BODY HOUSE

Affichage

Plaintes non fondées après révision

Avis publié le 11 décembre 2024
BODY HOUSE – 1028/24
Plaintes non fondées après révision

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plaintes,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu la représentante de la société Body House, lors de da la séance tenue le 4 octobre 2024, sous la forme d’une visioconférence,
  • l’avis provisoire délibéré ayant été adressé à la société Body House et aux plaignants, l’un d’eux ayant introduit une demande de révision,
  • la procédure de révision prévue à l’article 22 du règlement intérieur du Jury ayant été mise en œuvre,
  • après avoir invité les personnes concernées à faire valoir leurs observations et avoir entendu, lors de la seconde séance tenue par visioconférence le 6 décembre 2024, les conclusions de M. Grangé-Cabane, Réviseur de la déontologie publicitaire, ainsi que les représentants de la société Body House,
  • et, après en avoir débattu, dans les conditions prévues au même article 22,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 15, 20 et 29 juillet 2024, de trois plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, en faveur de la société Body House, pour promouvoir son offre d’articles et accessoires érotiques.

La publicité en cause, diffusée en affichage dans la ville de Clermont-Ferrand et sa périphérie, montre la photographie des fesses d’une femme, de dos, portant une culotte échancrée. Une de ses mains tient, au niveau de ses fesses, un objet rose en forme de phallus.

Le texte accompagnant cette image est : « Body house – Créateur de plaisir ».

2. Les arguments échangés

Les plaignants énoncent que cette publicité, à caractère sexuel, est choquante et de nature à dégrader l’image de la femme. Elle relève de l’atteinte à la pudeur.

Les plaignants déplorent que cette image soit diffusée dans l’espace public et donc accessible à la vue d’un jeune public.

La société Body House, ainsi que la société Pano Affichage, ont été informées, par lettre recommandée électronique avec avis de réception du 29 juillet 2024, des plaintes dont copies leur ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Le représentant de la société Body House fait valoir que la société Body house est une enseigne dédiée à l’épanouissement des femmes et des couples dont la communication est permise en respectant la moralité.

Cela fait 18 ans que la société communique en affichage mais, depuis 18 mois, l’annonceur déplore des réactions négatives à chaque campagne.

Or, comme pour chaque campagne, le visuel en cause a été validé avant impression avec le service juridique de Cityz et de la ligne média. De manière générale, il affirme que ses affiches sont validées par un organisme public français par le biais des afficheurs nationaux.

L’annonceur indique avoir reçu des emails de plaignants et leur avoir répondu.

Le but de la campagne est fait pour que les adultes seuls puissent comprendre le message « Créateur de plaisir ».

Sur le contenu de la publicité, la société Body house explique avoir choisi la formule « Créateur de plaisir » plutôt que les termes « sex-toys » ou « jouets intimes ».

Concernant le choix de la photo, l’annonceur explique avoir voulu mettre en avant la lingerie. Il souligne que le jouet sur une des affiches (un « wand de massage ») n’a rien à voir avec une verge contrairement à ce qu’en disent les plaignants.

En complément, la société transmet plusieurs visuels correspondant à des affichages diffusés depuis 2018 pour lesquels elle indique n’avoir reçu aucune réaction négative.

3. L’avis provisoire du Jury

Dans son avis délibéré le 4 octobre 2024, le Jury a estimé que la publicité litigieuse n’était pas de nature à réduire la femme à la fonction d’objet ni susceptible de porter atteinte à la dignité ou la décence, pas plus qu’elle n’était réductrice pour la femme, au sens de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP, même si l’exposition qui résulte du choix du format géant de l’affiche, non prohibé en tant que tel, n’est sans doute pas la mieux appropriée, pour en conclure que cette publicité ne méconnaissait pas les dispositions déontologiques de la Recommandation précitée.

4. Les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire

Voir l’intégralité de la Note du réviseur en annexe.

