Avis publié le 6 mai 2022
Plaintes fondées
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu les représentants de l’annonceur, de la régie publicitaire, de l’association Réseau Sortir du nucléaire ainsi que les deux plaignants particuliers,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. Les plaintes
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, d’une part les 19 et 22 novembre 2019, de deux plaintes émanant de particuliers, d’autre part, le 15 janvier 2020, d’une plainte de l’association Réseau Sortir du Nucléaire, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités en faveur de l’offre d’énergie nucléaire de l’annonceur, diffusées en presse et sur son site internet.
La première publicité en cause, diffusée dans une revue à la fin du mois de novembre 2019 et par voie d’affichage, montre le dessin stylisé, sur fond jaune, de deux tours de refroidissement d’une centrale nucléaire, desquelles s’échappe une fumée blanche, dans un décor boisé. En haut du visuel, apparaît en gros caractères le texte « nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète. », puis, sous le dessin, en plus petits caractères, « La preuve : selon les chiffres du GIEC, le nucléaire émet 40 fois moins que le gaz. », « Et si on voyait le nucléaire autrement ? ». Au bas de l’image apparaissent le nom de l’annonceur et le renvoi vers plusieurs réseaux sociaux ainsi que vers la page du site.
La seconde publicité, diffusée sur le site internet de la société, s’intitule « Idées reçues » et présente, sur plusieurs pages du site, les réponses apportées par la société à ces idées reçues. Un encadré indique que « 96% du combustible nucléaire usé est recyclable », accompagné de l’image de trois conteneurs à recyclage intitulés « combustible nucléaire », « verre » et « plastique ».
2. La procédure
L’annonceur et le diffuseur de presse ont été informés, par courrier recommandé avec avis de réception du 22 novembre 2019, de la première plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Ils ont ensuite été informés que cette affaire ferait l’objet d’un examen par le Jury le 9 janvier 2020, puis du report de l’examen à la séance du 16 janvier, puis à celle du 7 février et finalement à la séance du 6 mars 2020, les deux derniers reports faisant respectivement suite à une demande du représentant de la régie publicitaire et de l’annonceur.
Entre temps, les sociétés avaient été informés de la seconde plainte d’un particulier ainsi que de la plainte de l’association Réseau Sortir du Nucléaire.
La société a présenté des arguments au secrétariat du Jury de déontologie les 7, 27 et 28 janvier et 28 février 2020, la régie publicitaire le 23 janvier 2020. Les particuliers y ont répondu les 10 janvier et 8 février 2020.
Lors de la séance du 6 mars 2020, l’association plaignante a indiqué ne pas avoir reçu certains documents de l’annonceur. Avec l’accord des parties, qui ont souhaité éviter un nouveau report de séance, tous les documents ont été circularisés en séance et ont pu être discutés.
3. Les arguments échangés
– L’un des plaignants particuliers estime que cette publicité ne respecte pas les règles déontologiques de la profession, précisément le point 6.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
Il relève que, si le nucléaire émet énormément moins de gaz à effet de serre que les énergies fossiles, les données chiffrées présentées dans la publicité étant claires à cet égard et tirées d’une étude du GIEC qui prend en compte les émissions pour l’ensemble du cycle de vie des différentes sources, il reste abusif d’affirmer que le nucléaire « ne réchauffe pas la planète », une telle formulation globalisante n’étant pas exacte dès lors que la construction, l’exploitation et le démantèlement d’une centrale nucléaire génèrent des émissions de gaz à effet de serre. Les émissions sont faibles en comparaison aux autres sources d’énergie, mais elles ne sont pas nulles, comme le montrent bien les données du GIEC.
La formulation devrait donc être relativisée, par exemple en écrivant que le nucléaire « contribue beaucoup moins au changement climatique que les énergies fossiles », qu’il est « faiblement émetteur de CO₂ » ou encore qu’il « contribue au changement climatique aussi peu que les énergies renouvelables ».
– L’autre plaignant particulier énonce que cette publicité est mensongère, biaisée et inacceptable.
Il explique que le nucléaire, avec les réactions de fission atomique qui dégagent de la chaleur, réchauffe bien la planète par des rejets massifs de chaleur dans l’environnement. Deux tiers de l’énergie dégagée lors de la fission dans les réacteurs nucléaires sont directement rejetés dans l’environnement (dans l’air et dans l’eau de refroidissement des réacteurs) et le tiers restant s’y retrouve irrémédiablement (principe de conservation et de dégradation de l’énergie en chaleur).
Il signale qu’en France, les rejets directs de chaleur dans l’environnement des réacteurs nucléaires correspondaient en 2017 à près de 3,5 fois la consommation d’énergie pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire de la totalité du parc de logements français.
Il estime que le fait que le nucléaire, selon le GIEC, émettrait 40 fois moins de CO₂ que le gaz, n’est pas une preuve que le nucléaire ne réchauffe pas la planète. Il met en avant plusieurs arguments en ce sens :
– l’industrie nucléaire émet bien des gaz à effet de serre de manière directe (vapeur d’eau et gaz fluorés) ; les réacteurs nucléaires, par leurs « tours de refroidissement », dégagent de grandes quantités de vapeur d’eau qui est le principal gaz à effet de serre.
– elle émet aussi des gaz à effet de serre de manière indirecte, lors de l’ensemble des processus qui lui permettent de fonctionner : extraction et transformation de l’uranium, enrichissement de l’uranium, retraitement des « combustibles » usés, gestion des déchets, démantèlement des installations en fin de vie.
– en outre, la valeur d’émission de CO₂ retenue par le GIEC, qui n’est d’ailleurs pas indiquée dans la publicité, est selon lui tout à fait discutable, comme le montre une publication scientifique (B. Sovacool) qui compile un ensemble d’études à ce sujet et indique que les valeurs d’émissions de CO₂, calculées sur l’ensemble du cycle de vie des réacteurs nucléaires, varient selon les auteurs des études de 1,4 à 288 g/kWh d’électricité en sortie de réacteur.
Le plaignant ajoute que réduire le problème du réchauffement de la planète aux seules émissions de CO₂ est une approche biaisée et trompeuse du problème, qu’il s’agit d’une manœuvre pour masquer les dégâts et les risques de l’industrie nucléaire (contamination radioactive et chimique chronique et accidentelle de l’environnement, problème des déchets radioactifs, prolifération nucléaire, non compétitivité économique d’une industrie qui n’assure pas ses risques et a besoin de subventions publiques pour survivre après 70 ans de développement industriel, etc.).
– L’association Réseau Sortir du Nucléaire indique que l’annonceur est une multinationale française du secteur de l’énergie, œuvrant principalement dans les métiers du nucléaire.
Elle se plaint à la fois de la publicité parue dans le journal et de la publicité sur le site internet de la société, qui porte sur le nucléaire, le carbone et les gaz à effet de serre. L’association la décrit de façon détaillée.
Elle considère que le groupe souhaite, par cette publicité, renvoyer au public l’image d’une entreprise éco-responsable, agissant en faveur de l’environnement, en promouvant le recours à l’énergie nucléaire comme une solution au changement climatique car elle émettrait peu ou pas de gaz à effet de serre.
