Avis publié le 27 décembre 2024
BAGNOLS-SUR-CEZE – 1038/24
Plaintes fondées
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu les représentants de la Ville de Bagnols-sur-Ceze et de la société d’affichage d’une part et des associations « Les Chiennes de Garde » et « Zéromacho » d’autre part,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. Les plaintes
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 22 octobre 2024, de deux plaintes émanant des associations « Les Chiennes de Garde » et « Zéromacho », tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, en faveur de la Ville de Bagnols-sur-Ceze, pour promouvoir sa politique de propreté de la ville.
La publicité en cause, diffusée par affichage, montre trois sacs poubelles sous forme illustrée, dont le haut est noué, affublés de bras et jambes et sur lesquels sont dessinés des yeux avec de longs cils, des sourcils et une bouche souriante.
Le texte utilisé en accroche en gros caractères est : « On ne veut plus faire le trottoir ! ».
En-dessous de l’image est indiqué « Pour que Bagnols reste propre, il suffit de ne pas salir », suivi des logos de la ville et de l’Agglomération « Gard Rhodanien » ainsi que la mention « Objectif ville propre ».
2. Les arguments échangés
– L’association plaignante Zéromacho énonce que les sacs poubelles sont identifiés comme des femmes prostituées. Ces amalgames entre « sacs poubelles et femmes » et « femmes et prostituées » et enfin entre « sacs poubelles et prostituées féminines » sont sexistes et dégradants pour l’image des femmes en général. Les collectivités territoriales dirigées par des élu.es devraient être responsables et montrer l’exemple.
– L’association « Les Chiennes de Garde » ajoute que ces sacs poubelles anthropomorphisés au féminin ajoutent au sexisme du sac-poubelle femme, un slogan faisant référence à la prostitution de trottoir.
– La Ville de Bagnols-sur-Ceze a été informée, par courrier électronique du 8 novembre 2024, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.
Son représentant fait valoir que la Ville de Bagnols-sur-Cèze est membre de l’agglomération Gard rhodanien qui gère notamment la compétence « collecte et traitement des déchets ». De son côté, la Ville conserve la compétence « Propreté ».
Dans le cadre de la mise en place de la Redevance incitative au 1er janvier 2023, les habitudes des usagers du service de « collecte » ont considérablement évolué.
Ainsi, de nombreux troubles à l’ordre public et à la salubrité sont constatés, même si leur nombre diminue progressivement et les collectivités ont mis en œuvre des actions correctives.
Celles-ci sont scindées en deux parties : une partie moyens supplémentaires accordés au nettoiement et à la collecte (notamment sur les trottoirs) et une partie prévention et communication.
S’agissant de la communication, les informations sont diffusées sur et dans plusieurs types de support : magazines, flyers, panneaux lumineux et sucettes publicitaires.
Le document incriminé (affichage) ne concerne que la diffusion dans une partie des sucettes publicitaires (20 face-supports sur 80). Aucune autre diffusion n’a été faite.
Le document a été réalisé par le service « communication » de la ville et revêt plus un caractère « enfantin » et/ou « mignon ». Il n’y a bien évidemment aucune volonté sexiste et dégradante.
Le représentant de la Ville ajoute que la durée d’affichage de la campagne s’est établie du 16 au 23 octobre 2024.
– La société d’affichage Philippe Védiaud publicité fait valoir que les affiches de la campagne municipale ont été posées sur ses mobiliers, sur demande de la Ville de Bagnols-sur-Cèze, étant entendu qu’elle n’est ni maître ni de la gestion de planning de la Ville, ni des visuels.
Les affiches ont été posées du 16 au 23 octobre 2024 à la demande explicite de la Ville de Bagnols-sur-Cèze, dans le cadre de la mise en place de la Redevance Incitative au 1er janvier 2023 relative à la collecte des déchets au sein de l’agglomération du Gard Rhodanien.
Selon les informations communiquées par le Directeur Général des Services de la Ville, cette campagne s’inscrit pleinement dans le cadre réglementaire applicable aux initiatives municipales. La Ville a assuré que le service communication avait travaillé à une action de communication pour corriger les mauvaises habitudes des usagers quant à la collecte des déchets.
Le rôle de la société d’affichage s’est strictement limité à l’exécution technique de cette campagne, à savoir la pose des affiches conformément aux directives de la municipalité, sans intervention sur le contenu ou les messages des affiches, qui relèvent exclusivement de la responsabilité de la Ville.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose :
- en son point 1 (Dignité, Décence) que :
- « 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.
- en son point 2, (Stéréotypes), que :
- 2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.
- 2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme. »
Le Jury relève, d’abord, que la publicité en cause est un dessin représentant des figurines souriantes semblables à celles d’une bande dessinée.
Le Jury relève, ensuite, qu’il s’agit de petits personnages revêtus du plastique des sacs poubelles où sont visibles des bras et des jambes, dotés aussi de grands yeux affublés de longs cils et d’une bouche rouge qui sont la marque d’un visage féminisé. Il en déduit qu’ils sont ainsi présentés comme des créatures stylisant ce produit de manière anthropomorphique.
Par ailleurs, le Jury considère que si la référence au trottoir – « on ne veut plus faire le trottoir »-est bien présente et entend jouer sur les mots de manière humoristique avec une référence explicite à la prostitution de rue, il n’en demeure pas moins que l’affiche en recourant à ces figurines anthropomorphisées symbolisant des sacs poubelles au nom d’une ville plus propre qui lutte conte la saleté -c’est le slogan principal -conduit ainsi naturellement à associer prostitution humaine et ordures ou déchets.
Le Jury estime donc que ce message, du fait de cette association, est de nature à constituer une représentation dégradante de la personne humaine mais aussi discriminante et susceptible de valoriser des sentiments ou des comportements d’exclusion et d’intolérance.
En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que cette publicité méconnait les dispositions déontologiques précitées.
Avis adopté le 6 décembre 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.
Publicité Bagnols-sur-Ceze