De ses analyses du dossier, le Réviseur conclut que :

  • la demande de Révision de la requérante est recevable et à ce titre sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury ;
  • la critique sérieuse ou légitime (au sens de l’Article 22.1 du Règlement) invoquée contre l’Avis provisoire doit être considérée comme fondée en ce qu’elle soutient que la publicité Body House en cause méconnait les dispositions de la Recommandation Enfant de l’ARPP ;
  • la rédaction de l’avis définitif doit être corrigée conformément aux observations qui précèdent.

Dès lors, et après seconde délibération du Jury, l’Avis provisoire incluant les présentes conclusions du Réviseur de la Déontologie Publicitaire sera amendé dans le sens indiqué ci-dessus, deviendra définitif et sera publié sur le site du JDP.

5. Les observations des parties lors de la séance du 6 décembre 2024

La Société Body House a maintenu sa position et précisé que le message mettait en avant un produit de massage. Elle fait valoir que la requérante ne fait pas état d’un malaise de l’enfant mais du sien. Elle a indiqué aussi qu’elle était attachée à ce que sa communication ne soit pas de nature à heurter les enfants et

6. L’avis définitif du Jury

Le Jury rappelle, en premier lieu, que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose :

  • en son point 1 (Dignité, Décence) que : « 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.
  • en son point 2, (Stéréotypes), que : « 2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

Le Jury relève que le visuel de la publicité en cause, visible sur de grandes affiches dans la ville de Clermont-Ferrand et sa périphérie, est destiné à promouvoir l’offre d’articles et accessoires érotiques commercialisés par la société Body House. Il montre des fesses photographiées en gros plan, revêtues d’une lingerie fine échancrée, et une main manifestement féminine qui tient contre cette petite culotte un objet rose dont la forme phallique manifeste et la couleur rose laissent peu de doutes sur sa nature.

Le Jury considère, tout d’abord, qu’il n’existe pas de Recommandation qui prohibe, par principe, la publicité pour ce type d’objets sauf, dans l’hypothèse où elle serait de nature à choquer, heurter, provoquer celui qui la voit « en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence » et/ou à réduire « à la fonction d’objet » la femme représentée.

Le Jury relève que l’image en cause ne montre pas le personnage féminin, dont ni le corps tout entier ni le visage ne sont visibles, dans une posture indécente, dégradante ou provocatrice, mais suggère seulement qu’elle se prépare à utiliser elle-même, pour son usage personnel mais aussi intime -l’objet est caché dans son dos- un accessoire à caractère sexuel vendu par la marque. Il estime que cette représentation qui fait de la femme la seule actrice de son plaisir sexuel n’est ainsi pas non plus de nature à la réduire à la fonction d’objet.

Elle n’est donc pas, pour les raisons précédemment indiquées, susceptible de porter atteinte à la dignité ou la décence, pas plus qu’elle n’est réductrice pour la femme, aux sens de la Recommandation précitée, même si l’exposition qui résulte du choix du format géant de l’affiche, non prohibé en tant que tel, n’est sans doute pas la mieux appropriée.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que cette publicité ne méconnaît pas les dispositions déontologiques précitées, ce qui n’a d’ailleurs pas été réellement contesté par la plaignante dans sa demande de révision, comme le relève le Réviseur dans ses écritures.

Le Jury rappelle, en second lieu, que l’article 3.3 de la Recommandation Enfant de l’ARPP dispose : « La publicité ne doit pas être de nature à susciter chez l’enfant un sentiment d’angoisse ou de malaise. »

Le Jury considère, comme le Réviseur, que l’auteure de la plainte initiale est fondée à solliciter une seconde délibération du Jury pour n’avoir pas clairement répondu à sa critique qui portait sur les manquements à la déontologie relative aux enfants, invoquant leur protection particulière pour qu’ils ne soient pas exposés à ce type de message publicitaire.

