Avis JDP n°432 /16 – HYGIENE FEMININE – Plainte fondée

Avis publié le 8 novembre 2016
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 1er août 2016, d’une plainte d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur Internet, par une société fabricant une coupelle menstruelle.

Cette publicité consiste en un dessin de deux femmes marchant côte à côte. L’une présente un visage inquiet tandis qu’un gros chien proche d’elle renifle à hauteur du bas de son ventre, l’autre porte la main à sa bouche et sourit d’un air moqueur.

Le texte accompagnant cette image est : « Selon vous, qui utilise une X et qui utilise une serviette hygiénique ?… X, c’est seulement 12,99€ l’unité et 17,99€ les 2 !… Utiliser X, c’est « zéro odeur, zéro inconvénient » ! »

2. Les arguments échangés

– La plaignante énonce que cette publicité repose sur l’idée que les femmes qui ont leurs règles dégagent une odeur telle, qu’elles se font renifler par les chiens. Elle considère que ce visuel est « intolérable, humiliant, dégradant et sexiste ».

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 14 septembre 2016, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle explique que sa coupelle menstruelle, fabriquée en France depuis 2009, est une protection hygiénique féminine réutilisable, alternative aux tampons et serviettes hygiéniques et que cette publicité a été diffusée sur Facebook sur 2 jours, les 28 et 29 juillet 2016.

Elle indique que l’idée vient d’une de ses employées, « inspirée par une situation qu’elle a vécue bien plus d’une fois ». Selon elle, beaucoup de femmes ont estimé que ce dessin était drôle et certaines ont raconté qu’elles avaient connu cette situation.

Selon la société annonceur, cette publicité ne concerne pas toutes les femmes qui ont leurs règles mais seulement celles qui utilisent des serviettes hygiéniques lorsqu’elles les ont. Or ces serviettes émettent effectivement des odeurs si, par exemple, l’utilisatrice ne peut pas en

changer assez souvent ou si elle a une infection vaginale, etc. Plusieurs raisons peuvent provoquer ces odeurs mais la principale est que le sang présent sur les serviettes hygiéniques rentre en contact avec l’air, ce qu’évite la coupelle menstruelle qui garde le sang liquide à l’intérieur du corps. Elle ajoute que communiquer dans une publicité sur les odeurs provenant des serviettes hygiéniques utilisées pendant les règles, qui sont une évidence naturelle, n’est ni intolérable, ni dégradant.

La société indique aussi que le chien ne renifle par l’entrejambe de la femme mais que le dessin montre seulement qu’il sent une odeur lorsqu’il passe à proximité. C’est l’expression du visage de chaque femme qui donne la réponse à la question posée sur la publicité : « selon vous, qui utilise une X et qui utilise une serviette hygiénique ? »

Selon elle, aucun élément de cette publicité, dans l’illustration ou dans le texte, ne porte atteinte à la dignité, à la décence ou à l’image de la personne humaine. Elle n’avait bien évidemment pas pour but de heurter la sensibilité ou de choquer. Cette publicité ne représente pas non plus la personne humaine de façon dégradante ou humiliante.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose en son point 1.1 que :

« La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence. »

et au point 1.3 que :

« D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. »

Le Jury relève que la publicité mise en cause montre un chien s’approchant d’une femme et reniflant ostensiblement la zone de son entrejambe, cette image ayant pour objectif de signifier que les femmes utilisant la coupelle en cause n’émettent pas d’odeur durant leurs règles.

Si le Jury admet la difficulté exposée par la société annonceur quant à trouver la communication adéquate pour communiquer sur un sujet intime qui ne concerne que les femmes, il relève que le message délivré par elle induit l’idée que celles qui n’utilisent pas le produit vanté émettent des odeurs et plus précisément, des odeurs reconnues par les chiens. Il importe peu que l’animal tel qu’il est dessiné ne fasse que s’approcher et puisse être considéré seulement comme reconnaissant une odeur car cette seule présentation renvoie implicitement à une idée primaire d’animalité de la femme ayant ses règles, mais aussi à l’idée que les menstruations dégagent des odeurs désagréables ce qui constitue une stigmatisation dégradante pour les femmes.

Les explications apportées par la société sur le fait qu’elle ne ferait que s’appuyer sur une réalité et une situation connues par un certain nombre de ses collaboratrices n’est pas de nature à justifier ce que le message diffuse implicitement ou la façon dont il peut être ressenti, non seulement par les consommatrices, mais aussi par un public masculin.

Enfin, au regard de ce qui vient d’être précisé, il importe peu que la société annonceur ait été de bonne foi et n’ai pas entendu choquer, ce qui n’est nullement mis en doute par le Jury.

En conséquence, le Jury est d’avis que dans cette mesure, la publicité en cause n’est pas conforme aux dispositions précitées de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 7 octobre 2016 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Lieber, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Moggio, MM. Benhaïm, Depincé et Leers.