Décision publiée le 23.02.2011
Plaintes rejetées en partie
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu les représentants de la Fondation Brigitte Bardot, plaignante et de l’organisation professionnelle,
– et après en avoir délibéré, hors la présence des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 29 novembre 2010 de deux plaintes émanant de particuliers, puis le 6 décembre, d’une plainte de la Fondation Brigitte Bardot, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, de la campagne radio d’une organisation professionnelle, intitulée « Soyons ferme ! » et constituée de 10 spots.
Cette campagne, soutenue par les pouvoirs publics, est destinée à informer le public sur les filières d’élevage de bœuf, veau et porc.
2.Les arguments des parties :
– Les plaignants soutiennent que plusieurs spots de cette campagne constituent une désinformation concernant l’impact de l’élevage intensif sur l’environnement et la santé.
Ces spots sont constitués de l’interview par une présentatrice, Sandrine Quétier, d’un éleveur (homme ou femme) exerçant dans la filière concernée, à l’exception d’un, dans lequel l’interviewé est une nutritionniste.
Les spots concernés, les arguments des plaintes et les réponses apportées par l’annonceur seront détaillés dans le cadre de la motivation qui suit.
De façon générale, les plaignants et principalement la Fondation Brigitte Bardot, visent spécifiquement quatre spots et contestent la véracité de la présentation de la production française comme étant issue d’une agriculture familiale, respectueuse des animaux et de l’environnement. Le premier message critiqué porte sur l’alimentation des veaux, le deuxième, sur les qualités nutritionnelles de la viande, le troisième porte sur la question de l’élevage industriel et le quatrième sur les effets environnementaux de l’élevage des bovins.
– L’annonceur a expliqué l’objectif de la campagne qui doit se décliner en trente messages différents et doit permettre de répondre aux questions que les consommateurs se posent, ainsi que de les informer sur les réglementations et normes générales, notamment en matière d’élevage, pour qu’ils puissent faire des choix plus éclairés.
Il indique que cette campagne est initiée par l’ensemble des professionnels de la filière, de l’amont à l’aval, ainsi que par le Ministère de tutelle et un établissement public. Chacun des dix premiers sujets de ce programme, déjà diffusés sur trois radios, n’ont bénéficié que d’une durée de 45 secondes pour aborder les thématiques. Il est donc nécessaire de présenter les questions de la façon la plus pédagogique possible dans l’espace de temps accordé qui ne laisse pas place à toutes les nuances que l’on pourrait souhaiter.
Il ajoute que ces spots s’appuient sur des informations objectives et validées prenant pour base la réglementation et les pratiques courantes des professionnels mais nécessairement résumées compte tenu du format du message.
3.Les motifs de la décision du Jury
La Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose, notamment, que :
« La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable.» (1/1)
« L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité. » (1/4)
« Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose » (2/1)
« Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion » (2/2) ;
« Ils ne doivent pas être perçus comme une garantie totale d’innocuité si cette dernière ne peut être justifiée » (7/2) ;
« Si elle utilise des raccourcis simplificateurs à visée pédagogique, elle doit apporter au public les explications nécessaires, aux conditions définies par l’article 3-4 de ce texte ».
Sur le message relatif à l’alimentation des veaux :
Le message critiqué est le suivant :
« S. Quétier : René vous êtes éleveur. Alors lorsqu’on parle de veau on pense aussitôt à sa couleur blanche caractéristique, est-ce qu’il y a un savoir faire particulier ?
– René : Ben les veaux ce sont des animaux jeunes, notre savoir faire, c’est de bien s’en occuper avec soin et passer plusieurs fois par jour pour vérifier qu’ils vont bien, hein.
– S. Q. : OK René et vous les nourrissez comment ?
– R : Oh, c’est tout simple, hein, à base de produits laitiers parfaitement adaptés à leurs besoins. C’est pour ça d’ailleurs que la viande que nous produisons a cette couleur si claire.
– S. Q. : Et alors, c’est un métier que vous faites depuis longtemps ?
– R : Oh, oui hein, depuis trente ans, mais le métier a évolué, les règlementations européennes sur le bien être de l’animal sont arrivées. Les veaux sont en groupe et les bâtiments sont mieux adaptés. Les animaux sont bien et pour nous éleveurs, c’est essentiel.