Tout d’abord, comme le relève le Réviseur, le Jury estime que ce qui est en cause dans la présente affaire n’est pas la circonstance, alléguée par l’annonceur, selon laquelle il « veille à respecter les distances règlementaires par rapport aux lieux de culte et d’enseignement », mais c’est bien la question de savoir si, au regard du texte précité de la Recommandation Enfant, la publicité en cause qui peut être visible par un enfant contrevient à cette disposition.

Ensuite, le Jury relève que la plaignante fait valoir : « Si je vous ai contactés, c’est parce que ma fille m’a demandé au moins 4 fois, à force de passer devant, pour quoi était cette pub, ce que la dame tenait dans la main… et je me suis trouvée bien bête de chercher une réponse adéquate pour lui répondre… ». Elle développe aussi une argumentation sur la nécessité d’une protection particulière des enfants pour ce type d’atteinte à la pudeur mais sans jamais évoquer, même incidemment, un quelconque malaise de son enfant et encore moins une angoisse qui caractériserait alors un état plus grave et une atteinte plus forte.

En réalité, le Jury considère que la plaignante exprime son trouble, né de sa gêne et de son embarras pour trouver les mots et l’explication adéquats pour désigner un objet intime et l’activité à caractère sexuel qu’il évoque implicitement.

Si, comme le souligne plus haut le présent avis, l’affichage géant n’est pas un choix approprié, le Jury estime néanmoins que les conditions du texte précité ne sont pas réunies. Elles ne le sont doublement pas, dès lors que ne sont pas assimilables à la notion de malaise de l’enfant, exigé a minima par le texte, les interrogations de ce même enfant, pas plus que ne l’est l’embarras dont fait état la plaignante pour aborder en tant que parent un sujet touchant à la sexualité dont elle n’a choisi ni le moment ni la forme parce qu’il lui a été imposé par la publicité en cause. Ces éléments sont ainsi insuffisants pour caractériser une violation des dispositions précitées de la Recommandation Enfant.

Enfin, le Jury considère que les arguments invoqués dans la plainte sont représentatifs et valent ainsi pour tout autre enfant que celui effectivement concerné par celle-ci. Il ne voit donc pas, au regard de la publicité qu’il a décrite plus haut comme ne portant pas atteinte à la dignité et à la pudeur, et indépendamment de la situation particulière décrite par la plaignante, matière à appliquer la Recommandation Enfant précitée qui impose comme condition « un sentiment d’angoisse ou de malaise » de la part de l’enfant lui-même.

En conséquence de tout ce qui précède, le Jury conclut que la plainte n’est pas fondée.

Avis adopté le 6 décembre 2024, en présence de M. Grangé-Cabane, Réviseur de la déontologie publicitaire (qui n’a pas pris part au vote), par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


ANNEXE
CONCLUSIONS DU REVISEUR

I) Instruction

Le Jury de Déontologie Publicitaire (ci-après « le Jury » ou « le JDP ») est saisi, en juillet 2024, de plaintes par lesquelles trois particuliers (ci-après « les plaignantes »), lui demandent de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Body House (ci-après « Body House » ou « la société » ou « l’annonceur »), dans le but de promouvoir les articles et accessoires érotiques commercialisés par cette dernière.

La publicité en cause, diffusée en affichage, montre la photographie des fesses d’une femme, de dos, portant une culotte échancrée. Une de ses mains tient, à la hauteur de ses fesses, un objet rose de forme phallique. Le texte accompagnant cette image est : « Body house – Créateur de plaisir ».

Par un avis provisoire délibéré le 4 octobre 2024, le Jury, estimant que cette publicité ne méconnaît pas les dispositions déontologiques retenues, rejette les demandes des plaignantes.

L’un d’entre elles (ci-après « la requérante »), par recours formé dans les délais, demande la Révision de cet avis provisoire.

