Avis JDP n°7/09 – FOURNISSEUR D’ELECTRICITE – Plainte fondée

Décision publiée le 24.04.2009

Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

 – après examen des éléments constituant le dossier de plainte ;

– après avoir entendu successivement la société annonceur et la société éditant le quotidien, support de diffusion ;

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 26 janvier 2009, d’une plainte émanant de l’association Réseau « Sortir du nucléaire », afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publication de huit pages intitulée « Atome, réacteur, stockage…tout comprendre du nucléaire » et qui comporte en en-tête la mention « Second cahier réalisé en collaboration avec X », diffusée dans un magazine d’actualité jeunesse.

2.Les arguments des parties

Le plaignant soutient que cette publication n’est pas conforme au principe d’identification de la publicité. Il indique qu’elle présente le nucléaire et le fonctionnement d’une centrale sous la forme d’un « Second cahier réalisé en collaboration avec X », mais qu’il s’agit, selon lui, d’un encart publicitaire « déguisé sous forme de rédactionnel », unilatéralement favorable à l’atome et au nucléaire, et donc de nature à induire en erreur le jeune public.

La société annonceur, fait valoir que le document en cause s’inscrit dans une série de trois dossiers parrainés par elle, mais réalisés par la rédaction du magazine d’actualité jeunesse, le premier sur l’énergie hydraulique, publié en juin 2008, le deuxième sur l’énergie thermique publié en septembre 2008 et le dernier sur l’énergie nucléaire, publié en décembre 2008.

Elle conteste que ces cahiers puissent être considérés comme des « encarts publicitaires » ou du « publi-rédactionnel ». Ils sont des suppléments du magazine d’actualité jeunesse, conçus par la rédaction de celui-ci, avec le soutien et l’expertise de l’annonceur, dans un but informatif et pédagogique. Ces suppléments mettent en perspective les différentes énergies, dont l’énergie nucléaire parmi d’autres, ainsi que les métiers associés. Les lecteurs étant abonnés, ont tous reçu l’ensemble des cahiers et ont donc eu l’information dans sa globalité.

La société fait encore observer que les dossiers mettent clairement en exergue par leur forme et leur contenu qu’ils ont été conçus par les équipes du magazine d’actualité jeunesse et réalisés en collaboration avec l’annonceur conformément à la pratique de ce journal pour ses dossiers thématiques.

Il indique enfin que, lorsque des insertions publicitaires sont demandées par l’annonceur au magazine d’actualité jeunesse, elles sont clairement identifiées comme telles.

Lors de la séance, la société annonceur a précisé qu’il existe une convention de partenariat financier entre elle et la société éditrice aux termes de laquelle était prévu le financement de 12 insertions publicitaires identifiées, qui lui donnait, en outre, l’accès à un certain nombre d’opérations de débat et de communication organisées par la société éditrice. Elle a précisé qu’il était en conséquence normal qu’elle soit citée dans le cadre des textes développés dans les cahiers.

La société éditrice du magazine d’actualité jeunesse fait valoir qu’elle est une entreprise indépendante qui a créé 3 journaux quotidiens d’actualité pour enfants. Les 8 pages du journal sont envoyées tous les jours aux abonnés, 5 jours par semaine. Régulièrement, des dossiers thématiques sont réalisés dans le magazine d’actualité jeunesse sur des sujets variés (métiers, littérature, histoire, sciences…) en faisant appel à des partenaires pour bénéficier de leur expertise et/ou de leur aide financière pour la fabrication de ces suppléments.

Outre la confirmation des indications données par l’annonceur, elle précise que les trois « seconds cahiers thématiques » consacrés à l’énergie ont été réalisés librement par ses journalistes, pigistes réguliers, aucune contrainte n’ayant été imposée de la part du partenaire.

Elle précise n’avoir jamais reçu de remarques ou plaintes de la part des enfants ou de leurs parents, ni de la part des enseignants abonnés et ce, quel que soit le partenaire.

3.Les motifs de la décision du Jury

La Recommandation  Identification de la publicité de l’ARPP reprend dans son préambule les dispositions de l’article 9 du Code de la CCI stipulant que « La communication de marketing doit pouvoir être nettement distinguée en tant que telle, quels que soient la forme et le support utilisés ; lorsqu’une publicité est  diffusée  dans des médias qui comportent également des informations ou des articles rédactionnels, elle doit être présentée de telle sorte que son caractère publicitaire apparaisse instantanément et l’identité de l’annonceur doit être apparente. 

La recommandation de l’ARPP poursuit « Il est d’ailleurs fait obligation aux annonceurs, agences ou supports-presse de faire figurer les mots PUBLICITE ou COMMUNIQUE d’une manière claire et lisible en tête de toute annonce présentant les caractéristiques d’une publicité rédactionnelle, si cette annonce est payée. »

Le Jury relève que la nécessité de distinguer la publicité du contenu rédactionnel est fondamentale pour garantir la loyauté à l’égard du consommateur/lecteur et relève du respect de l’obligation de pleine transparence due par la publicité au public. L’utilisateur de médias doit en effet pouvoir distinguer clairement les contenus qui sont de la responsabilité de la rédaction et ceux qui sont financés par des tiers pour leur promotion.

En vertu de ce principe, l’éditeur de magazine a la responsabilité de permettre à ses lecteurs, en fonction de leur degré d’expérience et de connaissance, de comprendre que le contenu rédactionnel bénéficie de la participation financière d’un annonceur.

Le Jury constate également que si la règle impose les notions de « Publicité » ou « Communiqué » pour éviter que les publicités soient susceptibles d’être confondues avec le contenu rédactionnel, la pratique courante est plus souple et admet les notions de « Publi-communiqué », « Publi-reportage », « Publi-information » comme étant équivalentes.

Le Jury relève que le cahier de huit pages mis en cause, s’il ne fait pas explicitement la promotion de l’annonceur, mentionne toutefois l’entreprise à plusieurs reprises, fait connaître l’ampleur de son activité, la promeut comme étant le premier producteur mondial d’électricité nucléaire et un employeur important, renvoie au site web dédié au recrutement de cette entreprise. Il en résulte que le cahier en cause constitue à tout le moins une entreprise de communication pour l’annonceur et en l’espèce pour son activité en matière d’énergie nucléaire.

Par ailleurs, le partenariat financier, bien qu’expliqué confusément par l’entreprise et l’éditeur n’est pas contesté.

La publication en cause constitue donc bien une publicité.

Dans de telles conditions, en vertu de l’obligation de transparence rappelée ci-dessus, l’éditeur se devait de permettre à ses lecteurs d’identifier précisément le caractère publicitaire du cahier thématique. A cet égard, le Jury estime que la mention « en collaboration avec X » est ambiguë et de nature à conduire le lecteur à penser que la participation de l’annonceur est limitée à une aide technique. Elle est insuffisante pour permettre au lectorat jeune et inexpérimenté, auquel s’adresse la revue, d’identifier le caractère publicitaire de l’opération.

En conséquence le Jury estime que la publication en cause constitue une publicité et que celle-ci ne respecte pas les dispositions de la Recommandation déontologique « Identification de la Publicité ».

4.La décision du Jury

– La plainte est fondée.

– La présente décision sera communiquée à la plaignante, à l’annonceur et à la société éditrice

– Elle sera publiée sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Délibéré le vendredi 3 avril 2009 par Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, suppléant la présidente empêchée, Mme Drecq, et Ms. Benhaïm, Carlo, Lacan, Leers et Raffin.