Or elle contreviendrait à plusieurs points de la Recommandation « Développement durable » de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité et aux principes contenus dans le Code ICC.
Sur le caractère publicitaire des publications contestées, l’association indique que la page internet « Idées reçues » ne se borne pas à présenter objectivement des informations relatives aux activités de l’annonceur SA. Par la présentation générale qui y est faite et, en particulier, la mise en exergue de la mention « 95 % d’électricité décarbonée en France » accompagnée d’une illustration représentant des tours de refroidissement émettant un beau nuage blanc, cette page a pour but de mettre en valeur l’action de la société et, le cas échéant, d’influencer le comportement des consommateurs, de plus en plus sensibles aux problématiques environnementales. Dès lors, la page internet contestée revêt un caractère promotionnel.
Concernant la publicité contenue dans le journal, l’association considère que cette publicité a été diffusée pour influencer l’opinion des lecteur.trice.s de ce magazine sur l’énergie nucléaire en la présentant comme une énergie écologique. En conséquence, les publications contestées entrent dans le champ de compétence du JDP.
Enfin, l’association Réseau « Sortir du nucléaire » explique qu’elle a toute légitimité pour dénoncer les messages à caractère publicitaire créant la confusion et le doute dans l’esprit du public et contrevenant ainsi aux efforts d’information et d’éducation populaire qu’elle fournit.
Elle fait valoir que, par cinq fois entre 2015 et 2018, des communications publicitaires relatives à l’énergie nucléaire ont été déclarées par le JDP non conformes à des dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP : EDF ALSACE – internet / Avis n° 373/15 publié le 22 juillet 2015, plainte des associations Réseau Sortir du Nucléaire, Stop Fessenheim, Stop Transports – Halte au nucléaire, CSFR et Alsace Nature ; EDF – internet & Presse / Avis n° 379/15 publié le 14 octobre 2015, plainte de l’association France Nature Environnement ; EDF – internet / Avis n° 386/15 publié le 5 janvier 2016, plainte de l’association Réseau Sortir du Nucléaire ; EDF CENTRALE – Presse / Avis n° 420/16 publié le 18 octobre 2016, plainte des associations France Nature Environnement et Réseau Sortir du Nucléaire ; EDF / HAVAS – Presse / Télévision / Avis n° 490/18 publié le 5 février 2018, plainte de l’association Réseau Sortir du Nucléaire.
L’association se plaint d’un manquement à cinq points de la Recommandation « Développement durable » par les publicités susvisées de l’agence de communication : défaut de véracité des actions (Point 1), défaut de proportionnalité du message (Point 2), défaut d’explicitation (Point 3), défaut de vocabulaire approprié (Point 6), défaut de responsabilité sociale (Point 9).
De plus, le Code ICC contient un Article 22 rédigé comme suit : « La communication commerciale ne doit pas sembler cautionner ou encourager un acte qui enfreint la législation, les codes d’autorégulation ou les normes généralement admises quant à un comportement responsable au niveau environnemental. Elle doit respecter les principes énoncés au chapitre E, Allégations environnementales dans la communication commerciale. ». Le chapitre dédié aux allégations environnementales dans la communication commerciale précise ce que doit être un comportement environnemental en publicité. Or, selon l’association, la présentation des publicités contestées de l’annonceur n’est pas honnête et véridique, notamment en ce qu’elles induisent le consommateur en erreur en n’étant pas précises sur la qualité environnementale du service (Article E1).
Elle ajoute que les publicités méconnaissent les dispositions relatives à la véracité des actions (Point 1 de la Recommandation « Développement durable »), à la présentation honnête et véridique (Article E1 du Code ICC) et à la minimisation des conséquences pour l’environnement (Point 9 de la Recommandation « Développement durable »).
En l’espèce, les formulations, sur le site internet, « L’énergie nucléaire émet très peu de gaz à effet de serre. Le GIEC classe au niveau mondial le nucléaire parmi les énergies bas carbone, avec des émissions comparables à celles de l’éolien » et « Grâce au nucléaire, la France a déjà atteint les objectifs fixés par le protocole de Kyoto en termes d’émissions de CO₂ » sont trompeuses, pour plusieurs raisons :
– l’association estime que l’agence de communication joue habilement ici sur les mots carbone et gaz à effet de serre qui, pour le grand public, renvoient à la même chose. Pourtant, lorsqu’elle met en avant l’énergie nucléaire comme peu émettrice de gaz à effet de serre, elle induit le public en erreur sur les propriétés de celle-ci et exploite son manque de connaissance en la matière. En effet, dans un avis du 21 mai 2019 qui analyse trois années de déclarations d’événements significatifs dans le nucléaire (2015, 2016, 2017), l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) indique que les événements liés aux gaz à effet de serre sont l’une des deux principales causes de déclaration d’événement significatif pour l’environnement (ESE) en matière nucléaire. Les émissions de fluides frigorigènes contenus dans les groupes frigorifiques constituent la source principale des déclarations d’ESE ;
– par ailleurs, les émissions d’hexafluorure de soufre (SF6), dont l’impact est environ dix fois plus important que celui des autres gaz à effet de serre présents sur les centrales nucléaires, sont seulement depuis 2018 soumises aux déclarations d’ESE et ne sont donc pas prises en compte dans les déclarations analysées par l’IRSN dans cet avis. Le SF6 est pourtant l’un des six types de gaz à effet de serre visés par le protocole de Kyoto. Son potentiel de réchauffement global est 22 800 fois supérieur à celui du CO₂, ce qui en fait potentiellement le plus puissant gaz à effet de serre sur terre ;
– en outre, la formulation « Grâce au nucléaire, la France a déjà atteint les objectifs fixés par le protocole de Kyoto en termes d’émissions de CO₂ » est trompeuse dans la mesure où elle sous-entend que l’atteinte de ces objectifs, par ailleurs très bas, (pour la France, il ne s’agissait que de stabiliser au niveau de 1990 ses émissions de gaz à effet de serre) est à mettre sur le compte du seul nucléaire, alors que la réduction des émissions survenue en France depuis 1990 résulte de différents facteurs (fermeture de centrales thermiques certes, mais surtout mise en place de normes de performance énergétique plus exigeantes, amélioration des process dans différentes industries, voire désindustrialisation et délocalisation hors de France d’industries polluantes). Selon les données CITEPA, les émissions du secteur manufacturier français sont ainsi passées de 144 à 80,9 millions de tonnes équivalent CO₂ entre 1990 et 2017, une baisse bien plus importante que celle liée au secteur électrique.
– enfin, la référence emblématique au protocole de Kyoto est trompeuse selon l’association, dans la mesure où elle pourrait laisser entendre que le nucléaire fait partie des mécanismes de réduction des émissions reconnus au titre de cet accord, alors que le nucléaire a été explicitement exclu des mécanismes de Kyoto. En outre, le grand public, qui n’est pas forcément averti que la deuxième période d’engagement de ce protocole touche à sa fin, pourrait imaginer qu’il s’agit des objectifs climatiques de la France en général. Cela peut entraîner une confusion alors que la France s’est depuis dotée de nouveaux objectifs plus ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, sous la forme d’un « budget carbone » découlant de ses engagements à échéance 2030 et de l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Or si la France est en bonne voie de remplir les objectifs très bas fixés par le protocole de Kyoto, elle ne respecte pas ses budgets carbones, et ce même avec un mix électrique extrêmement nucléarisé et présenté comme « bas-carbone ».