Cette demande est transmise aux parties prenantes au dossier (les deux autres plaignantes, l’annonceur et l’afficheur de la campagne), en sollicitant leurs observations. Body House, en réponse, demande implicitement le rejet du recours en Révision, tout en précisant : « Nous avons bien entendu les requêtes et avons déjà modifié nos affichages en ce sens ».

Le Réviseur de la déontologie publicitaire (ci-après « le Réviseur ») se rapproche alors de la Présidente du Jury, sous la présidence de laquelle a été adopté l’avis provisoire, et il procède avec elle à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels est fondé cet avis.

Sur ces bases, le Réviseur est dès lors en mesure d’apporter les réponses suivantes à la demande de Révision.

II) Discussion

Fondé sur la seule Recommandation Image et respect de la personne de l’ARPP (ci-après la « Recommandation Image »), l’avis constate d’abord « qu’il n’existe pas de Recommandation qui prohibe, par principe, la publicité pour ce type d’objets ». Il estime ensuite « que l’image en cause ne montre pas le personnage féminin, dont ni le corps tout entier ni le visage ne sont visibles, dans une posture indécente, dégradante ou provocatrice ». Il observe encore « que cette représentation qui fait de la femme la seule actrice de son plaisir sexuel n’est ainsi pas non plus de nature à la réduire à la fonction d’objet ». Il en conclut que « cette publicité ne méconnaît pas les dispositions déontologiques précitées ».

Dans son recours en Révision, la requérante ne conteste nullement cette analyse du Jury (« Ma plainte, personnellement, ne portait donc pas du tout sur l’atteinte de la dignité humaine et féminine »).

Elle précise que sa plainte initiale « concernait surtout la protection de l’enfance » ; elle ajoute encore qu’il lui « parait logique que les annonceurs d’affiches publicitaires ne puissent pas non plus afficher n’importe quel contenu, n’importe où… en tenant compte en bonne intelligence des lieux de passage des enfants… ».

Elle fait donc grief à l’avis provisoire de n’avoir pas traité cet aspect de sa plainte (« J’avais pourtant bien expliqué cela ? Je ne sais pas pourquoi cela n’a pas été traité en ce sens ? N’est-ce pas un motif recevable et sérieux ? »).

Même si la requérante ne cite pas explicitement cette disposition, il ne fait guère de doute que sa plainte est fondée sur l’article 3.3 de la Recommandation Enfant de l’ARPP qui prévoit que « La publicité ne doit pas être de nature à susciter chez l’enfant un sentiment d’angoisse ou de malaise. »

Ce grief (la non-conformité de la publicité en cause à la Recommandation Enfant) n’étant pas abordé dans l’avis provisoire, se posent dès lors deux questions :

  • avait-il été clairement soulevé dans la plainte initiale ?
  • si oui, est-il fondé ?

1) la première question est de procédure.

La requérante n’est en effet recevable à critiquer, en Révision, la publicité en cause pour manquement à la déontologie applicable aux enfants, que si elle a soulevé ce moyen lors du premier examen de sa plainte devant le Jury (Article 22.1.2° du Règlement du Jury).

Au cas particulier, cette condition est remplie, la plainte initiale de la requérante indiquant notamment :

« Il me semble que le contenu puisse entraver la pudeur que l’on doit respecter pour protéger nos enfants. » (…) « Cette publicité est complètement déplacée. Atteinte à la pudeur, et protection de l’enfant me semblent contestables ici. (…) On ne met pas ce genre de pub en 4×3 à différents endroits d’une ville, sur le lieu de passage en voiture de familles avec des enfants ! »

Même si la requérante, dans sa plainte initiale, ne cite pas expressément la disposition dont elle invoque la violation – en l’occurrence la Recommandation Enfant de l’ARPP, notamment son Article 3.3 (« La publicité ne doit pas être de nature à susciter chez l’enfant un sentiment d’angoisse ou de malaise ») – il ne fait pas de doute que sa plainte est de ce point de vue « clairement motivée » et que le Jury pouvait aisément « identifier, au vu de l’argumentation soulevée, les règles déontologiques applicables » (Article 11.1.5° du Règlement).

