Avis publié le 8 novembre 2016
Plaintes non fondées
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance,
- et, après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. Les plaintes
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 27 juillet 2016, de deux plaintes de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée sur Internet, sur la page Facebook de la marque, en faveur de sa gamme de produits dépilatoires.
Ces publicités présentent trois situations imagées montrant, en parallèle, deux femmes – l’une épilée, l’autre non – dans les transports publics, à la buvette, ou au camping. Dans chacune de ces situations, la femme non épilée apparaît terne, gênée, n’osant pas s’exprimer et n’attirant pas l’attention des hommes, tandis que l’autre femme est représentée comme étant bien dans sa peau, séduisante, s’exprimant avec assurance, à l’aise dans ses gestes et son comportement.
Le texte accompagnant la première image est : « Grâce à X, soyez à l’aise pour lever les bras, même dans les transports et profitez jusqu’à 28 jours de douceur ». Celui accompagnant le visuel du camping est : « Pour être au plus proche de la nature, utilisez les bandes de cire froide X avec 90 % d’ingrédients d’origine naturelle. Elles laissent votre peau remarquablement douce … »
2. Les arguments échangés
– L’un des plaignants énonce que ces différents visuels vantant les mérites de la cire froide en cause présentent des scènes de comparaison dans lesquelles les femmes non épilées semblent être seules et éprouver un sentiment de honte ou de tristesse. La marque leur oppose des femmes satisfaites, entourées socialement uniquement par des hommes qui apparaissent approuver et valider le fait qu’elles soient épilées. Ces visuels présentent des scènes se déroulant dans une forêt, dans un bar et dans les transports en commun, soit dans une multitude de situations qu’une femme peut rencontrer dans sa vie courante.
Le plaignant fait également remarquer que les hommes sont représentés avec une pilosité faciale qui, elle, n’a pas d’incidence sur leur attitude et que le visuel situé dans la forêt reproduit la même notion d’approbation et de lien social avec des animaux sauvages.
Il ajoute que la marque entretient ainsi deux injonctions dangereuses par ses choix éditoriaux : une vision de la société où les femmes doivent se plier à certaines pratiques esthétiques pour pouvoir s’intégrer socialement et une vision de la société où les hommes ont un rôle de contrôle et de validation des comportements féminins dans l’espace public. Par extension cela renforce l’appropriation de l’espace public par les hommes.
L’autre plaignant énonce que cette publicité fait preuve de sexisme, faisant passer le message qu’une femme ne peut être heureuse qu’épilée (de préférence avec le produit X), alors qu’une femme qui n’est pas épilée serait forcément honteuse. Il estime que cette campagne impose un diktat physique aux femmes, le sommet étant atteint dans le visuel où ce sont des hommes qui sont en position de juger l’apparence des femmes.
Il précise que la pression sociale sur les femmes quant à leur apparence est dangereuse, en particulier pour les jeunes femmes, les adolescentes et même les petites filles. Elle est également le premier pas vers l’asservissement des femmes au plaisir visuel des hommes, et partant, peut également être nocive aux hommes, aux adolescents et aux petits garçons, les poussant à considérer les femmes comme des objets de décoration.
– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 14 septembre 2016, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle explique tout d’abord qu’elle est respectueuse du choix des femmes et ne souhaite pas imposer une quelconque soumission à la nécessité de s’épiler. Elle affirme ne pas considérer l’épilation comme une condition nécessaire au bonheur et à l’épanouissement des femmes.
L’objectif de sa communication sur Facebook est d’exposer le bénéfice « douceur et longue durée » des cires de la marque en mettant en comparaison le ressenti des utilisatrices de plusieurs méthodes de dépilation. Elle explique avoir voulu comparer, dans des situations similaires, des femmes qui ont pu utiliser des méthodes de dépilation différentes. L’image de gauche met en scène une femme ayant utilisé un rasoir quelques jours auparavant alors que l’image de droite présente une femme ayant utilisé les cires de l’annonceur quelques jours auparavant.
L’axe principal de communication dans ces posts Facebook est donc de représenter la tranquillité d’esprit induite par une épilation longue durée par rapport aux situations d’inconfort qu’une méthode de dépilation aux effets moins efficaces à long terme pourrait engendrer.
La société annonceur fait valoir que ces publicités s’adressent à une audience très spécifique, qui est par ailleurs sa clientèle directe, à savoir les femmes qui n’aiment pas avoir de poils visibles et qui peuvent se sentir mal à l’aise et peu confiantes dans certaines situations du quotidien pour le cas où elles en auraient (comme à la plage par exemple).
Le but de ces publicités est ainsi de montrer aux femmes qui ont l’habitude de se raser, avec une touche d’humour, que d’utiliser des bandes de cire froides leur permet de répondre à leurs attentes et de libérer leur esprit en assurant jusqu’à 28 jours de douceur.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose en son point 1 que :
« La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence. »
Il relève que la publicité mise en cause présente dans diverses situations des femmes non épilées et d’autres qui le sont, les femmes épilées apparaissant épanouies, souriantes et attrayantes pour les hommes, et pour les animaux dans le visuel du camping, tandis que celles qui ne le sont pas apparaissent seules, délaissées et tristes.
Cette présentation repose sur un stéréotype qui voudrait que les femmes épilées soient plus attractives que celles qui ne le sont pas. Toutefois, dans le cadre d’une campagne de communication pour un produit dépilatoire, les visuels en cause apparaissent seulement valoriser le produit concerné sans toutefois être dégradants pour les femmes qui souhaitent ne pas s’épiler. S’ils véhiculent une image stéréotypée de la femme, celle-ci n’apparaît toutefois ni instrumentalisée ni dévalorisée.
En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité, objet de la plainte, est conforme à la disposition précitée de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.
Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.
Avis adopté le vendredi 7 octobre 2016 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Lieber, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Moggio, MM. Benhaïm, Depincé et Leers.