– S. Q. : Eh bien merci de m’en avoir autant appris sur la viande de veau. »
La plainte de la Fondation Brigitte Bardot soutient qu’ « il est dit que la couleur blanche de la viande (production française) est obtenue par une alimentation à base de produits laitiers parfaitement adaptée à leurs besoins, ce qui est faux car après avoir été retiré à sa mère, le veau est nourri avec un mélange liquide pauvre en fer qui permet d’obtenir cette couleur anormalement claire de la viande. Le jeune animal anémié est aussi privé d’une alimentation solide dont il a besoin dès sa deuxième semaine. Pour éviter que la viande devienne rouge, ce ruminant élevé sur caillebotis n’a pas droit à l’herbe, trop riche en fer). (…) ne pouvant s’alimenter avec une nourriture adaptée à ses besoins, le veau est victime d’un développement anormal du Rumen qui constitue une grave entrave à son bien-être ».
Elle joint à sa plainte le témoignage de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), qui indique avoir quitté le comité d’éthique de l’organisation professionnelle en cause au motif qu’elle n’aurait pas été informée de la campagne, dont plusieurs des messages donnent, selon elle, des informations insuffisamment objectives. Sur le message critiqué, elle indique qu’il encourage des pratiques infractionnelles, car le respect de la législation en vigueur implique que soient donnés aux veaux d’autres aliments que le lait, afin qu’ils ne soient pas anémiés ; si la viande de veau est blanche, comme l’affirme le message, c’est que les veaux sont anémiés et que leur alimentation ne respecte pas la réglementation nationale et européenne.
L’annonceur fait valoir que, conformément à l’annexe 1 article 1 de la directive 2008/119/CE du Conseil européen, les veaux sont nourris à base de produits laitiers contenant en général 10 à 50 mg de fer par kg de matière sèche suivant le stade physiologique de l’animal et permettant d’assurer un niveau minimum de 4.5 mmol/l d’hémoglobine, que des prélèvements de sang sont régulièrement réalisés sur les veaux afin que le taux de ferretine soit toujours conforme au taux fixé par la réglementation communautaire. Chaque jour, le veau doit consommer une quantité de lait suffisante pour couvrir ses besoins de croissance, que ce soit du lait maternel, remplacé ou complété par un aliment d’allaitement préparé par l’éleveur.
Il ajoute que pour respecter la réglementation européenne, une alimentation solide est fournie aux veaux, composée généralement de fibres sous forme de bouchons ou de céréales aplaties. Ces apports tiennent compte de l’évolution physiologique du système digestif du veau.
Il précise encore que l’élevage en groupe et en bâtiments est également conforme à la réglementation applicable.
Sur le fait que l’aliment d’allaitement est pauvre en fer, l’annonceur relève que ce n’est pas une anomalie pour les raisons suivantes :
– Le lait est un aliment naturellement pauvre en fer avec un taux moyen de 6 mg par kg de matière sèche, ce taux moyen étant peu variable quelle que soit l’alimentation ou la génétique de la vache.
– L’aliment d’allaitement reproduit et va même au-delà de ce niveau. Il contient en général de 10 à 50 mg de fer par kg de MS suivant le stade physiologique du veau. Il permet d’assurer un niveau minimum de 4.5 mmol/l d’hémoglobine.
– Les éleveurs suivent de façon très précise le niveau de fer dans les aliments par deux moyens : le premier consiste à surveiller l’attitude et le bien-être du veau, le second consiste à réaliser à différents stades de vie de l’animal, des prélèvements sanguins pour suivre le taux de fer dans le sang des animaux et s’assurer que le niveau fourni ne génère pas de carence. En cas d’identification d’une carence, le veau concerné reçoit un apport complémentaire nutritionnel.
Le Jury relève que la directive 2008/119/CE du Conseil européen, établissant les normes minimales relatives à la protection des veaux, précise en son article 11 que « les veaux doivent recevoir une alimentation appropriée à leur âge et à leur poids en tenant compte de leurs besoins comportementaux et physiologiques pour favoriser un bon état de santé et leur bien être. A cette fin, l’alimentation doit contenir suffisamment de fer pour assurer un niveau moyen d’hémoglobine sanguine d’au moins 4,5 mmol/litre de sang et une ration minimale journalière d’aliments fibreux pour chaque veau âgé de plus de deux semaines, cette quantité devant être augmentée de 50 à 250 g. par jour pour les veaux de huit à vingt semaine.(…) ».