– de plus, en représentant uniquement des tours de refroidissement de centrale nucléaire, l’annonceur focalise l’attention sur la seule étape de la réaction nucléaire, omettant les opérations nécessaires en amont pour la production de combustible nucléaire. À ce titre, l’association indique que l’usine, où le concentré de minerai d’uranium subit ses premières transformations, émet des quantités importantes de protoxyde d’azote (N2O), gaz à effet de serre au pouvoir de réchauffement global 265 fois supérieur à celui du CO₂. Le nouveau procédé TDN de traitement des nitrates, censé être mis en œuvre sur le site, émettrait 29 tonnes par an de N2O, soit plus de 7500 tonnes équivalent CO₂. Quant aux installations de transformation et enrichissement de l’uranium de l’annonceur, elles émettent, selon les documents mêmes de l’entreprise, 2928 tonnes équivalent CO₂ /an, sans compter 1558 tonnes équivalent CO₂ d’émissions indirectes (ces quantités comprennent le CO₂ et les autres gaz à effet de serre).
– par ailleurs, la formulation « 95 % d’électricité décarbonée en France » peut être interprétée par le grand public comme signifiant que la quasi-totalité de l’électricité produite en France n’implique aucune émission de dioxyde de carbone.
Il en est de même concernant la publicité parue dans la presse papier, qui met en avant l’affirmation « Nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète ». Or, il est constant que la production d’énergie, quelle qu’elle soit, implique nécessairement de tels dégagements gazeux. Le contenu en CO₂ du nucléaire a d’ailleurs fait l’objet d’une méta-étude, qui débouche sur un chiffre médian de 66g de CO₂ par KWh.
L’association relève que le Jury avait estimé, dans son avis n° 373/15 EDF Alsace, que « la publicité en faveur de l’énergie nucléaire doit veiller à lever toute ambiguïté quant à ses incidences environnementales. Si elle peut mettre en valeur qu’une centrale nucléaire n’émet pas directement de CO₂ ou que, sur la totalité du cycle de production, ces émissions sont inférieures pour l’énergie nucléaire, comparée aux centrales thermiques, en l’état des études disponibles, elle ne saurait suggérer que ces émissions seraient nulles ».
En présentant de nombreux chiffres dont la plupart ne sont pas sourcés, en entretenant une confusion entre carbone et GES, en employant les termes « décarboné » et « bas carbone », l’agence de communication pose le nucléaire en champion de la lutte contre le changement climatique. Pourtant, comme l’a démontré une étude du cabinet WISE Paris, ce dernier n’apporte qu’une contribution médiocre à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Surtout, en raison des importants investissements qu’il requiert, il bloque le développement des vraies solutions, à savoir les économies d’énergie et les énergies renouvelables, comme le montre notamment le dernier World Nuclear Industry Status Report. Enfin, les enjeux environnementaux ne sauraient se résumer aux seules émissions de gaz à effet de serre.
L’association rappelle que le nucléaire génère d’importantes nuisances environnementales, que le GIEC lui-même considère comme des impacts négatifs au regard des objectifs de développement durable (mise en circulation de substances radioactives pouvant être détournées à des fins militaires, production de milliers de tonnes de déchets radioactifs chaque année, pollution des mines d’uranium, risque persistant d’accident de type Tchernobyl ou Fukushima, dont les conséquences sanitaires et environnementales seraient dramatiques…)
Dans ces conditions, l’association soutient que les publicités en cause sont susceptibles d’induire le public en erreur sur les propriétés de l’énergie nucléaire, en méconnaissance du Point 1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP et de l’article E1 du Code ICC, et elle n’est également, par voie de conséquence, pas conforme au Point 9 de la même Recommandation.
L’association considère que le message n’est pas proportionné (Point 2 de la Recommandation « Développement durable »), dans la publicité parue dans la presse papier « Nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas le climat » et en raison de la mention, sur le site internet « Idées reçues », que « Pour faire du CO₂ avec du nucléaire, il va falloir charbonner » et que « Pourtant, d’après une récente étude BVA pour … (2019), 69% des Français pensent que le nucléaire produit du CO₂ et contribue au dérèglement climatique. Cette idée est fausse : au contraire, l’énergie nucléaire fait partie des solutions pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre (GES). », l’agence de communication laisse entendre que le nucléaire n’aurait pas d’impact négatif sur le climat, voire aurait un impact favorable sur celui-ci.
Or l’association précise que la production d’énergie, quelle qu’elle soit, implique nécessairement des dégagements de CO₂ et de gaz à effet de serre qui ont un impact sur le climat, y compris concernant le nucléaire. En outre, si la production électrique en tant que telle peut être qualifiée de moins émettrice de CO₂ que d’autres formes de production d’énergie, on peut s’interroger sur ce qu’il en est concernant l’ensemble de la chaîne nucléaire (de l’extraction du minerai à la gestion des déchets). De plus, le nucléaire génère d’autres formes de pollution dont il est totalement fait fi dans ces publicités : des pollutions quotidiennes (rejets chimiques et radioactifs, gazeux et liquides, dans l’environnement) ainsi que des milliers de tonnes de déchets radioactifs produits chaque année, en France ; sans parler des conséquences sanitaires et environnementales d’un accident nucléaire de type Fukushima ou Tchernobyl.
Enfin, l’association précise que l’usine de retraitement des combustibles usés exploitée aujourd’hui par l’annonceur (en France) est l’une des installations les plus polluantes sur le plan radiologique et rejette en particulier dans l’atmosphère de très grandes quantités d’un gaz radioactif, le krypton 85 conduisant à multiplier par 60 la radioactivité moyenne annuelle de l’air dans les villages voisins. Compte tenu de sa longue période (10 ans), la concentration de ce gaz ne cesse d’augmenter dans l’ensemble de l’hémisphère nord. Certains chercheurs ont soulevé la question de l’impact de cette ionisation artificielle de l’atmosphère sur le climat. Et l’usine, assujettie au Plan National d’Allocation des Quotas, est l’un des principaux producteurs de gaz à effet de serre de la région. Elle a rejeté 80 551 tonnes de CO₂ en 2007 et, de manière générale, les émissions totales du groupe s’élevaient en 2018 à plus de 260 000 tonnes équivalent CO₂.
