des ajustements à certains éléments de langage ont été apportés. A ce titre, concernant la phrase d’un commandant « Je pense qu’avec ce privilège vient aussi la responsabilité de les protéger », ouverts aux suggestions quant à des alternatives plus appropriées et permettant de s’intégrer au mieux dans le référentiel ARPP, le terme « protéger » a été remplacé par « respecter ».

La société fait valoir qu’elle a pris la décision d’adhérer à l’ARPP. Cette adhésion lui permettra de bénéficier des conseils de l’Autorité en amont pour assurer une communication conforme à la réglementation en vigueur.

Elle estime ainsi que les préoccupations de France Nature Environnement ont déjà été prises en compte et que leurs demandes au titre de la plainte sont sans objet du fait de l’intervention préliminaire de l’ARPP et de la modification immédiate du visuel.

Lors de la séance, l’annonceur a repris en substance son argumentation et rappelé qu’il était engagé dans une démarche de limitation de l’impact écologique de son activité. Il a précisé qu’en pratique, ses navires n’embarquaient jamais plus de 200 passagers, quand bien même pourraient-ils en accueillir davantage. Au demeurant, la fréquentation est plafonnée à 200 pour les croisières polaires par le « code polaire » de 2017. La société fait au mieux de ses capacités, d’où la formulation : « empreinte carbone la plus réduite possible ». Elle a rappelé les différentes actions déployées en ce sens.

Le Journal du Dimanche a également été informé, par courriel avec accusé de réception du 3 août 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée, puis informé du report d’examen de l’affaire.

Il n’a pas présenté d’observations.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique qu’elle a lancé, en juin 2023, l’« Observatoire RSE/ Développement durable ». Cet observatoire s’inscrit dans les actions menées par l’organisme en lien avec engagements de l’interprofession publicitaire sur le sujet de la lutte contre le dérèglement climatique. Cet observatoire permet d’étudier les publicités une fois diffusées (relevées par la plateforme Adscope Kantar Media) et de détecter des manquements aux dispositions de la Recommandation « Développement durable ».

L’ARPP rappelle que, de manière générale, une attention toute particulière est accordée à la bonne application, avant ou après diffusion, des règles encadrant les communications ayant recours à des allégations environnementales.

En l’espèce, la publicité en cause a été relevée le 7 juin dernier, en presse.

L’accroche « La nature est notre guide » ainsi que l’allégation « Je pense qu’avec ce privilège vient aussi la responsabilité de les protéger » ont été considérées comme excessives au regard de l’activité de croisiériste de l’annonceur, quand bien même des transformations concrètes ont été mises en place. L’article 3.2 de la Recommandation ARPP « Développement Durable » prévoit en effet que : « le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion ».

En outre, en application des articles 2.3, 4.1 et 4.4 de la Recommandation ARPP « Développement durable », il  a été rappelé que les formulations « Tourisme plus durable », « empreinte environnementale la plus réduite possible », doivent reposer sur des éléments justificatifs objectifs, fiables, véridiques et vérifiables et être explicitées dans le message (ou, dans le cas d’explicitation trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité, l’information essentielle doit y figurer, accompagnée d’un renvoi à une page ou une rubrique dédiée du site Internet de l’annonceur).

A la suite de son intervention, l’ARPP a pu échanger avec l’annonceur qui a, depuis, rejoint les membres de l’association. Des propositions de modifications de la communication ont été soumises, les évolutions ainsi apportées allant dans le sens des observations formulées : en particulier, dans un souci de clarté du message, un lien renvoyant au rapport de développement durable de la Compagnie du Ponant, a été inséré en vue de futures communications.

4. La séance du 6 octobre 2023

Cette séance, d’une durée d’environ 30 minutes, a été définitivement interrompue, de façon impromptue, en raison d’un problème technique. Toutefois, le Jury constate que l’ensemble des participants, en particulier la Compagnie du Ponant dont la publicité est mise en cause, a pu exprimer ses positions et analyses de façon approfondie et répétée, et que, postérieurement à cette séance, aucune des parties intéressées n’a indiqué qu’elle avait été empêchée de faire valoir un argument important, au-delà des observations écrites et orales qui ont été formulées. Par suite, et pour regrettable que soit cet incident, le Jury a estimé qu’il était suffisamment éclairé par le débat contradictoire pour se prononcer, sans qu’il soit besoin d’organiser une nouvelle séance.

5. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle à titre liminaire que son examen se limite à la publicité de la Compagnie du Ponant telle qu’elle a été diffusée dans le Journal du dimanche du 4 juin 2023, et non sur la version modifiée par l’annonceur qui n’a pas fait l’objet d’une plainte distincte.

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
    • 1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :
    • (…)
    • b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs (…) /
    • c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».
  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) » 
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4) :
    • « 1 L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées.
    • 2 Si l’argument publicitaire n’est valable que dans un contexte particulier, ce dernier doit être présenté clairement.
    • 3 Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation Mentions et renvois de l’ARPP. (…)
    • 6. Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée».
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».

Le Jury relève que la plainte porte sur une publicité de la Compagnie du Ponant dont l’objet est de valoriser les efforts consentis par cette société pour réduire l’empreinte environnementale de son activité de croisière.

Ainsi que le Jury l’a rappelé dans son avis du 3 août 2022 (n° 864/22) concernant le même annonceur, l’impact écologique de cette activité appelle de sa part une vigilance particulière dans les formulations employées, afin de ne pas induire en erreur le public quant à la réalité des conséquences de leur choix d’utiliser ce service. Pour autant, le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif, ne peut ignorer qu’une telle croisière n’est pas dépourvue d’incidence environnementale et aucune règle déontologique ne fait obstacle, par principe, à ce qu’une entreprise qui propose un tel service valorise les actions qu’elle mène pour tenter de la réduire. Ces actions doivent être suffisamment significatives pour être revendiquées, conformément au point 2.2. de la Recommandation « Développement durable », et les formulations qu’elle retient doivent être à la fois véridiques et proportionnées à leur ampleur.

En l’espèce, la publicité critiquée, intitulée « La nature est notre guide », présente la Compagnie du Ponant comme les « pionniers d’un tourisme plus durable », investi de la responsabilité de protéger les éléments naturels énumérés (notamment la glace), allégation qui est étayée par la précision selon laquelle la société recourt à des « petits navires de moins de 200 passagers, équipés des dernières technologies », ce qui lui permet d’avoir « une empreinte environnementale la plus réduite possible ». La communication promeut une meilleure connaissance de la nature car « on protège mieux ce que l’on connaît ». La publicité fait également état d’un « tourisme plus responsable », présenté comme une « destination » qui ne sera « pas facile » à atteindre.

Le Jury relève en premier lieu que certaines des formulations employées sont relativisées, conformément au point 7.3. de la Recommandation « Développement durable » (« plus durable », « plus responsable »), et que la fin de la publicité laisse entendre que le « tourisme plus durable » dont elle fait état n’est qu’un but à atteindre, et non une réalité actuelle, en écho au titre selon lequel l’annonceur est « guidé par la nature » – c’est-à-dire qu’il oriente son action vers un modèle moins impactant pour l’environnement. Toutefois, le consommateur moyen comprend de l’ensemble de la communication que l’activité de l’annonceur et les actions qu’il a engagées pour limiter son empreinte écologique contribuent à « protéger » l’environnement, terme utilisé à deux reprises. En outre, si l’annonceur indique avoir entendu, par la formulation « une empreinte environnementale la plus réduite possible », traduire l’idée qu’il fait ses meilleurs efforts pour limiter les conséquences néfastes de son activité sur l’environnement, celle-ci laisse entendre au consommateur moyen, littéralement, qu’il serait impossible, en l’état des technologies disponibles et quels que soient les efforts consentis, de réduire davantage l’impact de ses croisières sur l’ensemble des éléments de l’environnement (pollution maritime, biodiversité, consommation d’eau et d’énergie…), ce qui n’est pas démontré. Au contraire, le rapport « Développement durable 2021 » dont fait état La Compagnie du Ponant, et auquel renvoie d’ailleurs une version modifiée de la publicité, valorise les innovations technologiques propres à son dernier navire (« Le Commandant Charcot »), qui ne semblent pas toutes déployées sur l’ensemble de sa flotte, alors que la publicité critiquée allègue que la généralité de ses « petits navires » sont « équipés des dernières technologies ».

