Avis JDP n°698/20 – MODE ET ACCESSOIRES

Avis publié le 4 janvier 2022
Plainte non fondée

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,  

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte, 
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations, 
  • après avoir entendu l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), plaignante, la société en cause, l’agence de communication de l’annonceur et le syndicat national de la publicité télévisée, ainsi que l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP), lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence, 
  • et après en avoir débattu, 

rend l’avis suivant : 

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, d’une part, le 22 octobre 2020, d’une plainte émanant de l’agence de la transition écologique (ADEME), d’autre part, les 8, 14, 20 et 21 octobre, de quatre plaintes de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité d’une société ayant pour objet de promouvoir son site internet de vente en ligne d’articles de mode et accessoires. 

La publicité en cause, diffusée en télévision et sur Internet, met en scène une jeune femme dans un décor imaginaire et dans différentes saynètes la présentant successivement devant plusieurs bacs de tri de différentes couleurs, alignés, escaladant une immense citrouille, faisant du vélo, tenant un gros ballon représentant la planète Terre, à cheval sur un élément de manège représentant une licorne et allongée sur un transat au bord d’une plage fictive. 

Ces images sont accompagnées des textes chantés : « Je trie toutes mes ordures, j’essaie de manger bio, j’ai vendu ma voiture, pour m’acheter un vélo. Faut que je pense à la planète, que je sois plus écolo, mais je veux rester coquette, être bien dans ma peau. Pourquoi devrais-je choisir entre conscience et plaisir ? ». 

Une voix hors-champ énonce : « Jusqu’à -70% sur les grandes marques. ».  

Les textes écrits apparaissant en plein écran sont : « Notre engagement : faire grandir notre sélection de produits plus responsables » et « …, Responsable de votre plaisir » et au bas de l’écran, en mention explicative défilante : « … contribue à réduire le gaspillage en revalorisant les produits invendus des marques partenaires et s’engage à faire grandir sa sélection de produits plus responsables. Découvrez nos actions et engagements sur (site de l’annonceur) ». 

2. Les arguments échangés

Les plaignants particuliers énoncent que la publicité minimise l’impact de la consommation de vêtements qui sont des produits susceptibles de nuire à l’environnement. La publicité contrevient ainsi à la Recommandation « Développement durable ».  

L’un des plaignants explique que le personnage énumère des actions qu’elle met en œuvre pour un développement plus durable (trier ses ordures, essayer de manger bio, vendre sa voiture pour acheter un vélo…) puis, par la phrase « Pourquoi devrais-je choisir entre conscience et plaisir ? » se demande finalement pourquoi elle devrait choisir entre « bons comportements » et « plaisir ». La réponse donnée par l’annonceur, qui est d’acheter « des produits de grande marque à – 70% », invite donc une personne qui tente d’adopter des comportements écologiques à effectuer des achats, en la déculpabilisant. Cette publicité incite clairement les personnes à acheter toujours davantage, sans se poser la question de la pertinence de cet achat. Ce spot publicitaire encourage la surconsommation.  

Concernant la règle relative aux impacts citoyens, la première séquence, montrant le personnage devant une vingtaine de bacs de tri donne l’impression qu’il est très compliqué de trier ses déchets (en l’occurrence un trognon de pomme), ce qui ne reflète pas la réalité.  

En outre, l’affirmation « faire grandir notre sélection de produits plus responsables » ne permet pas de comprendre quelles sont les caractéristiques des produits dits plus responsables, ni la proportion de ces produits parmi l’offre et quelle est la démarche de l’annonceur pour en augmenter la proportion. 

L’agence de l’environnement de la maîtrise de l’énergie (ADEME) considère que cette publicité méconnaît plusieurs dispositions de la Recommandation « Développement durable ». 

En premier lieu, elle comporte un message de déculpabilisation du consommateur sans aucune information pour le justifier et oppose les comportements vertueux sur le plan écologique et l’achat de produits auprès de cet annonceur. Elle laisse ainsi entendre qu’écologie, d’une part, et consommation et plaisir, d’autre part, seraient incompatibles. Elle incite à une surconsommation et à des comportements impulsifs d’achat, sans limite de quantités ou de qualité environnementale, et indépendamment d’un réel besoin. 

