Avis JDP n°479/17 – CAVISTES – Plaintes fondées

Avis publié le 5 décembre 201
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu la représentante de l’association « Les Chiennes de garde »,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 24 et le 27 septembre 2017, de huit plaintes émanant de particuliers et d’une plainte émanant de l’association « Les Chiennes de garde », afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la soirée de lancement d’une nouvelle bière, organisée le 12 octobre 2017 par un caviste et marchand de vins.

Cette publicité présente, sur fond de décor du lieu de l’événement, trois petites silhouettes de femmes dessinées, à côté desquelles figurent respectivement les termes « Blonde », « Brune », « Rouquine ». Une empreinte noire et blanche de lèvres entr’ouvertes figure au centre de l’image.

Les mentions accompagnant cette image sont « Le lacher de Sal’Hop », « Lancement de la nouvelle bière de X », « La Sal’Hop », « en présence du brasseur », « Soirée gratuite avec petite collation », ainsi que les informations pratiques pour participer à la soirée.

2. Les arguments échangés

– Les plaignants considèrent que cette publicité constitue une représentation sexiste, insultante et dégradante de la femme, en la réduisant à la fonction d’objet et en exploitant son image avec des mots culpabilisants pour sa sexualité, cautionnant l’idée de son infériorité à raison de son comportement sexuel.

– L’annonceur a été informé, par courrier recommandé avec avis de réception du 13 octobre 2017, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant indique que l’idée de salir ou d’avilir l’image de la femme n’a, à aucun moment, été le moteur de cette communication, certes regrettable.

Il relève que, si certaines personnes ont pu être offensées de cette communication, il y a eu aussi un nombre non négligeable de clients qui ont souri à ce clin d’œil. Par ailleurs, cette communication n’a pas été adressée de façon nominative et précise aux plaignants.

Il ajoute que, lorsqu’il a préparé le lancement de cette bière dont la signification, en anglais, est « mauvais houblon », « ce sont 3 dames faisant partie du panel des consommateurs chargés de la dégustation de la recette finale qui ont émis cette idée de communication…, à la Bigard ».

Il n’a personnellement pas vu au premier abord le malaise que cela aurait pu engendrer et fait valoir le principe de la liberté d’expression. Il ajoute qu’ « il ne s’agit pas d’atteinte raciale, religieuse, ni d’un appel à la violence ni à la haine ».

Enfin, il indique qu’il a pris la décision de retirer cette bière de la vente et d’annuler cette opération de lancement.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« 2-1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

À titre liminaire, le Jury rappelle qu’il n’est pas une juridiction et que la mission qui lui a été confiée par les représentants des professions de la publicité réunies au sein de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (l’ARPP) est de donner son avis sur le respect, dans les publicités diffusées depuis moins de deux mois, des recommandations déontologiques inspirées de celles de la Chambre de commerce international, que ces professions se donnent à elles-mêmes et s’engagent à respecter. Ces recommandations peuvent être plus exigeantes que ce qu’impose le respect de la loi.

Dans ce cadre, la préoccupation des professions publicitaires d’assurer le respect de principes déontologiques ne peut s’interpréter comme une entrave à la liberté d’expression, et ce, même si les termes utilisés dans la publicité font référence à un sketch écrit par un comédien : il ne s’agit pas ici d’un spectacle mais d’une annonce publicitaire, soumise aux règles déontologiques précitées.

En l’espèce, le Jury relève que la publicité en cause, intitulée « le Lacher de Sal’Hop », annonce le lancement d’une nouvelle bière « La Sal’Hop », lors d’une soirée en présence du brasseur. L’image montre l’intérieur du magasin où l’événement est prévu, avec, en surimpression, au centre de l’image, une trace de lèvres entr’ouvertes, à la hauteur du nom de la bière « la Sal’Hop », et au-dessous, trois petites silhouettes de femmes qui se déhanchent, intitulées respectivement « blonde », « brune » et « rouquine ».

Cette présentation instrumentalise l’image de la femme, assimilée à une bière « blonde », « brune » ou « rouquine » – l’utilisation du terme « rouquine », au lieu de « rousse », renforçant cette assimilation de la bière à une femme et la connotation sexuelle qui sous-tend l’ensemble du message publicitaire. De plus, la femme est présentée comme une « Sal’Hop »,

mot injurieux, qui renvoie à la fonction d’objet sexuel et la rabaisse d’autant plus que ce terme est chargé d’une connotation morale dégradante. La présentation de l’événement comme un « lâcher de Sal’Hop » revient en outre à présenter la femme comme un animal. Elle réduit encore davantage les femmes à une situation d’infériorité vis-à-vis des hommes et cautionne une image sexiste et dégradée de celles-ci.

Le fait que des femmes puissent être à l’initiative de cette idée publicitaire est par ailleurs sans portée sur l’appréciation du respect des principes déontologiques que la profession s’est engagée à respecter.

Le Jury prend acte de ce que l’opération de lancement a été annulée et le produit retiré de la vente. Il n’en demeure pas moins que la publicité visée, qui a été diffusée, n’est pas conforme à la Recommandation « Image et respect de la personne » citée ci-dessus.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause n’est pas conforme aux dispositions de la Recommandation précitée.

Avis adopté le vendredi 10 novembre 2017 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Lieber, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Moggio, MM. Benhaïm, Depincé, Lacan et Leers.