Cette présentation, renforcée par la référence englobante à un « tourisme » plus durable (et non à la seule activité de croisière maritime) dont la société serait une « pionnière », est de nature à induire en erreur le public quant à la réalité de l’impact de cette activité et des actions menées par l’entreprises pour le limiter, en méconnaissance des points 2.1 et 7.1 de la Recommandation « Développement durable », et à minimiser les conséquences sur l’environnement du recours à ce service, en contrariété avec le c) du point 1.1. de cette Recommandation. En revanche, le Jury est d’avis que cette publicité ne comporte pas d’incitation à des modes de consommation excessifs au regard des standards communément admis en matière de tourisme, au sens du b) du même point 1.1.

Le Jury relève en outre une ambiguïté dans la référence aux « petits navires de moins de 200 passagers ». Celle-ci peut en effet se comprendre comme signifiant que l’annonceur n’utilise que des navires dont la capacité est inférieure à 200 passagers. Or tel n’est pas le cas, ainsi qu’il l’a indiqué en séance. Le Jury prend note de son intention de clarifier la formulation afin de faire ressortir que chacun de ses navires n’embarque jamais plus de 200 passagers, en pratique, en particulier en ce qui concerne les expéditions polaires pour lesquelles les règles du « code polaire » encadrent strictement la fréquentation.

En ce qui concerne les actions menées, le Jury relève que le rapport « Développement durable 2021 » de l’annonceur fait notamment état de l’utilisation exclusive de carburant à faible taux de soufre et GNL et de l’abandon du fioul lourd depuis 2019, permettant un taux de soufre très inférieur aux normes maritimes, de l’équipement des navires en pots catalytiques qui filtrent les émissions polluantes d’oxydes d’azote, de leur équipement en systèmes de récupération d’énergie, en éclairage LED et en dispositifs de désalinisation d’eau de mer et de recyclage des eaux usées, du passage à un tri sélectif à bord incluant les déchets recyclables et l’organisation d’une filière de tri locale à terre, ainsi que de l’élimination progressive des plastiques à usage unique et de la réduction de la pollution sonore sous-marine. Ces différentes actions, dont la réalité n’est pas sérieusement contestée, apparaissent suffisamment significatives pour pouvoir être revendiquées. Elles constituent des éléments sérieux, objectifs et vérifiables à l’appui d’allégations valorisant les efforts de limitation de l’empreinte écologique des croisières organisées.

En outre, la publicité, par la généralité de son propos qui fait état, pour l’essentiel, d’une orientation, ne peut être regardée comme utilisant un « argument de réduction d’impact » nécessitant d’y mentionner des précisions chiffrées, notamment la base de comparaison utilisée, au sens du point 4.6. de la Recommandation, ni comme recourant à une « allégation scientifique » au sens du point 2.3. de celle-ci.

En revanche, le Jury observe que la publicité publiée dans le Journal du Dimanche ne comporte pas d’explication quant aux actions menées par l’annonceur pour limiter son impact environnemental, en l’absence de renvoi à son site internet ou à un document explicatif disponible en ligne. Cette présentation méconnaît ainsi l’exigence de clarté qui figure au point 4 de la même Recommandation. Le Jury prend note que la version modifiée de la publicité, qui fait suite aux échanges de la société avec les services de l’ARPP, renvoie au rapport « Développement durable 2021 » qui comporte ces précisions. Il considère à l’inverse que la circonstance évoquée par la plainte que les formules employées dans la publicité ne reçoivent pas de « définition communément admise » ne caractérise pas une méconnaissance du point 4.3 de cette Recommandation.

Au vu de l’ensemble de ce qui précède, le Jury est d’avis que la plainte est partiellement fondée. Il note que des progrès ont été accomplis dans le respect des règles de la déontologie publicitaire par l’annonceur, avec l’aide des services de l’ARPP, et l’invite à faire preuve de la plus grande rigueur dans la rédaction de ses communications, afin que celles-ci retracent fidèlement la nature et la portée des actions qu’il conduit au titre de sa politique de développement durable, en tenant compte de la sensibilité du corps social à l’égard de l’impact environnemental de son activité.

Avis adopté le 6 octobre 2023 par M. Lallet, Président, Mmes Boissier et Lenain, ainsi que M. Le Gouvello.


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