Pour être tout à fait complet sur ce point, on observe que les deux autres plaintes initiales font elles aussi référence aux « enfants » ou aux « mineurs », quoique de façon rapide et peu argumentée.

De ces éléments il ressort que la requérante est fondée à demander, au bénéfice d’une seconde délibération du Jury sur l’affaire en cause, la Révision de l’avis provisoire pour n’avoir pas répondu à sa critique sur les manquements à la déontologie relative aux enfants.

2) au fond :

a) On pourrait être tenté de répondre à la requérante que, à partir du moment où l’avis provisoire estime que la publicité en cause ne porte pas atteinte à l’image de la personne (appréciation que le recours en Révision ne conteste pas), le Jury en déduit, de manière implicite, que par suite cette conformité purge en quelque sorte le message de toute atteinte à la Recommandation Enfant. Cela reviendrait à admettre que, pour le message publicitaire en litige, sa conformité à la Recommandation Enfant découle de sa conformité à la Recommandation Image et respect de la personne.

Il ne paraît pas possible d’adhérer à un tel raisonnement, pour plusieurs raisons.

On observe d’abord que ces deux Recommandations (Image et respect de la personne ; Enfant), même si plusieurs de leurs dispositions se rapprochent, sont bel et bien différentes, dans leurs objectifs ou leurs modalités. C’est d’ailleurs pourquoi il existe deux textes distincts, d’égale force, et que l’un n’est pas seulement l’appendice de l’autre.

On constate ensuite que les finalités de ces deux textes sont différentes : l’une vise à protéger la personne humaine d’une représentation portant atteinte à sa dignité et à la décence, tandis que l’autre vise à prémunir l’enfant d’un sentiment d’angoisse ou de malaise.

Par suite, la Recommandation Image entend protéger tous les publics, alors que celle sur les enfants vise ceux-ci au premier chef.

Enfin et surtout, le sentiment de malaise dont il convient de protéger les enfants peut être « suscité » par diverses causes (la violence par exemple), et pas seulement par une atteinte à l’image ou au respect de la personne humaine.

Au total, la conformité de la publicité en cause à la Recommandation Enfant ne peut se déduire de sa conformité à la Recommandation Image. Elle doit être appréciée en soi.

b) Par suite, à partir du moment où l’ensemble des parties s’accordent, en Révision, à reconnaître – ainsi que l’établit l’avis provisoire – que l’affiche en cause n’enfreint pas les dispositions de la Recommandation Image et respect de la personne, il convient donc d’examiner si d’autre part ladite affiche est ou non conforme à la Recommandation Enfant ? De manière plus particulière, il convient de rechercher si, comme le soutient implicitement la requérante, cette publicité est ou non « de nature à susciter chez l’enfant un sentiment de malaise » (Recommandation Enfant).

Il est à noter, d’emblée, que le problème ne se pose, dans notre affaire, qu’en raison du mode de diffusion de l’affiche choisi par l’annonceur, celui d’un format 4 x 3, dans les rues de grandes villes (ou de leur périphérie), soit un mode d’exposition « tous publics ».

À coup sûr, la question se poserait différemment si ce message était diffusé via un support accessible aux seuls adultes.

Au cas particulier qui nous occupe, cette campagne publicitaire est exposée aux yeux de tous les publics, quel que soit leur âge notamment.

Dans ces conditions, on peut admettre les troubles, les désagréments, les interrogations – en un mot : le malaise – que, au hasard d’un trajet, peuvent éprouver, quand ils se trouvent confrontés à cette affiche, certains enfants ; il s’agit notamment de ceux qui, à raison de leur âge, sont peu ou mal informés des pratiques d’adultes en matière de plaisir, d’érotisme ou de sexualité (secteurs d’activités revendiqués par l’annonceur).