En deuxième lieu, cette publicité n’explique pas en quoi l’achat de produits sur le site de l’annonceur serait vertueux d’un point de vue environnemental. Aucune information à caractère environnementale – encore moins sociale – vérifiable, crédible, objectivable n’est présentée, pas plus qu’un renvoi vers une source d’information identifiée. La précision « Notre engagement : faire grandir notre sélection de produits plus responsables » ne repose sur aucune base solide dans la mesure où il n’existe pas de définition de ce qu’est un « produit plus responsable » et où l’engagement ne comporte aucune précision chiffrée. La circonstance que certaines informations seraient disponibles sur le site de l’entreprise est sans importance, dès lors que le film publicitaire devrait lui-même comporter ces précisions.  

En tout état de cause, l’annonceur se borne, sur son site, à indiquer que : « Depuis sa création, donne une seconde vie aux produits neufs invendus de grandes marques, avant qu’ils ne soient détruits. Grâce à des ventes privées disponibles 24h/24 et 7j/7j, plus de besoin de choisir entre conscience et plaisir ». Or vendre des produits neufs en « déstockage » ne répond pas à la définition de la seconde vie : il s’agit seulement d’un autre canal de vente « en cascade ». La seconde vie des objets est associée à des pratiques de réemploi ou de réparation, ce qui n’est évidemment pas le cas des produits neufs. Enfin, la destruction des invendus non alimentaires est interdite depuis la loi du 11 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire.  

La société annonceur, son agence de communication ainsi que le Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV) ont été informés, par courriel avec accusé de réception du 3 novembre 2020, des plaintes dont copies leur ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée. 

La société et l’agence font valoir conjointement que le discours publicitaire employé est à la fois décalé et juste, et conforme à la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. 

L’axe publicitaire de la campagne, qui s’inscrit dans l’univers pop qui caractérise la marque, repose sur le dilemme d’une consommatrice préoccupée, comme une majorité de consommateurs, par des enjeux d’éco-responsabilité et le désir de vouloir bien faire. À travers ce film publicitaire, les sociétés ont souhaité mettre en valeur ces actes du quotidien qui participent de l’effort collectif et faire savoir que l’annonceur s’efforce d’y prendre part.  

Afin de respecter les règles de déontologie publicitaire, notamment la Recommandation « Développement Durable », la réalisation de la publicité a fait l’objet de nombreux échanges avec l’ARPP, dont les conseils et les recommandations ont été rigoureusement suivis et appliqués jusqu’à l’obtention de l’avis favorable. 

En premier lieu, à travers la question « pourquoi devrais-je choisir entre conscience et plaisir ? », la publicité entend traduire l’indécision et le tiraillement des consommateurs et consommatrices entre leur conscience environnementale et le plaisir d’un achat. Elle n’oppose pas les actions environnementales au fait de se faire plaisir. Bien au contraire, l’objectif de la publicité est de démontrer que les deux ne sont pas nécessairement incompatibles et elle répond en cela à une demande des consommateurs : réconcilier et allier le besoin de se faire plaisir tout en consommant mieux. Aucun visuel ou propos de la publicité n’incite les consommateurs à des « modes de consommation excessifs ou au gaspillage », ou cautionne des « agissements manifestement inconséquents ou irresponsables ». Les sociétés rappellent à cet égard que le propre d’une publicité est de susciter un désir d’achat ou de faire connaitre une marque.  

En deuxième lieu, la publicité illustre visuellement les actions environnementales les plus courantes (trier ses ordures, manger bio, s’acheter un vélo), de manière humoristique, sans toutefois les dénigrer ou les discréditer. De même que le potiron géant, l’arc en ciel de poubelles, loin d’être une dissuasion à trier ses ordures, est une illustration visuelle de l’univers onirique et un clin d’œil aux efforts de la protagoniste. L’intention des responsables de la publicité n’a jamais été de ridiculiser les gestes éco-citoyens.  