Dans ces conditions, l’association considère que les publicités en cause ne sont pas proportionnées à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion et ne saurait suggérer une absence totale d’impact négatif. Elle méconnaît ainsi le Point 2 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
L’association conteste également la clarté du message (Point 3 de la Recommandation « Développement durable »), les nombreux chiffres et affirmations présentés par l’agence de communication dans ces publicités litigieuses n’étant, pour la plupart, ni sourcés ni explicités. Par exemple, sur l’affirmation « Le nucléaire émet 40 fois moins de CO₂ que le gaz et même 70 fois moins que le charbon », il n’est pas précisé si ces chiffres portent sur l’ensemble du cycle de vie du nucléaire ou seulement sur la phase production. Il en est de même pour l’ensemble des chiffres avancés en la matière sur la page internet « Idées reçues » et sur la publication « Nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète ». Dans son avis n° 385/15 « EDF », le JDP observait « que le pourcentage de 98 % est totalement dépourvu d’explication ou de renvoi qui permettrait au public auquel ce slogan s’adresse de comprendre à quoi se réfère cette donnée et ce qu’elle contient. (…) Dans ces conditions, le Jury estime que le slogan en cause peut être de nature à induire le public en erreur sur la réalité des actions mise en œuvre par la société EDF et revendiquées par elle et qu’il n’est pas conforme aux dispositions 1.1 et 3.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP ».
L’association conteste également le vocabulaire du message (Point 6 de la Recommandation « Développement durable » : les affirmations telles que « Nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète » et « 95% d’électricité décarbonnée en France » induisent le public en erreur sur l’impact du recours à l’énergie nucléaire comme source de production électrique sur le climat et la planète. Or, comme dit précédemment, il est constant que la production d’énergie, quelle qu’elle soit, implique nécessairement des dégagements de CO₂ et de gaz à effet de serre qui ont un impact sur le climat, y compris concernant le nucléaire. En outre, si la production électrique en tant que telle peut être qualifiée de moins émettrice de CO₂ que d’autres formes de production d’énergie, on peut s’interroger sur ce qu’il en est concernant l’ensemble de la chaîne nucléaire (de l’extraction du minerai d’uranium à la gestion des déchets).
Selon l’association, en application du point 6.3, les formulations « Nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète » et « 95% d’électricité décarbonnée » devraient être relativisées. Enfin, les expressions « décarbonnée » et « On ne réchauffe pas la planète » traduiraient indument une absence d’impact négatif en ce qui concerne les activités nucléaires, contrairement à ce que recommande le point 6.4 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
S’agissant de l’illustration sur le recyclage, l’association relève qu’elle crée volontairement une confusion dans l’esprit du consommateur et induit le public en erreur lorsqu’elle présente, à un même niveau, le recyclage des combustibles nucléaires usés et le recyclage du verre et du plastique.
Certes, le consommateur moyen est conscient que, pour des raisons évidentes de logistique, de sécurité et de sûreté, dans la réalité, les conteneurs en libre accès recueillant des combustibles nucléaires usés (comme il en existe pour recueillir le verre et le plastique usés) n’existent pas. Toutefois, cette illustration, par la comparaison qu’elle opère, et les commentaires qui y sont attachés sur l’expérience du recyclage des déchets radioactifs, pourraient laisser croire que le recyclage de ces déchets spécifiques est tout aussi répandu que celui des déchets plastiques ou en verre. Cette confusion est accentuée par la mention, juste à côté de l’illustration, « 96% du combustible nucléaire usé est recyclable » et par l’allégation sur le taux d’ampoule en France fonctionnant au combustible nucléaire recyclé.
Or, cette présentation constitue, selon l’association, une simplification considérable de la réalité. En vérité, moins de 1% des combustibles nucléaires usés sont aujourd’hui recyclés, c’est-à-dire réutilisés pour fabriquer du nouveau combustible. Ces 1% correspondent à la part de plutonium présente dans le combustible nucléaire usé que la technologie actuelle est capable d’extraire, de purifier, de réassembler avec de l’oxyde d’uranium et d’accueillir dans des réacteurs spécifiques. Les 95% restant pour atteindre le chiffre avancé par l’annonceur dans son encadré représentent de l’uranium, qui est lui aussi extrait des combustibles usés, mais qui n’est pas recyclé. En effet, la technologie actuelle ne permet pas de valoriser ces matières nucléaires qui sont stockées sans perspective concrète de réutilisation, dans l’espoir de résultats concluants de la recherche scientifique.
L’association rappelle que la plupart des pays nucléarisés ont arrêté, commencé à arrêter ou n’ont jamais commencé le retraitement des combustibles usés en raison du coût de cette recherche et de l’absence totale de piste crédible : seules la France et la Russie soutiennent encore la recherche dans le retraitement des combustibles usés. En conséquence, plus de 11 500 tonnes de combustibles nucléaires usés étaient en attente de retraitement fin 2017 sur le territoire français, selon les chiffres de l’Andra de 2019. De plus, ce stockage fait peser sur la société de très lourds problèmes logistiques, économiques et environnementaux, comme le détaille Greenpeace France dans un récent rapport paru en septembre 2019.
En outre, il existe d’importants stocks de plutonium et d’uranium appauvri dont la réutilisation était principalement envisagée dans la perspective du développement des réacteurs de 4ème génération. L’abandon d’Astrid, acronyme de l’anglais Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration, compromet aujourd’hui clairement cette perspective.
Par ailleurs, le combustible MOX (combustible nucléaire créé à partir de combustibles nucléaires usés), est lui-même composé, d’une part, de plutonium recyclé depuis des combustibles usés et, d’autre part, d’uranium neuf qui n’est donc pas recyclé. La part de plutonium recyclé présente dans le combustible MOX n’est que de 8%. Les 92% de matière restante formant le combustible MOX sont de l’uranium neuf/non recyclé. Le combustible MOX n’est donc pas un combustible conçu dans une logique de cycle fermé, au sens de la définition de l’économie circulaire par le Ministère, l’Ademe ou la Commission européenne. Enfin, l’étape de fabrication du combustible MOX implique elle-même la création de nouveaux déchets nucléaires et, une fois usé, le combustible MOX n’est pas recyclé.
Or, selon l’association plaignante, le consommateur moyen n’est pas forcément au fait de tous ces chiffres et de ces conséquences. Ainsi, il peut être induit en erreur par la présentation faite par l’annonceur sur sa page internet « Idées reçues : recyclage ». Dès lors, cette présentation est contraire au Point 1.1 de la Recommandation.
De plus, au vu du très faible pourcentage de combustibles usés qui est effectivement réutilisé, la mise en avant du recyclage des combustibles nucléaires par cette illustration et l’affirmation contenue dans le Rapport annuel d’activité 2018 selon laquelle l’annonceur « participe activement à l’économie circulaire » sont contraires au Point 1.3. de la Recommandation « Développement durable ».
L’association ajoute que cette campagne publicitaire a été lancée alors même que l’industrie nucléaire, avec le soutien du gouvernement, pousse activement pour le renouvellement du parc nucléaire français. Les projets de six nouveaux réacteurs portés par un fournisseur d’électricité constituent, pour l’ensemble de la filière, l’annonceur compris, l’assurance de pouvoir continuer à trouver un débouché pour leurs activités dans les décennies à venir. Ces projets de nouveaux réacteurs soulèvent cependant des interrogations légitimes, au regard du fiasco du chantier de l’EPR de Flamanville, qui cumule retards et surcoûts et a révélé une perte de compétence flagrante. Face à une opinion publique majoritairement hostile à la construction de nouveaux réacteurs, la diffusion large de ces publicités apparaît comme une tentative d’améliorer l’acceptabilité sociale du nucléaire afin de limiter les oppositions à ces projets.
