Avis publié le 01 mars 2016
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations ;
- Après avoir entendu les représentants de l’annonceur, présents à la séance ;
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 15 décembre 2015, d’une plainte émanant d’une association de défense des consommateurs, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une affiche publicitaire pour la société annonceur proposant une offre tarifaire associée à l’obtention d’un téléphone portable de marque.
La publicité montre le téléphone posé sur une main tendue gantée de blanc.
A côté de l’appareil un encadré comporte le texte publicitaire suivant : « …. et tout s’accélère – … revient à 0€ ». Sous cet encadré, figurent les mentions explicatives « – Exclu clients box. Soit 99,99€ en magasin – 99,99€ remboursés sur demande avec un forfait ….. Engagement 24 mois. + 8€/mois pendant 24 mois ».
Au bas de l’annonce sont inscrites les mentions obligatoires prévues pour la publicité en faveur des services téléphoniques, ainsi que des précisions concernant certaines des mentions explicatives énoncées ci-dessus.
2. Les arguments échangés
– L’association plaignante considère que cette publicité n’est pas conforme à la Recommandation « Publicité de prix », car le prix annoncé est incompréhensible.
– La société annonceur fait valoir que cette publicité s’inscrivait dans le cadre de ses promotions de Noël et mettait en avant un téléphone qui revenait, pour les « clients Box », à 0 euro en magasin s’ils souscrivaient un forfait « …. » (soit 99,99€ en magasin – 99,99€ remboursés sur demande) et, s’ils acceptaient de souscrire à la facilité de paiement qui leur était proposée, d’un montant de 8 euros par mois pendant 24 mois.
Dans l’encadré, il était spécifié que le mobile « revient à 0€ », le verbe « revenir » ayant été choisi par opposition à « est à 0€ » car le mobile revient en effet, au final, à 0€ pour la partie qui est habituellement réglée en magasin, puisque les 99,99€ sont ensuite remboursés.
A cela s’ajoutent les 8€/mois pendant 24 mois au titre de la facilité de paiement, ainsi que cela est explicité sous l’encadré en gras. Les compléments d’information relatifs à ces offres sont ensuite spécifiés dans les mentions rectificatives.
L’annonceur ajoute qu’il convient à cet égard de noter que cette communication reprend les pratiques de certains de ses concurrents ; pratiques qui semblent n’avoir posé aucun problème particulier, puisqu’elles sont réitérées chaque année à l’approche de Noël. Cette présentation d’un prix d’achat du terminal mobile, hors facilité de paiement, n’est donc pas une pratique isolée de la société mais est communément déclinée par nombre d’opérateurs.
Dans ce contexte, l’annonceur s’étonne d’être mise en cause, sur un marché tel que celui de la téléphonie mobile, sur lequel règne une concurrence acharnée entre les opérateurs, et sur lequel chacun des acteurs est à l’affut des offres et des pratiques mises en œuvre par ses concurrents. Il explique n’avoir fait que suivre un mécanisme publicitaire mis en œuvre par ses concurrents et avoir pensé de bonne foi que cette présentation était autorisée.
3. L’analyse du Jury
La Recommandation « Publicité de prix » de l’ARPP rappelle en préambule que le code sur les pratiques de publicité et de communication commerciale de l’ICC (Chambre de commerce internationale) contient des dispositions générales, reconnues par l’ensemble des professionnels. L’une d’entre elles énonce, en principe de base, que « Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique » (Article 1 – Principes élémentaires). Il est aussi rappelé dans cette partie que le même code dispose que : « La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment en ce qui concerne […] la valeur du produit et le prix total à payer par le consommateur” (Article 5 sur la Véracité) ».
A la suite de ces principes la Recommandation énonce que :
« Présentation du prix
(…)
1.2 Intelligibilité, clarté et transparence
L’intelligibilité des mentions suppose, notamment, une formulation permettant d’en appréhender le sens sans difficulté et de manière non erronée.
Il sera, notamment, porté attention au respect des principes suivants :
– un langage simple, direct, précis et non équivoque
– une structure de phrase claire et simple
La superposition excessive des mentions qui pourrait nuire à la clarté et à l’intelligibilité des publicités doit être évitée.
Les différentes mentions énoncées dans une publicité ne doivent pas présenter de caractère contradictoire entre elles (…) ».
Le Jury relève que la publicité indique que l’appareil proposé « revient à 0 € », cette mention étant inscrite en gras et en très gros caractères puisque la taille du 0 est à peu près de la moitié de la taille du téléphone qui est positionné à côté.
Les mentions qui suivent l’encart précisent les conditions de l’offre dont il ressort, ainsi que l’ont confirmé les représentants de l’annonceur, d’une part, que le client paie 99,99 euros en boutique lors de la souscription, somme qui lui sera remboursée sur sa demande et à la condition de s’abonner à un certain forfait, d’autre part, 8 euros par mois pendant 24 mois, soit un total de 192 euros. La société explique qu’il s’agit là d’une facilité de paiement.
Il s’en déduit que l’appareil ne revient en aucun cas à 0 euro, mais à 192 euros, dans le cas où le client demande le remboursement de la somme payée en magasin de 99,99 euros. L’utilisation du verbe revenir au lieu du verbe être ne change rien à cette présentation inexacte, puisque le premier renvoie, dans le langage populaire, à un montant déboursé au total, lorsque l’on peut établir une addition et/ou une soustraction d’un certain nombre de coûts et d’avantages.
Cette présentation qui fait apparaître en très gros caractères la mention 0 euro, alors que le prix payé par le souscripteur de l’offre est en réalité de 192 euros, est directement de nature à induire en erreur le consommateur et le fait que la mention « 8 euros par mois pendant 24 mois » soit, elle aussi, inscrite en gras ne réduit nullement ce risque. Le Jury relève à ce sujet qu’elle est inscrite en caractères réduits dans le pavé des diverses mentions explicatives, sans attirer particulièrement l’attention du public.
Lors de la séance, la société annonceur a montré aux membres du Jury des publicités de certains de ses concurrents, en soutenant que ceux-ci utilisent le même mécanisme de présentation, depuis plusieurs années, selon elle. Toutefois, une seulement de ces publicités repose sur le même mécanisme avec usage du verbe revenir et de la valeur 0 euro, une autre présente la valeur 1 euro. Ces publicités n’ont pas fait l’objet de plaintes et le Jury n’a en conséquence pas été conduit à les examiner. Les autres messages soumis ne sont, contrairement à ce que l’annonceur a indiqué, pas présentés selon le même mode et n’ont, eux non plus, pas fait l’objet de plaintes. En tout état de cause, l’existence de « précédents » n’est pas de nature à constituer un principe de validité au regard des règles déontologiques.
En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité sus-mentionnée ne respecte pas les dispositions des articles 1 et 5 du code ICC et 1.2 de la Recommandation « Publicité de prix » de l’ARPP.
Avis adopté le vendredi 5 février 2016 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mmes Moggio et Drecq, MM. Benhaïm, Lacan et Leers.