L’annexe 1 article 1 de la directive 2008/119/CE du Conseil européen, précise bien, ainsi que le soutient l’annonceur, que les veaux sont nourris à base de produits laitiers contenant en général 10 à 50 mg de fer par kg de matière sèche suivant le stade physiologique de l’animal et permettant d’assurer un niveau minimum de 4.5 mmol/l d’hémoglobine.
Il apparaît à la lecture de ces textes réglementaires européens qu’il est autorisé de nourrir les veaux de « produits laitiers » à la place du lait maternel, complété à partir de la deuxième semaine, d’aliments fibreux dont la nature, herbe, céréales ou autre n’est pas spécifiée.
Il n’est ni soutenu ni justifié par la Fondation Brigitte Bardot que ces recommandations ne seraient pas respectées dans leur totalité, notamment, en ce qui concerne les contrôles de taux de fer dans le sang et l’adaptation de l’alimentation au bien-être de l’animal.
L’assertion de la Fondation selon laquelle les animaux seraient anémiés et seraient privés de l’alimentation nécessaire à leur bien être n’est pas étayée d’éléments probants.
Enfin, la publicité qui vise la catégorie des viandes de veau en général et non certaines viandes de veau particulières correspondant à des spécificités bien précises, en se référant à une « viande blanche », ne fait qu’utiliser une appellation communément admise et précise ensuite qu’elle est « claire » laissant ainsi entendre qu’elle puisse être rosée. Elle n’incite à aucun comportement infractionnel.
La plainte n’est donc pas fondée sur ce point.
Sur le message relatif aux qualités nutritionnelles de la viande :
Cette plainte émane d’un particulier et n’est pas reprise par la Fondation. Elle soutient que « (…) la nutritionniste indique que les Français ne consomment pas assez de viande rouge (moins de 2 steaks par semaine) que manger de la viande est un coupe fin et fait maigrir et que cela n’est pas gras ». Elle précise que ce message « s’appuie sur une étude indiquant que les Français ne consomment pas assez du groupe viande/œuf/poisson et en conclut par un raccourci inexplicable qu’il faut donc manger plus de viande de boucherie, passant ainsi sous silence les autres aliments du même groupe ».
Le message critiqué est le suivant :
« – S. Quétier : J’ai l’impression que l’on mange de plus en plus de viande. Thérèse vous êtes diététicienne, qu’en pensez-vous ?
– Thérèse : En réalité, Sandrine, la consommation de viande en France a diminué. Pour le bœuf, par exemple, c’est seulement 2 steaks par semaine. On est loin de l’idée reçue selon laquelle on en consommerait tous les jours.
– S. Q. : Mais ça nous apporte quoi la viande ?
– T. : Eh bien c’est l’une de nos meilleures sources de protéines et de fer, qui sont des nutriments essentiels, et en plus la viande qui est très rassasiante est un élément anti-grignotage.
– S. Q. : Oui mais il faut manger moins salé, moins sucré et moins gras … La viande c’est pas trop gras ?
– T. : Encore une idée reçue, il y a des morceaux très maigres. Prenez par exemple le filet mignon de porc ou la macreuse à bifteck, ils n’apportent que 4 % de matières grasses.
– S. Q. : Merci Thérèse. C’est donc important de varier les morceaux lorsqu’on choisit sa viande. (…) »
La seule lecture du message permet de constater que la plainte porte contre lui des accusations infondées. En effet, il est seulement indiqué que les Français consomment moins de viande qu’autrefois contrairement à ce que l’on croit, sans émettre d’appréciation sur les effets bénéfiques ou néfastes de ce comportement alimentaire. Cette affirmation étant en outre justifiée par un rapport de l’AFSSA paru en février 2009 et produit aux débats (CF. notamment, p. 107).
Il est ensuite indiqué que certains morceaux particuliers ne sont pas gras, ce qui est reconnu. S’il n’est pas fait référence aux autres types d’aliments du même groupe, comme les œufs ou le poisson, ce qui s’explique aisément et légitimement pour un message d’information portant sur la viande, à aucun moment l’auditeur n’est incité à en consommer davantage.