En troisième lieu, la société fait valoir que ce film publicitaire s’appuie sur des engagements réels et proportionnés. A cet égard, ont été ajoutés, à la demande de l’ARPP, un début d’explication sur les engagements de la société en matière de développement durable (« faire grandir sa sélection de produits plus responsables » ; « … contribue à réduire le gaspillage en revalorisant les produits invendus des marques partenaires et s’engage à faire grandir sa sélection de produits plus responsables ») ainsi que l’adresse du site de la société permettant aux consommateurs d’accéder à l’ensemble de ses engagements en manière de développement durable. L’URL de la page du site défilant au bas de la publicité est également présente sur la page Youtube de la Société, tant dans la description figurant sous la vidéo, que sur l’onglet d’information en haut de la vidéo. Ces différents liens renvoient tous vers une page publique du site de la société, spécialement dédiée à ses engagements en matière de responsabilité sociale et environnementale. Afin de les rendre accessibles à toute personne qui souhaite en prendre connaissance, la page est accessible depuis la homepage du site de la société, sans avoir besoin de détenir un compte client. Cette page a été consultée plus de 30 000 fois entre le 24 septembre et le 15 novembre 2020, ce qui témoigne de son accessibilité.  

En outre, les engagements annoncés dans la publicité en matière de développement durable sont véridiques et concrets. Comme précisé dans la mention explicative, le modèle économique de la société est de revaloriser des produits invendus à des prix attractifs. La société a développé depuis 2006 un nouveau service, dénommé « délotage », proposé aux enseignes de mode visant à les aider à gérer leurs sur-stocks et permettant d’éviter leur destruction (laquelle sera interdite à partir de 2021).  

Par ailleurs, la société propose à ses membres une offre de produits éco-responsables disponible chaque jour, ainsi qu’une sélection de marques engagées mises en avant sur son site via un espace dédié. Comme indiqué dans la publicité, l’objectif affiché pour 2020-2021 est d’accroitre, par une prospection active, cette offre.  

Compte tenu de ce qui précède, les sociétés estiment que ces engagements sont réels, vérifiables et proportionnés aux actions réellement menées par la société, et ne sont pas de nature à induire en erreur les consommateurs. 

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique avoir été interrogée par son adhérent, l’agence de communication et la société d’avocats, dans le cadre de sa mission de délivrance de conseils, concernant ce film publicitaire en faveur du site Internet en cause. 

L’ARPP rappelle que, de manière générale, elle accorde une vigilance toute particulière au recours à des arguments écologiques en publicité. Au quotidien, elle veille à ce que les messages publicitaires ne contiennent pas de visuels ou d’allégations pouvant être perçus comme contraires aux principes de respect de l’environnement, notamment aux règles contenues dans la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. 

Pour autant, il n’est pas interdit pour un annonceur de mettre en avant les engagements et actions menées sur le sujet de l’environnement ni d’inscrire son discours publicitaire dans un contexte plus général de questionnement des consommateurs d’aujourd’hui sur ce sujet.  

Du point de vue de l’expression publicitaire, il importe avant tout à l’ARPP de s’assurer que ce discours soit véridique, mesuré et clair. 

En l’espèce, il a été relevé tout d’abord que le spot s’inscrit dans une campagne globale de plusieurs films décrivant tous différentes actions de l’annonceur en matière d’environnement : alimentation bio, cosmétiques bio, produits reconditionnés, etc.  

Conformément au principe de véracité applicable à tout message publicitaire, des éléments de justification ont été apportés par l’annonceur quant au positionnement évoqué dans la communication : sur la réalité de son engagement général en matière de développement durable et les différentes actions concrètes menées, sur l’offre de « seconde vie » pour les invendus, sur la part non-négligeable de produits proposés par la marque ayant une dimension plus responsable : cosmétiques bio, marques de vêtements éco-responsables, produits high-tech reconditionnés, etc. avec engagement de faire croître cette part à l’avenir et, depuis 2015, l’existence d’un incubateur de start-up pour aider les entrepreneurs qui repensent la manière de produire, de distribuer et de consommer la mode et la beauté. 

Comme le prévoit la Recommandation, un début d’explication sur ces justificatifs est présent dans la publicité : « … contribue à réduire le gaspillage en revalorisant les produits invendus des marques partenaires et s’engage à faire grandir sa sélection de produits plus responsables…. ». Cette information est assortie d’un renvoi vers une page du site accessible à tous reportant ces engagements : « Découvrez nos actions et engagements sur…. ». Ces précisions figurent lisiblement dans le spot conformément à la Recommandation de l’ARPP « Mentions et renvois ». 

Comme le prévoit la Recommandation « Développement durable », le vocabulaire employé est nuancé (« contribue à réduire le gaspillage », « produits plus responsables », « que je sois plus écolo »). 