– La société fait valoir qu’elle est un groupe international, acteur majeur de l’énergie nucléaire, qui valorise les matières nucléaires de manière à répondre aux besoins énergétiques de nos sociétés. Pour ce faire, l’annonceur propose des produits et services à forte valeur ajoutée sur l’ensemble du cycle du combustible nucléaire et agit en partenariat en particulier avec le fournisseur d’électricité, en charge de la construction et de l’exploitation des centrales nucléaires pour offrir une électricité bas carbone.
Adopté le 12 décembre 2015 par la 21e session de la Conférence des Parties (COP 21), soit 174 pays et les 28 états membres de l’Union Européenne, l’Accord de Paris prévoit de contenir le réchauffement climatique « bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels » et si possible de viser à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5°C ».
Dans le cadre de cet accord, le GIEC a établi un rapport sur les conséquences d’un réchauffement planétaire supérieur à 1,5°C. En outre, aux termes de son rapport d’évaluation sur les changements climatiques de 2014, le GIEC prévoyait une augmentation importante des énergies sobres en carbone dont le nucléaire fait partie pour maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 degrés. Plus récemment, dans un rapport rendu public en octobre 2018, les experts préconisent un certain nombre de mesures visant à prévenir le changement climatique, la plus importante consistant dans la réduction des émissions de CO₂ d’ici 2050. Selon les scénarios du GIEC, d’ici 2050, il faudra développer les énergies nucléaire et renouvelables d’un facteur respectivement de 5 et 12.
Les 4 scenarii énergétiques retenus pour parvenir à cet objectif incluent systématiquement le déclin drastique des combustibles fossiles (charbon, pétrole et, dans une moindre mesure, gaz) et le recours à l’énergie nucléaire dont le GIEC souligne qu’il est une source d’électricité bas carbone, dont les émissions de CO₂ sont aussi faibles que l’énergie éolienne voire quatre fois plus faibles que l’énergie solaire.
Le recours à l’énergie nucléaire est également préconisé par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) qui plaidait en 2019 en faveur de mesures de soutien à cette filière pour mettre en place un système énergétique durable. Plus généralement, l’ensemble des études scientifiques internationales convergent pour distinguer les énergies qui contribuent au réchauffement climatique et les énergies, parmi lesquelles le nucléaire, dont la production est au contraire un moyen de lutte contre ce réchauffement.
Alors que la transition énergétique et les enjeux climatiques s’affirment comme des préoccupations politiques et sociétales majeures dans le débat public en France, l’annonceur a souhaité interroger les Français sur leurs connaissances et leurs perceptions de cette énergie et de son industrie, par le biais d’une enquête réalisée par téléphone du 4 au 27 avril 2019, auprès d’un échantillon de 3 008 personnes âgées de 18 ans et plus, représentatif de la population française, tant au niveau national que local. Les résultats de cette étude menée par l’institut BVA révèlent des perceptions faussées sur les différents impacts de cette énergie, notamment en matière environnementale. En particulier, il ressort de cette étude que l’impact du nucléaire dans la lutte contre le dérèglement climatique n’est pas connu des Français, qui partagent encore certaines idées reçues sur cette énergie :
– ainsi, 69 % des Français estiment que le nucléaire contribue à la production de gaz à effet de serre et de ce fait au dérèglement climatique, alors qu’il représente la première source d’énergie bas carbone en France ;
– plus largement, plusieurs idées reçues restent ancrées dans l’esprit des Français sur cette énergie. Ils estiment à 59 % la part d’électricité d’origine nucléaire en France, alors que celle-ci est en réalité de près de 72 %. Plus de deux Français sur trois pensent que le nucléaire est une énergie chère à produite (68 %) et que l’électricité française est plus chère ou aussi chère que celle des autres pays européens (67%).
C’est dans ce contexte que l’agence de communication a initié une campagne publicitaire utilisant des visuels et des messages pédagogiques, visant à répondre aux contre-vérités et clichés véhiculés autour de l’énergie nucléaire et de son activité. Elle a été déclinée sur plusieurs supports, dont un visuel publicitaire diffusé par voie de presse dénoncé par les trois plaintes.
L’objectif de ce visuel publicitaire est de porter le message simple selon lequel, contrairement aux idées reçues, la production d’énergie nucléaire est un moyen efficace et reconnu de lutte contre le réchauffement climatique et non de son aggravation. La société annonce donc son propos avec la phrase suivante « Nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète » et l’illustre par un visuel de tours aéroréfrigérantes, symboles des centrales nucléaires et plus globalement de la filière, et par une référence aux chiffres du GIEC, mentionnés ci-dessus.
La page internet de l’annonceur « Idées reçues » a pour objectif de combattre, à travers des illustrations pédagogiques et des idées simples un certain nombre de contre-vérités concernant l’énergie nucléaire. Sur cette page internet l’annonceur fait apparaître les informations suivantes :
- « Pour faire du CO₂ avec du nucléaire, il va falloir charbonner », « Le nucléaire émet 40 fois moins de CO₂ que le gaz et même 70 fois moins que le charbon » ;
- « Pourtant, d’après une récente étude BVA pour … (2019), 69% des Français pensent que le nucléaire produit du CO₂ et contribue au dérèglement climatique. Cette idée est fausse : au contraire, l’énergie nucléaire fait partie des solutions pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre (GES). » ;
- « C’est bien de la vapeur d’eau qui sort des tours de refroidissement de nos centrales ! » ;
- « L’énergie nucléaire émet très peu de gaz à effet de serre. Le GIEC classe au niveau mondial le nucléaire parmi les énergies bas carbone, avec des émissions comparables à elles de l’éolien. » ;
- « Grâce au nucléaire, la France a déjà atteint les objectifs fixés par le protocole de Kyoto en termes d’émissions de CO₂. En comparaison, l’Allemagne émet 6 fois plus de CO₂ soit 53gr de CO₂ par kWh en France contre 338gr de CO₂ par kWh en Allemagne » ;
- « Chaque année le nucléaire permet d’éviter les rejets de 2 milliards de tonnes de CO₂, soit l’équivalent des rejets de 400 millions de voitures ».
En communiquant sur ces éléments factuels, par le biais d’une page internet dédiée et d’une publicité publiée dans un journal, l’agence de communication souhaite informer sur les possibilités, particulièrement importantes, qu’offre l’énergie nucléaire pour décarboner la production d’électricité.
Le choix du visuel presse vise à répondre au cliché selon lequel la fumée s’échappant des centrales nucléaires serait constituée de gaz à teneur toxique, alors que cette fumée est en réalité de la vapeur d’eau qui s’évacue par des tours aéroréfrigérantes, qui, contrairement au CO₂ issu des centrales de combustibles fossiles, ne participe pas au changement climatique. Ce visuel est simple et intelligible.
L’accroche publicitaire est complétée et étayée par la référence aux chiffres du GIEC selon lesquels « le nucléaire émet 40 fois moins de CO₂ que le gaz », l’organisme étant expressément mentionné conformément aux recommandations « études de marché ou d’enquête » de l’ARPP. Il en résulte que l’accusation portée par le plaignant n’est pas fondée. En effet, les émissions de CO₂ ont été analysées par le GIEC tout au long du cycle de production d’énergie nucléaire et il ressort des calculs réalisés que ces émissions sont infimes.
