Avis JDP n° 575/19 – BOISSONS ALCOOLIQUES – Plainte fondée

Avis publié le 25 juin 2019
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 26 mars 2019, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, diffusée sur Internet.

Le visuel publicitaire en cause, posté sur le réseau social Facebook, montre une femme aux formes généreuses, en sous-vêtements noirs, les yeux fermés et la bouche entrouverte, une main derrière la nuque et l’autre avec le pouce inséré dans le haut de sa culotte. A côté d’elle se trouve un objet en forme de cochon, de couleur dorée.

Le texte accompagnant cette image est « En cette année du cochon, X vous souhaitent une opulence abondamment charnelle ! ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant dénonce l’utilisation du corps de la femme pour vendre de l’alcool.

L’annonceur a été informé, par courrier recommandé avec avis de réception du 11 avril 2019, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Il a été également informé que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

L’annonceur fait valoir que 2019 correspond à l’année astrologique chinoise du Cochon, autorisant un parallèle suggestif entre description œnologique et attirances physiques.

La photo du mannequin Ashley Graham a été choisie pour sa beauté, pour le caractère sexy, non retouché de la photo, parce qu’elle correspond à la description ci-dessus et pour le caractère prestige sous-entendu par le fond noir et la lumière cuivrée de la peau sur la photo. Les sous-vêtements utilisés sont couvrants.

Quant à la tirelire en forme de cochon doré, elle a été choisie pour l’illustration du signe astrologique chinois, pour la représentation de la faiblesse masculine (l’adoration de la gente féminine), pour le doré symbolisant l’or, donc l’argent et le luxe (la marque X est un produit luxueux), mais aussi pour mettre en image la description ci-dessus.

Le cochon, placé en alignement des yeux de la femme, est inspiré de l’idée que les hommes sont des « cochons » et les femmes aiment les « cochons ».

L’annonceur ajoute que le graphisme artistique des initiales JB est mis en avant, en opposition au nom du château et à l’appellation qui sont juste suggérés (à peine lisible). Le seul lien commercial au vin apparaît lorsque l’internaute clique sur le bouton « en savoir plus » qui renvoie vers un accès direct à la page de vente en ligne de la JB avec possibilité de naviguer.

Cette publication a été réalisée sous forme de vœux, comme le montre le texte « En cette année du COCHON, X vous souhaitent une Opulence abondamment Charnelle ! » qui signifie : « En cette année du signe chinois du Cochon, nous vous souhaitons une année riche en plaisirs des sens. »

L’annonceur précise que l’audience choisie est mixte et de plus de 30ans. La parution de cette publicité a débuté le 22 mars 2019 et a été arrêtée le 26 mars suivant, soit une durée de 4 jours, par prise de conscience suite aux réactions minoritaires, aux mises en gardes plus ou moins violentes et menaçantes mais surtout aux agressions verbales subies par des personnes qui appréciaient la photo ou le produit. Tout ceci fut bien sûr soigneusement effacé.

A noter que sur 228 réactions plus de 96% sont positives avec, il est vrai, seulement 6% de femmes, le restant se partageant à égalité entre hommes et femmes.

L’annonceur se dit désolé d’avoir heurté la sensibilité de certaines personnes qui ont vu le mal là où, pour sa part, il n’y a vu que de la poésie mêlée à un brin d’humour. Il s’engage à plus de vigilance à l’avenir.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :

« 2.1. La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2.2. La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2.3. La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la publicité en cause, en faveur d’un vignoble proposant différentes cuvées, montre une femme aux formes généreuses, en sous-vêtements noirs, les yeux fermés et la bouche entrouverte, une main derrière la nuque et l’autre avec le pouce inséré dans le haut de sa culotte. A côté d’elle se trouve une grande tirelire dorée en forme cochon. Le groin du cochon est situé à la hauteur de la culotte du mannequin. A côté de cette image se trouve une capture d’écran Facebook où figure le texte « En cette année du cochon, X vous souhaitent une opulence abondamment charnelle ! ».

Cette présentation utilise le corps de la femme comme un objet « sexy » afin de promouvoir un produit sans rapport avec le corps. L’utilisation sexualisée de l’image des femmes comme argument de vente d’un produit constitue une instrumentalisation des femmes ainsi réduites à la fonction d’objet sexuel et porte atteinte à leur dignité.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points précités de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP.

Avis adopté le 27 mai 2019 par Mme Lieber, Présidente, Mmes Drecq et Lenain, MM. Lacan et Leers.