Par ailleurs la phrase selon laquelle la viande qui est très rassasiante est un élément « anti-grignotage » est justifié par les termes d’une étude, produite aux débats, réalisée entre 2006 et 2009 par l’INRA pour l’annonceur en concertation avec l’AFSSA, et selon laquelle avec en moyenne 20% de protéines, toutes les viandes ont une teneur en protéines élevée qui varie peu d’un morceau à l’autre, cette valeur ayant un effet sur la sensation de satiété. Ceci n’est contesté par aucun élément sérieux de la plainte qui n’est donc pas fondée sur ce point.
Sur le message concernant le caractère familial de l’élevage des porcs en France
Le message est le suivant :
« – Sandrine Quétier : On entend parfois parler d’élevage industriel pour les porcs, Christelle vous qui êtes éleveuse, est-ce que c’est vrai ?
– Christelle : Non Sandrine ! ma ferme ce n’est pas une usine ! Moi j’élève mes cochons avec mon mari, mon frère et bientôt notre fils. Vous voyez bien, c’est un élevage familial comme partout en France
– SQ : – Alors vous êtes en train de nous dire que les éleveurs de porcs sont comme des artisans ?
– C : Absolument ! En France les élevages de porcs appartiennent encore aux agriculteurs, ce qui n’est plus le cas malheureusement dans beaucoup de pays. Tenez, chez moi j’ai 180 truies, c’est grosso-modo la moyenne française, alors qu’en Amérique, on trouve souvent des élevages de plus de 20 000 truies, rien à voir avec chez nous !
– S. Q. : Merci Christelle, ça valait le coup de le dire ! En France l’élevage des porcs est à taille humaine. »
La Fondation Brigitte bardot critique ce message en soutenant que plus de 90% des élevages porcins en France se pratiquent en bâtiment, que les animaux ont subi une caudectomie et une castration à vif, et qu’ils ne sortiront de leur hangar qu’au moment de partir à l’abattoir.
Sur le message en cause, l’OABA indique que l’élevage de porcs en France (25 millions) se fait à 90 % en bâtiments, sur caillebotis intégral avec castration, coupe des dents et de la queue. Le présenter comme n’étant pas industriel est donc exagéré.
L’annonceur fait valoir que le message n’évoque à aucun moment les conditions d’élevage des porcs en France mais explique que dans notre pays, la grande majorité des exploitations porcines est de type familial et donc « à taille humaine », ce qui représente une spécificité par rapport aux exploitations qui existent dans d’autres pays et qui font travailler des dizaines de salariés.
Le Jury relève cependant qu’il existe une inadéquation entre la question « On entend parfois parler d’élevage industriel pour les porcs, Christelle, vous qui êtes éleveuse, est-ce que c’est vrai ? » et la réponse « Ma ferme ce n’est pas une usine ! Moi j’élève mes cochons avec mon mari et bientôt notre fils. Vous voyez bien c’est un élevage familial comme partout en France », puis, suit l’affirmation selon laquelle l’élevage des porcs serait « artisanal ».
Or, le fait que l’élevage des porcs soit en France majoritairement effectué dans le cadre d’exploitations « familiales » ou de « taille familiale » ou à salariat réduit ne signifie nullement qu’il ne soit pas effectué de manière industrielle, c’est-à-dire, selon des procédés automatisés permettant d’élever ensemble une plus ou moins grande quantité d’animaux dans un espace restreint.
Le constat selon lequel les élevages en Amérique portent sur des quantités d’animaux bien plus importantes n’apparaît pas justifier que des procédés industriels ne soient pas utilisés à moindre échelle en France.
Le message par les termes qu’il utilise, entretient une confusion entre la structure de l’élevage et son mode d’exercice. Le constat que l’élevage serait en France majoritairement familial n’implique pas nécessairement qu’il se ferait selon des méthodes « artisanales » et non « industrielles ».
Le spot n’exprime donc pas avec justesse la réalité des actions vantées par l’annonceur ou les propriétés des produits. Il n’est justifié par aucun élément que les méthodes d’élevage porcin ne seraient pas industrielles.
Il contrevient en cela aux dispositions 1/1 et 2/1 de la Recommandation Développement durable.
Sur ce point la plainte de la Fondation Brigitte Bardot est fondée.
Sur le message concernant l’impact de l’élevage bovin sur l’environnement :
Le message est le suivant :
« – Sandrine Quétier : Marie vous êtes éleveuse, on entend dire souvent que l’élevage des bovins est mauvais pour l’environnement ? Info ou Intox ?
– Marie : Sandrine, je crois vraiment que notre mode d’élevage en France est mal connu. Tenez chez nous, il y a une centaine de vaches, c’est déjà plus que la moyenne.