Au demeurant, s’il est généralement admis par la communauté scientifique qu’une émission de CO₂ au-delà de la capacité d’absorption de la terre contribue au réchauffement climatique, il n’est en revanche pas prouvé que maintenir une activité industrielle en dessous d’un faible niveau d’émission de ce gaz participerait au réchauffement climatique.
Les modifications du message publicitaire de l’agence de communication préconisées par le premier plaignant auraient pour effet d’alimenter la confusion du public sur le rôle du nucléaire dans la lutte contre le réchauffement climatique en entretenant des contre-vérités que cette publicité vise précisément à lever. En effet, les options consistant à inscrire que le nucléaire « contribue beaucoup moins au changement climatique que les énergies fossiles » ou qu’il est « faiblement émetteur de CO₂ » reviennent à assimiler l’énergie nucléaire aux formes de production dont les scientifiques préconisent unanimement la réduction ou l’arrêt ; celle consistant à indiquer que le nucléaire « contribue au changement climatique aussi peu que les énergies renouvelables » participerait à jeter le discrédit sur les voies préconisées par les scientifiques pour lutter contre le réchauffement climatique, au risque d’induire en erreur le lecteur qui conclurait à l’inutilité d’une transition énergétique.
Selon l’annonceur, la publicité ne porte donc pas atteinte aux dispositions de l’article 6.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
Le second plaignant particulier prétend que la publicité de l’annonceur, parue au sein du magazine, porterait atteinte aux articles 1.1, 2.1, 3.1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, à la Recommandation « Résultats d’études de marchés ou d’enquête » et à la Recommandation « Appel à la générosité publique ».
Sur le fond, l’annonceur dénonce le caractère orienté et polémique de cette deuxième plainte qui s’apparente à une prise de position globale et très marquée contre l’énergie nucléaire dans son ensemble. L’annonceur a donc décidé de ne pas répondre en tous points au plaignant.
Sur l’inapplicabilité des Recommandations « Résultats d’études de marchés » et « Appel à la générosité publique », si l’annonceur a effectivement, souhaité interroger les Français par le biais d’un sondage réalisé par l’institut BVA, il n’est pas fait état des résultats de ce sondage dans la publicité publiée par le magazine. De plus, elle n’appelle aucunement à des financements du public.
En outre, la société n’opère que dans le domaine du nucléaire civil et médical et n’exerce aucune activité en lien direct avec le nucléaire militaire. Par ailleurs, le plaignant soutient que « En France les rejets directs de chaleur dans l’environnement des réacteurs nucléaires correspondaient en 2017 à près de 3,5 fois la consommation d’énergie pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire de la totalité du parc de logements français ». D’une manière toute aussi peu sérieuse le plaignant affirme que « Le nucléaire est incapable d’assurer une fourniture d’énergie significative (de l’ordre de 2% de l’énergie finale consommée dans le monde en 2018) et à un coût compétitif (c’est la plus couteuse de toutes les énergies pour la production d’électricité selon plusieurs études indépendantes menées au niveau international ». Il cite des « études indépendantes menées au niveau international », qu’il ne produit pas et dont il ne produit pas la source. Or avec une production de 2 606 TWh en 2016 (soit 10,4 % de la production mondiale d’électricité), le nucléaire est la 3ème source de production d’électricité dans le monde et les éléments mis à disposition de l’UE sur son site internet informent que l’énergie nucléaire représente 30 % de l’électricité produite dans l’Union. En conséquence, aucun des éléments visés plus haut ne sauraient servir de fondement au plaignant pour considérer que la publicité est contraire à la recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
Sur les rejets en vapeur d’eau des tours de refroidissement des centrales nucléaires, le plaignant prétend que par ses rejets en vapeur d’eau, l’industrie nucléaire contribuerait au réchauffement climatique et en conclut que la publicité serait contraire à la recommandation « Développement durable » de l’ARPP. Certes, la vapeur d’eau, qu’elle soit contenue dans les nuages ou les fumées des tours des centrales nucléaires est effectivement un gaz à effet de serre. Il est établi que cette vapeur contribue pour 60% à l’effet de serre planétaire sans lequel la terre aurait une température moyenne de 48°3. Mais deux éléments sont à prendre en compte : d’une part, une différence importante entre la vapeur d’eau et les autres gaz à effet de serre réside dans le fait que la vapeur d’eau reste très peu de temps dans l’atmosphère, à peine quelques jours, tandis qu’un gaz comme le dioxyde de carbone y demeure un siècle environ ; d’autre part, les émissions de vapeur d’eau due aux activités humaines jouent un rôle dérisoire et à peine quantifiable dans l’augmentation de l’effet de serre. Cette réalité est confirmée par le GIEC qui indique dès son 4e rapport de 2007 que « l’émission directe de vapeur d’eau par les activités humaines contribue de façon négligeable au forçage radiatif ».
La société se réfère par ailleurs aux propos de Jean-Marc Jancovici, ingénieur spécialisé dans les problématiques d’énergie et de climat, selon lesquels notamment, « les émissions directes de vapeur d’eau des hommes (provenant des centrales électriques – pas seulement nucléaires – de l’irrigation, des barrages, de la déforestation…) ne contribuent pas à augmenter l’effet de serre de manière décelable et ne sont donc pas prises en compte dans les émissions humaines. En effet, sur une planète couverte aux 2/3 d’eau (les océans), et compte tenu du fait que l’eau ne s’accumule pas dans l’atmosphère – où son temps de résidence est de l’ordre d’une semaine seulement -, les émissions d’origine humaine sont totalement marginales dans le cycle global de l’eau ». Enfin, si la vapeur d’eau était reconnue comme une molécule dont les rejets humains avaient des effets notables à l’origine du changement climatique, elle disposerait d’un Potentiel de Réchauffement Global et serait prise en compte dans la comptabilité carbone. Ce qui n’est pas le cas.
De même, l’ADEME explique que la vapeur d’eau, dont la durée de vie dans l’atmosphère est très courte, n’est pas directement influencée par les émissions humaines. De plus, l’ozone troposphérique n’est pas un gaz émis directement par l’homme, mais est le résultat de la décomposition d’autres gaz dans l’atmosphère. Ces deux gaz sont exclus du champ de la comptabilité carbone. En conséquence, les rejets en vapeur d’eau des tours aéroréfrigérantes des centrales nucléaires ne sauraient servir de fondement au plaignant pour contredire le faire que la production d’énergie nucléaire ne réchauffe pas la planète et en déduire que notre publicité serait contraire à la Recommandation « Développement durable » de I’ARPP.
Répondant aux arguments du plaignant sur les travaux du GIEC, l’annonceur indique que le GIEC utilise la méthodologie dite d’Analyse du Cycle de Vie ou ACV, dont le but est d’identifier et de comparer les impacts environnementaux d’un système tout au long de son cycle de vie, de l’extraction des matières premières nécessaires à sa fabrication à son traitement en fin de vie.