L’ARPP souligne également qu’aucune séquence ou allégation n’est de nature à discréditer les gestes écocitoyens. Le spot utilise un univers et des codes visuels habituellement associés à cette marque, à savoir un univers coloré et actuel et un ton plutôt décalé et humoristique. 

Si l’axe de communication choisi par l’agence et son client repose en effet sur le « dilemme » d’une consommatrice, qui s’interroge sur le choix à faire « entre conscience et plaisir » rien dans le message ne suggère que les deux aspects sont incompatibles. Les bons gestes pour la planète que Camille fait de son côté (trier les ordures, changer la voiture pour un vélo, etc.) sont valorisés.  

Enfin, l’annonce « jusqu’à -70% sur des grandes marques » correspond à la politique générale de vente de l’annonceur exprimée dans la plupart de ses communications depuis toujours. 

Cette publicité ne peut donc être perçue comme encourageant des modes de consommation excessive ou au gaspillage.  

Le spot définitif, réalisé conformément aux différents échanges, qui a été soumis pour avis avant diffusion en octobre dernier, a donc été considéré comme conforme aux règles déontologiques relatives au développement durable et a pu être validé sans réserve. 

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle qu’aux termes des dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP applicable en l’espèce : 

– S’agissant des impacts éco-citoyens : « 1.1La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple : / a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité, pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique, etc.), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer./ b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs ou contraires aux principes de l’économie circulaire. A ce titre, elle ne doit pas inciter au gaspillage par la mise au rebut d’un produit ou sa dégradation alors que celui-ci fonctionne encore et/ou qu’il demeure consommable, sans tenir compte – lorsque cela est possible – de sa durabilité, de sa réutilisation, de sa seconde vie ou de son recyclage. / c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement (…) / 1.2. La publicité ne doit pas discréditer les principes et objectifs, non plus que les conseils ou solutions, communément admis en matière de développement durable. La publicité ne saurait détourner de leur finalité les messages de protection de l’environnement, ni les mesures prises dans ce domaine ». 

– S’agissant de la véracité des actions (point 2) : « 2.1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées. / (…) 2.3L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables au moment de la publicité. ».  

– S’agissant de la proportionnalité des messages : « 3.1Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles / 3.2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion ». 

– S’agissant de la clarté du message (point 4) : « 4.1L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées. / (…) 4.3 Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation Mentions et renvois de l’ARPP. / 4.4 Dans les cas où cette explicitation est trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité, l’information essentielle doit y figurer, accompagnée d’un renvoi à tout moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations ». 

Le Jury considère, en premier lieu, que la mise en scène et le ton décalé et humoristique de la publicité litigieuse n’ont ni pour objet, ni pour effet de minimiser l’importance des enjeux environnementaux ni de discréditer les pratiques ou solutions communément admises à ce titre, mais s’inscrivent dans l’univers de la marque et reprennent les codes qu’elle utilise habituellement.  

Il constate, en deuxième lieu, que cette publicité met en évidence la tension qui existe entre consumérisme et respect de l’environnement, et souligne la difficulté pour le consommateur de faire des choix permettant de concilier le plaisir de l’achat, qui a nécessairement des conséquences environnementales négatives, et ses scrupules de citoyen soucieux de minimiser l’impact écologique de ses actes. Le Jury considère que ce message ne repose pas sur une logique de déculpabilisation du consommateur pas plus qu’il n’incite à la surconsommation ou à des achats impulsifs ne répondant pas aux besoins, mais contribue au contraire à la prise de conscience de l’impact écologique de l’acte de consommation et encourage le public à s’interroger sur les conséquences de ses choix. Loin de conclure à l’incompatibilité de la consommation avec le développement durable, il l’invite au contraire à rechercher les solutions permettant d’en assurer la conciliation.  

Il résulte de ce qui précède que cette publicité ne méconnaît pas les points 1.1 et 1.2 de la Recommandation « Développement durable ».  

Le Jury constate, en troisième lieu, que cette publicité présente le recours au site de l’annonceur et, en particulier, la souscription d’offres comportant des rabais pouvant aller jusqu’à 70 % « sur les grandes marques », comme une façon d’opérer la conciliation évoquée précédemment. Il ressort des textes figurant en bas du film et de la page de son site Internet à laquelle il est renvoyé que cet argument repose sur la contribution de l’enseigne à la réduction du gaspillage par la « revalorisation » des produits invendus et sur l’engagement de « faire grandir sa sélection de produits plus responsables ».  