C’est ce malaise que décrit, non sans une certaine candeur, la requérante, quand elle précise (dans sa demande de Révision) : « Si je vous ai contactés, c’est parce que ma fille m’a demandé au moins 4 fois, à force de passer devant, pour quoi était cette pub, ce que la dame tenait dans la main… et je me suis trouvée bien bête de chercher une réponse adéquate pour lui répondre… ».

La requérante ajoute, au soutien de sa demande : « à mon sens, tout comme il y a des plages horaires à la télévision auxquelles les annonceurs ne peuvent pas diffuser n’importe quelle publicité (protection des enfants notamment), il me parait logique que les annonceurs d’affiches publicitaires ne puissent pas non plus afficher n’importe quel contenu n’importe où… en tenant compte en bonne intelligence des lieux de passage des enfants… ».

Certes, si on la prend au pied de la lettre, la demande en Révision de la mère fait (par pudeur peut-être ?) plus référence à sa propre gêne pour répondre aux questions de sa fille qu’au malaise de cette dernière.

Pour autant, il est clair que le trouble éprouvé par la mère (puisque trouble il y a) résulte, non de l’affiche elle-même mais du malaise qu’elle ressent à partir des questions répétées de son enfant. Quand la mère passe seule devant cette affiche, elle n’a aucune raison de ressentir un quelconque malaise (puisqu’elle confirme en Révision que sa plainte « ne portait pas du tout sur l’atteinte à la dignité humaine et féminine »). C’est donc bien l’exposition de l’affiche litigieuse aux enfants qui est de nature à susciter chez eux « un sentiment de malaise ».

Certes aussi, la Recommandation Enfant dont s’agit ne saurait être utilisée abusivement au soutien d’un ordre moral qui serait contraire à la liberté d’expression ; tout est affaire de mesure, et d’application minutieuse, c’est à dire de cas par cas. Il conviendra toujours d’apprécier le texte et le contexte – c’est à dire d’une part le contenu de l’annonce (image et revendications) et d’autre part son environnement (état des mœurs, mode de diffusion notamment).

Au cas particulier de la publicité Body House, il apparaît finalement au Réviseur que :

  • cette promotion de jouets sexuels,
  • via une affiche de grandes dimensions,
  • exposée selon un circuit « tous publics » qu’a choisi l’annonceur,

est en l’espèce contraire à l’article 3.3 de la Recommandation Enfant en ce qu’elle est « de nature à susciter chez l’enfant un sentiment de malaise ».

Quant à la circonstance, alléguée par l’annonceur en Révision, selon laquelle il « veille à respecter les distances règlementaires par rapport aux lieux de culte et d’enseignement », elle ne suffit pas à empêcher que des enfants puissent être, au hasard de leurs déplacements, exposés sans le vouloir à l’affiche en cause.

Le Réviseur estime donc fondé le recours par lequel la requérante demande au Jury, au bénéfice de cette seconde délibération, de réviser la teneur de son avis provisoire dans le sens de observations ci-dessus.

III) Conclusion

Des analyses qui précèdent il résulte que :

  • la demande de Révision de la requérante est recevable et à ce titre sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury ;
  • la critique sérieuse ou légitime (au sens de l’Article 22.1 du Règlement) invoquée contre l’Avis provisoire doit être considérée comme fondée en ce qu’elle soutient que la publicité Body House en cause méconnait les dispositions de la Recommandation Enfant de l’ARPP ;
  • la rédaction de l’avis définitif doit être corrigée conformément aux observations qui précèdent.

Dès lors, et après seconde délibération du Jury, l’Avis provisoire, amendé dans le sens indiqué ci-dessus, et incluant les présentes conclusions du Réviseur de la Déontologie Publicitaire, deviendra définitif et sera publié sur le site du JDP.

Alain GRANGE-CABANE
Réviseur


Publicité Body House