Les émissions de CO₂ de l’énergie nucléaire calculées par le GIEC sont de l’ordre de 12 grammes par kWh d’électricité. A titre d’exemple, le charbon émet 820 grammes par kWh, le gaz 490. EDF a fait réaliser une étude ACV du kWh nucléaire Français, selon la méthodologie ACV, avec un résultat de près de 4 grammes de CO2 par kWh.
L’étude de B. Sovacool citée par le requérant, publiée en 2008, ne part pas d’un calcul direct, mais de 103 études précédemment publiées, de nature hétérogène et répondant à des méthodologies diverses (certaines de ces études étant très critiquées). Si cette publication est reprise dans le monde militant, il s’agit davantage d’une publication idéologique que d’une véritable publication scientifique. En tout état de cause, sa force probante ne saurait être comparable aux travaux scientifiques du GIEC, reconnus à l’échelle mondiale.
Concernant la plainte de l’association RSN, ses allégations relatives aux rejets par l’usine de La Hague « d’un gaz radioact le Krypton 85 conduisant à multiplier par 60 la radioactivité moyenne annuelle de l’air dans les villages voisins » et affirmant que « Certains chercheurs ont soulevé la question de l’impact de cette ionisation artificielle de l’atmosphère sur le climat » seront écartées en ce qu’elles ne présentent pas de lien avec les publicités mises en cause. Effectivement, la publicité parue dans le journal, au même titre que la page internet « Idées reçues », traitent du fait que l’énergie nucléaire est un moyen de lutte contre le réchauffement climatique en ce qu’elle est une source d’énergie peu émettrice de carbone.
Si le Krypton 85 est effectivement un gaz susceptible d’être rejeté dans le cadre d’une activité industrielle nucléaire, il est établi qu’il n’est en aucun cas un gaz qualifié de gaz à effet de serre et qu’il ne dispose de ce fait pas d’un potentiel de réchauffement global contrairement au CO₂ ou au Méthane. En conséquence, y faire référence pour qualifier de trompeuse la campagne de l’agence de communication est dénué de pertinence. La société précise qu’elle communique avec transparence concernant les rejets du gaz Krypton 85, notamment par le biais du rapport d’information du site. Les volumes des rejets de gaz rares radioactifs (dont le Krypton 85) sont très en deçà des limites posées la communauté scientifique et ont nettement diminué depuis 2016. De plus, l’impact du Krypton 85 en termes de radiotoxicité est particulièrement faible dans la mesure où il n’interagit pas avec le milieu vivant, étant biologiquement inerte. En tout état de cause, cela ne contredit en rien le fait que la production d’énergie nucléaire constitue un moyen de lutte contre le réchauffement climatique.
D’autre part, la phrase du site internet « Idées reçues » critiquée, ayant trait au respect des objectifs fixés par le protocole de Kyoto, est véridique et n’exclut en aucun cas le rôle joué par d’autres actions menées parallèlement en termes de réduction des émissions de CO₂. En outre, si l’annonceur souhaite mettre en avant le rôle joué par l’énergie nucléaire pour respecter les objectifs fixés par le protocole de Kyoto, c’est à juste titre dans la mesure où ces objectifs ont justement été définis en considération du mix énergétique français. Effectivement, au sein de l’engagement européen du protocole de Kyoto, la France avait l’objectif de stabiliser ses émissions entre 1990 et 2010 (+0%) et non de les réduire drastiquement. Si cet objectif peut sembler étonnant il provient du fait que l’empreinte carbone du mix énergétique français reste faible en raison de la forte place de l’énergie nucléaire en France.
En conséquence, selon l’annonceur, les allégations de l’association sont infondées.
Sur les émissions de SF6 (hexafluorure de soufre) des centrales nucléaires, la société soutient que si le SF6 ou hexafluorure de soufre est effectivement un gaz à effet de serre, l’association plaignante omet de préciser, dans sa plainte, que son utilisation n’est aucunement propre à l’industrie du nucléaire. Effectivement, ce gaz inerte au fort pouvoir isolant est utilisé dans toute l’industrie électrique pour éviter les courts circuits, les accidents et les incendies. Les parcs éoliens, en tant qu’installations de production de courant à haute tension, sont équipés, eux aussi, de disjoncteurs à isolation gazeuse SF6 au même titre que les centrales électriques, qu’elles soient alimentées par du charbon du gaz ou du combustible nucléaire. Il est donc intéressant de relever que la transition énergétique prônée par RSN qui souhaite, comme l’indique sa raison sociale, sortir du nucléaire, implique la multiplication de sites de production d’électricité qu’elle considère comme renouvelables (éoliennes, panneaux solaires) qui ne peuvent, en l’état se passer de SF6, faute d’alternatives. Dès lors, si le SF6 est effectivement un gaz à effet de serre, son utilisation est une nécessité pour l’ensemble de la filière en charge de la production d’électricité.
Le reproche de ces émissions à la seule filière nucléaire pour en tirer la conclusion d’une publicité trompeuse relève, selon l’annonceur, de l’absurdité et sera, en conséquence, écarté.
Sur les émissions en CO₂, la société indique notamment que certaines activités en dégagent des quantités considérables comme le charbon, d’autres nettement moins à l’instar du nucléaire ou de l’éolien, et qu’elle a instauré dès 2004 un programme de réduction de son empreinte environnementale grâce à une maîtrise intransigeante de ses émissions de CO₂, qui a abouti à des résultats très satisfaisants :
– concernant ses activités minières, les émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de 26 % par tonne d’uranium produite grâce à la mise en œuvre de nouveaux procédés industriels;
– concernant l’usine dédiée à la conversion de l’uranium, les rejets de gaz à effet de serre ont baissé de 80 % en raison notamment du renouvellement de son outil industriel de conversion ;
– sur le site dédié à la conversion et à l’enrichissement de l’uranium, la production de gaz à effet de serre a été réduite de 5 % de la production notamment grâce à la modification des installations de production de fluor et la mise en service de la nouvelle usine de conversion. Au total, entre 2004 et 2018, la consommation d’énergie a été réduite de 96 % ;
– concernant l’usine dédiée au recyclage des combustibles usés, les rejets de CO₂ ont baissé de 42 %, notamment grâce à l’utilisation privilégiée de l’électricité par rapport au fuel lourd dans l’élaboration de vapeur pour les besoins du site.
La stratégie climat de l’annonceur a permis une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 64% entre 2004 et 2015. Avec deux années d’avance, l’annonceur a dépassé son ambition initiale de réduire de 80% sa consommation d’énergie et de 50% ses émissions de CO₂ entre 2004 et 2020. Plus largement, les émissions en gaz à effet de serre de la filière nucléaire sont intégrées dans l’évaluation des émissions associées à la production d’électricité d’origine nucléaire, notamment par le GIEC. Dès lors, en intégrant toutes les émissions de gaz à effet de serre (sur l’ensemble du cycle et donc toute l’activité), les émissions de l’électricité d’origine nucléaire sont évaluées à 12 g CO₂/kWh selon le GIEC (soit 2 fois moins que l’hydraulique, 4 fois moins que le photovoltaïque, 40 fois moins que le gaz et 70 fois moins que le charbon).