D’une part, le Jury estime que ce film publicitaire entretient une ambiguïté quant à la portée de l’argument de responsabilité sociale et environnementale (RSE) qu’il met en avant en raison, d’une part, de la référence générale aux « grandes marques », et, d’autre part, du rappel que l’annonceur contribue à lutter contre le gaspillage par la revalorisation des produits invendus – allégation qui touche, selon ses propres termes, à la « raison d’être » de la société et qui porte ainsi sur l’ensemble de son activité commerciale. Ainsi, la démarche dite de « délotage » mise en avant par la société s’adresse potentiellement à l’ensemble des partenaires de l’annonceur indépendamment de la politique qu’ils mènent en matière de RSE et de l’impact environnemental des produits concernés. Ce message publicitaire laisse ainsi entendre que la commande de produits sur le site de l’annonceur constituerait, de manière générale, un moyen de concilier les objectifs rappelés ci-dessus.  

Or si la valorisation des produits invendus permet d’en assurer un meilleur écoulement et, sur un plan global, concourt à limiter les conséquences écologiques néfastes qui résulteraient de leur mise au rebut pure et simple, le seul fait qu’un consommateur, comme le personnage présenté dans le film, achète des produits, quelle qu’en soit la nature – y compris, le cas échéant, des produits neufs ou à fort impact environnemental, ne peut être considéré, par lui-même et de manière générale, comme une forme d’achat responsable conciliant consommation et développement durable.  

Quant à la « sélection de produits plus responsables » à laquelle la publicité fait référence, elle renvoie à l’initiative « Move forward » qui comprend notamment le « lancement de l’onglet Move Forward sur le site permettant de réunir l’offre écoresponsable, éthique et fabriquée en France ». Cet onglet permet d’accéder quotidiennement à une offre de produits « RSE » et à une sélection de « marques engagées », sur la base des six critères suivants : « Produits Bio », « Made in France », « Clean Beauty », « Bien-Etre », « Ecoresponsable » et « Ethique ». Toutefois, cette initiative témoigne moins d’une sélectivité accrue à l’égard des partenaires de l’annonceur, qui conduirait l’enseigne à exclure de son catalogue des marques ou des produits dont les caractéristiques entreraient en contradiction avec son niveau d’exigence en matière de RSE, que d’un souhait de transparence et de commodité d’usage à l’égard du consommateur, qui peut, s’il le souhaite, retrouver aisément l’ensemble des offres dites RSE regroupées dans cet onglet voire sur la page d’accueil du site. En outre, au-delà des six critères généraux rappelés ci-dessus, la société n’a pas présenté d’élément objectif, fiable et vérifiable sur le process de sélection utilisé et sur le caractère réellement « plus responsable » des marques et des produits ainsi valorisés. Le Jury ne peut en outre tenir compte des développements futurs de l’initiative « Move Forward » et des actions prévues en 2021 énumérées dans la même annexe n° 3, dès lors qu’il ressort des termes mêmes du point 2.3 de la Recommandation que les éléments justificatifs doivent être disponibles « au moment de la publicité ». 

Dans ces conditions, le Jury considère que le message publicitaire litigieux, qui prétend surmonter l’antagonisme entre le plaisir d’acheter et la bonne conscience environnementale, n’est pas proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en la matière ni aux caractéristiques du service dont il fait la promotion, et n’exprime pas avec justesse son action et ces propriétés, en adéquation avec les éléments justificatifs qu’il a fournis au Jury et sans qu’il soit allégué que le secret des affaires fasse obstacle à ce que d’autres éléments le soient. Cette publicité est, par conséquent, susceptible d’induire le public en erreur sur la réalité des actions menées et sur les caractéristiques du service en matière de développement durable au sens du point 2.1 de la Recommandation, lequel exige que les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits ou les caractéristiques de leurs services soient « significatives » pour pouvoir être revendiquées.   

Il en résulte que cette publicité méconnaît les points 2.1, 2.3, 3.1, 3.2 et 4.1 de la Recommandation « Développement durable ».  

Avis adopté le 4 décembre 2020 par M. Lallet, Président, Mme Lenain et MM. Depincé, Lacan et Leers.