Avis publié le 29 novembre 2024
CENTRE KOEL – 1035/24
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu la représentante de la société Centre Koël,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 6 octobre 2024, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, en faveur de la société Centre Koel, pour promouvoir son offre de centres esthétiques.
La publicité en cause, diffusée sur le flan d’un véhicule, montre une femme, photographiée de dos, cadrée au-dessus des genoux et au niveau du bas du dos, portant une culotte échancrée pour seul vêtement. Ses mains sont positionnées sur chacune de ses fesses, les doigts enfoncés dans la peau.
Le texte accompagnant cette image est : « La cellulite est derrière moi », « Centre Koel – la technique pour votre peau ».
2. Les arguments échangés
– Le plaignant énonce que la publicité montre les mains de la femme écartant ses fesses, ce qui est misogyne, sexiste et dégradant pour l’image de la femme. Cette image, à caractère sexuel, n’a de plus, selon lui, aucun rapport avec la cellulite.
– La société Centre Koël, a été informée, par courrier électronique du 8 octobre 2024 et courrier recommandé avec accusé de réception du 15 octobre 2024, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Sa représentante fait valoir que le visuel utilisé n’a aucun caractère sexuel et ne suggère en rien une invitation à des connotations sexuelles. La photo représente simplement une femme en tanga, de dos, et elle ne présente donc pas un caractère dégradant pour le corps humain. Elle n’est pas non plus susceptible de choquer les sensibilités, car elle ne présente pas une nudité particulière.
Elle explique que cette publicité a été réalisée par une agence spécialisée en communication, et conçue par une femme. Elle-même, étant une femme et travaillant avec une équipe majoritairement féminine, elle n’a pas eu le moindre doute quant au caractère dégradant de cette image, l’objectif de la publicité étant de capter l’attention de manière créative et transmettre un message clair.
Elle ajoute que la publicité est présente sur le véhicule depuis plus de trois ans, et que c’est la première fois qu’elle reçoit une plainte. Elle souligne que durant cette période, elle a également reçu des messages de la part de femmes qui ont apprécié cette publicité et l’ont félicitée pour son caractère amusant. Ces témoignages montrent que la perception de cette campagne est variée et qu’elle a aussi été perçue de manière positive par une partie de son public.
Elle explique que Centre Koël est spécialisé dans le traitement de la cellulite et l’amincissement, les soins visage et l’épilation durable. La société met un point d’honneur à respecter la dignité humaine dans sa communication. Les campagnes ne véhiculent ni idées péjoratives, ni sectarisme, ni racisme, et ne contiennent aucun caractère religieux ou incitant à la soumission.
La représentante de la société regrette que la plainte ait été effectuée de manière anonyme, rendant difficile toute tentative de dialogue constructif ou de clarification avec la personne concernée.
Elle souligne la complexité de communiquer sur ce thème sans montrer une partie du corps, ce qui est une pratique courante dans ce secteur. Si cette publicité est jugée non conforme, alors c’est l’ensemble des publicités pour la lingerie féminine qui pourrait également disparaître, puisque celles-ci montrent également des corps en sous-vêtements sans être jugées offensantes.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose :
- en son point 1 (Dignité, Décence) que :
-
- « 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.
-
- 1.3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. »
- en son point 2, (Stéréotypes), que :
- « 2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.
Le Jury relève que la publicité en cause montre en gros plan, sur le flanc d’un cabriolet, des fesses de femme revêtues d’un sous-vêtement de type string-tanga, c’est à dire découvrant les fesses, et le personnage, qu’on ne voit pas, enfonce dans la partie la plus charnue les doigts de ses deux mains, elles-mêmes photographiées en gros plan. Le message explicatif est « la cellulite c’est derrière moi » et la publicité vise à promouvoir le centre esthétique KOEL dont la dénomination apparait accompagnée du slogan suivant « la technique pour votre peau ».
Le Jury, tout d’abord, considère qu’il est de notoriété publique que la cellulite affecte particulièrement les cuisses et les fessiers des femmes qui recherchent auprès de centres esthétiques des corrections à cet état de fait et, que, par conséquent, la référence aux fesses d’une femme pour vanter l’efficacité du soin d’un centre esthétique avec, au surplus, un message qui introduit de l’humour en utilisant et jouant sur le mot « derrière », n’a pas en elle-même de caractère dégradant de nature à porter atteinte à la dignité de la femme.
En revanche, la présentation de fesses féminines photographiées délibérément en très gros plan, de manière exclusive et totalement détachée de la personne à laquelle elles appartiennent, accompagnée de l’image des mains les empoignant de part et d’autre, focalisant ainsi le regard sur l’espace entre les fesses, enlève tout caractère neutre au visuel du message pour le rendre à la fois cru et inadapté. C’est la raison pour laquelle le Jury est d’avis que cette publicité est réductrice au sens des dispositions point 2, 2-1 de la Recommandation précitée qu’elle méconnait ainsi.
Avis adopté le 8 novembre 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.