Il résulte de tout ce qui précède qu’aucune des plaintes adressées à l’encontre de la campagne publicitaire de l’agence de communication n’est fondée.
– Lors de la séance du 6 mars 2020, la représentante de la société de diffusion de presse a rappelé que le contrôle exercé par le diffuseur avait pour objet de vérifier que le contenu de la publicité n’était pas manifestement excessif. Il s’agit de confronter les obligations des recommandations de l’ARPP aux principes de l’hyperbole acceptable en publicité. Dans cette appréciation de l’équilibre, la publication a été jugée acceptable, dès lors que les mentions conduisaient à considérer que la société contribue à ne pas accentuer le réchauffement climatique.
4. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle qu’aux termes des dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :
« 1.1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable.
1.3 Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées.
2.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose.
2.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion.
2.3 En particulier : (…) / b) Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif.
3.1 L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées.
3.3 Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP.
6.1 Les termes et expressions utilisées ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.
6.3. Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable…), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que « contribue à ».
6.4 Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur.
7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.
9.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :
c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement ».
Aux termes de l’article D1 « Présentation honnête et véridique » du code ICC, qui reprend les dispositions de l’ancien article E1 de ce code :
« La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas profiter abusivement de l’intérêt des consommateurs pour l’environnement ou exploiter leur éventuel manque de connaissance sur l’environnement.
La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation ou aucun traitement visuel de nature à induire en erreur les consommateurs de quelque manière que ce soit quant aux aspects ou aux avantages environnementaux de produits ou quant à des actions entreprises par le professionnel en faveur de l’environnement. Parmi ces pratiques figurent en particulier l’exagération d’attributs environnementaux, en présentant une amélioration marginale comme un gain majeur, par exemple, ou l’utilisation trompeuse de statistiques (…).
Toute allégation environnementale doit être pertinente pour le produit spécifique faisant l’objet de la promotion et se rapporter uniquement à des aspects qui existent déjà ou sont susceptibles d’être réalisés au cours de la vie du produit, y compris son élimination. Il convient d’établir clairement ce à quoi l’allégation se rapporte, par exemple le produit ou son emballage, ou l’un de leurs ingrédients spécifiques. (…)
Une allégation floue ou non spécifique sur une qualité environnementale, qui peut donner lieu à plusieurs significations pour les consommateurs, doit uniquement être formulée si elle est applicable, sans explicitation, à toutes les circonstances raisonnablement prévisibles. Dans le cas contraire, une allégation environnementale générale doit être, soit qualifiée, soit évitée. En particulier, une allégation telle que « respectueux de l’environnement », « sûr pour l’environnement », « vert », « durable », « sobre en carbone » ou autres allégations impliquant qu’un produit ou une activité exerce un impact nul — ou un impact positif seulement — sur l’environnement, ne doit pas être utilisée sans explicitation, excepté s’il existe un niveau de preuve très élevé. Aussi longtemps qu’il n’existe aucune méthode définitive généralement acceptée pour mesurer la durabilité ou confirmer son accomplissement, aucune allégation ne doit être formulée sur sa réalisation. »
Le Jury rappelle que la publicité en faveur de l’énergie nucléaire doit veiller à ne comporter aucune ambiguïté quant à ses incidences environnementales.
En premier lieu, le Jury relève que la publicité, diffusée dans la revue à la fin du mois de novembre 2019 et par voie d’affichage, montre le dessin stylisé, sur fond jaune, de deux tours de refroidissement d’une centrale nucléaire, desquelles s’échappe une fumée blanche, dans un décor boisé. En haut du visuel, apparaît en gros caractères le texte « nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète » puis, sous le dessin, en plus petits caractères, « La preuve : selon les chiffres du GIEC, le nucléaire émet 40 fois moins que le gaz. », « Et si on voyait le nucléaire autrement ? ». Au bas de l’image apparaissent le nom de l’annonceur et le renvoi vers plusieurs réseaux sociaux ainsi que vers la page du site.
Le Jury estime, tout d’abord, que la formule « nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète » qui ne contient aucune nuance, revient à énoncer que l’activité nucléaire ne réchauffe aucunement la planète. Or le Jury relève, en se fondant sur l’ensemble des éléments produits aux débats, que la production d’énergie nucléaire implique indirectement mais nécessairement des dégagements gazeux, en particulier dans la phase amont du cycle de production. Les éléments accompagnant la publicité sur le site de la société, notamment la phrase « C’est bien de la vapeur d’eau qui sort des tours de refroidissement de nos centrales ! », ne contredisent pas ce point.
Le Jury constate, en outre, que la phrase suivante du visuel « La preuve : selon les chiffres du GIEC, le nucléaire émet 40 fois moins que le gaz » renvoie à des données imprécises de « chiffres du GIEC » pour donner l’indication qu’une centrale nucléaire produit des émissions inférieures à celles provenant du gaz, mais non nulles. Cette formule ne démontre donc pas l’absence d’émission ni que le nucléaire ne réchauffe pas la planète et ne permet donc pas de lever l’ambiguïté de l’accroche.
Le Jury en déduit que l’allégation « nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète », en ce qu’elle n’est pas relativisée et suggère une absence totale d’impact négatif, n’exprime pas avec justesse les conséquences de la production d’énergie nucléaire. La publicité est donc de nature à induire le public en erreur sur la réalité écologique des actions de l’annonceur.
En second lieu, le Jury relève que les visuels diffusés par voie de presse renvoient expressément, par la mention, vers la page du site internet de la société qui présente les réponses apportées par la société à des « idées reçues », d’une part sur l’impact de l’énergie nucléaire en matière de gaz à effet de serre et d’autre part sur les possibilités de recyclage du combustible nucléaire. Le Jury considère que cette page fait partie de la publicité et qu’il est compétent pour se prononcer sur son contenu.
Le Jury estime que lorsque les informations contenues sur le site internet (telles que les allégations selon lesquelles « L’énergie nucléaire émet très peu de gaz à effet de serre. Le GIEC classe au niveau mondial le nucléaire parmi les énergies bas carbone, avec des émissions comparables à celles de l’éolien » et : « 95 % d’électricité décarbonée en France ») font une présentation en termes relatifs et non absolus des effets de l’action de la société edfou renvoient à des études en ce sens, elles sont conformes à la Recommandation « Développement durable ».
Le Jury constate par ailleurs qu’un encadré indique que « 96% du combustible nucléaire usé est recyclable », accompagné de l’image de trois conteneurs à recyclage intitulés « combustible nucléaire », « verre » et « plastique ». Il estime que cette partie de la publicité opère une comparaison suggérant que le recyclage des déchets résultant de la production d’énergie nucléaire est aussi aisé et répandu que celui des déchets plastiques ou de verre.
Le Jury considère qu’une telle comparaison crée une ambiguïté au regard de la réalité du recyclage effectif du combustible nucléaire qui ne porte que sur environ 1% des combustibles nucléaires usés et demande une technologie complexe.
Le Jury estime que la publicité est, à cet égard, trompeuse et de nature à induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur en matière de développement durable.
En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la campagne de publicité en cause méconnaît les points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP et de l’article D1 du code ICC .
Avis adopté le 6 mars 2020 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain et Drecq, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.