Pour les nourrir nous avons des terres cultivées et 140 hectares de prairies sur lesquels les vaches pâturent à la belle saison.
– S. Q. : Mais quel rapport avec l’environnement ?
– M : Eh bien ces prairies comme les haies qui les entourent, abritent plein d’insectes, d’oiseaux et de mammifères, et çà c’est positif pour la biodiversité.
– S. Q. : Mais on dit aussi que les bovins produisent du méthane.
– M : C’est vrai et c’est d’ailleurs naturel, c’est l’effet de la rumination. Mais en broutant, nos vaches maintiennent les prairies, ce qui permet le stockage de carbone dans le sol, comme les forêts.
(…) »
L’un des plaignants particuliers et la Fondation Brigitte Bardot contestent l’argumentation selon laquelle en broutant l’herbe, les vaches maintiennent les prairies, ce qui permet le stockage du carbone dans le sol, comme les forêts.
La Fondation indique sur ce point qu’un rapport de la FAO intitulé « L’élevage aussi est une menace sur l’environnement » a signalé que le secteur de l’élevage émet des gaz à effet de serre qui seraient plus élevés que ceux produits par les transports.
Le secteur représenterait 37 % de tout le méthane dû aux activités humaines et 64% de l’ammoniac qui contribue aux pluies acides.
Elle ajoute que l’élevage est aussi responsable de l’appauvrissement des sols et de la mise en péril des réserves naturelles d’eau, la production d’un seul kilo de bœuf nécessitant 323M2 de pâturages, 7 à 16 kilos de grains ou fèves de soja et jusqu’à 15 500 litres d’eau. Elle en conclut que le secteur de l’élevage a donc une incidence directe sur le réchauffement de la planète, la pollution des sols, des nappes phréatiques et représente un terrible gaspillage puisque près d’un tiers des céréales produites mondialement est destiné à nourrir les animaux pour la production de viande.
L’autre plainte de particulier se borne à renvoyer à la critique formulée par M. Jancovici sur son propre site dénonçant l’impact écologique de la consommation de viande. Elle ajoute que « la production d’un kilo de veau nécessite près de 12 kilos de pétrole ».
L’annonceur oppose à ces critiques l’argument selon lequel elles véhiculent davantage une contestation de l’existence même de l’élevage animal qu’une critique ciblée des informations contenues dans les messages.
Il ajoute que le message a pour seul objectif de ne pas laisser persister dans l’esprit du consommateur l’idée fausse selon laquelle la présence des bovins dans les pâturages n’aurait qu’un impact exclusivement négatif sur l’environnement.
Il fait remarquer que l’éleveuse interviewée reconnaît que les bovins, par l’effet de la rumination, rejettent du méthane dans l’air et explique que leur présence a aussi un effet positif sur le stockage de carbone par les prairies. Il précise que cette affirmation s’appuie sur une étude réalisée par l’institut de l’élevage en partenariat avec l’INRA et l’ADEME, qui conclut que :
« – Le stockage de carbone sur les prairies permet de contrebalancer en partie les émissions de gaz à effet de serre,
– L’apport modéré d’azote organique (engrais, déjections) accroît la séquestration du carbone,
– La quantité de carbone stockée par la prairie permettrait globalement de compenser la quantité de méthane émise par les animaux valorisant cette même prairie,
– Les systèmes prairiaux contribuent également à rendre d’autres services éco-systémiques tels que la régulation des cycles d’eau et la contribution à la préservation de la biodiversité et des paysages. »
Concernant la biodiversité des prairies, l’annonceur renvoie à un article rédigé par des chercheurs de l’INRA qui décrit l’élevage des herbivores comme « occupant une place prépondérante dans la préservation de la diversité biologique. Les différents couverts et éléments paysagers exploités par les éleveurs (25 % du territoire français sont en effet, le principal réservoir de biodiversité des écosystèmes continentaux tempérés. D’autant que les éleveurs d’herbivores gèrent souvent, en plus de leurs surfaces agricoles, des espaces ayant un rôle de régulation écologique (bois bosquets mares, zones humides …) (…) ».
Le Jury observe que les plaintes appuient leurs critiques sur des éléments, qui, en dehors du rapport de la FAO mentionnant les gaz à effet de serre produits par la rumination des bovins, ne sont pas des documents officiels et n’émanent pas d’experts reconnus en matière de développement durable. De plus l’affirmation selon laquelle l’élevage des bovins serait responsable de « 64% de l’ammoniac qui contribue aux pluies acides » n’est étayée par la production d’aucun élément.
Il ressort en revanche du rapport produit par l’Institut de l’élevage associé à l’INRA et l’Ademe, dont la crédibilité et l’objectivité n’ont pas été mis en cause par les plaignants que si « l’agriculture est une source significative d’émission de gaz à effet de serre (GES), elle détient d’indéniables atouts pour les réduire, à la fois par la baisse des émissions gazeuses et par sa capacité à séquestrer le carbone dans les sols, notamment via les prairies ».
Ce rapport indique que « la dynamique du carbone dans le sol dépend des pratiques de gestion des prairies qui peuvent avoir un effet sur les conditions physico-chimiques du milieu et de la protection organique du sol (…) » mais reconnaît toutefois que « le pâturage permet un meilleur stockage du carbone que la fauche via un apport direct en matière organique par les déjections et moins d’importation de carbone du fait de l’herbe résiduelle ».
Le Jury observe que ce rapport émet de multiples de réserves, relevant, notamment, des questions d’intensité de l’élevage ou des comportements particuliers des éleveurs, mais affirme néanmoins que de récents travaux européens confirment le rôle de la prairie comme « puits de carbone », et que « Exprimée en équivalent CO2, la quantité de carbone stockée par la prairie permettrait globalement de compenser la quantité de méthane émise par les animaux valorisant cette même prairie ».
L’article des experts de l’INRA, produit par l’annonceur témoigne, pour sa part, de ce que la question de la sauvegarde de la biodiversité est prise en compte comme étant un enjeu majeur pour les exploitations. Il précise et que « Le maintien d’une diversité d’utilisation des surfaces au sein des exploitations d’élevage permet la co-existence d’états de végétation favorables à la fois à la diversité végétale et à l’entomofaune au sein d’une mosaïque ». Cet article ajoute que la sauvegarde de la biodiversité est désormais explicitement prise en compte dans l’attribution de la nouvelle prime herbagère agro-environnementale laquelle est accompagnée d’un dispositif de contrôle permettant un suivi des engagements.
Il ressort de l’ensemble de ces observations, que le message qui ne nie pas la production d’effets de serre par l’effet de la rumination, ne fait ensuite qu’émettre l’idée que « en broutant, nos vaches maintiennent les prairies ce qui permet le stockage du carbone dans le sol (…)» ce qui, selon les éléments rapportés ci-dessus, n’est pas inexact, mais aurait, cependant, au vu des réserves émises dans le rapport, mérité d’être nuancé par la référence à la façon dont la pâture est gérée par chaque éleveur.
Le Jury relève aussi qu’à la réponse de l’agricultrice est ajoutée « comme les forêts », ce qui induit l’idée d’une totale innocuité de l’élevage sur l’environnement, alors que le rapport et l’article scientifique cités démontrent que tel n’est pas encore le cas, et que l’accomplissement de progrès en ce sens dépend tant de la quantité de troupeau pâturant sur une même prairie, que de la conscience et de l’action des éleveurs en matière de respect de l’environnement.
En raison de ces réserves, le message délivré en termes trop généraux et sans renvoi à un moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations, contrevient aux dispositions des dispositions 1/1, 2/1, 7/2, 8/2 de la Recommandation Développement durable.
4.La décision du Jury
– Les plaintes sont rejetées en ce qu’elles concernent les messages relatifs à l’alimentation des veaux et aux qualités nutritionnelles de la viande ;
– Elles sont en revanche fondées en ce qu’elles portent sur les messages relatifs à l’élevage des porcs en France et à l’impact de l’élevage bovin sur l’environnement qui contreviennent pour le premier aux dispositions 1/1 et 2/1 de la Recommandation Développement durable, pour le second aux dispositions 1/1, 2/1, 7/2 et 8/2 de la même Recommandation ;
– Il est demandé au directeur général de l’ARPP de prendre les mesures nécessaires à la cessation de la diffusion de ces deux spots ;
– La décision du Jury sera communiquée aux plaignants, à l’annonceur, et aux sociétés de radio concernées ;
– elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le vendredi 4 février 2011 par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, Mme Drecq et MM. Benhaïm, Carlo, Leers et Raffin.