Avis JDP n°307/14 – MOBILIER – Plaintes non fondées

Décision publiée le 02.04.2014
Plaintes non fondées                           

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu la représentante de l’association Les Chiennes de garde, les représentants de l’agence de communication et le directeur général de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP),

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties et de l’ARPP,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi de plusieurs plaintes émanant de particuliers et de l’association Les Chiennes de garde les 18, 19, 22 et 24 janvier afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité télévisée en faveur des canapés commercialisés par la société annonceur.

Le film publicitaire, intitulé « Les hyènes », met en scène trois hyènes, installées sur un canapé, criant sous l’œil d’un scientifique, immédiatement suivi d’une séquence montrant à la même place trois jeunes femmes riant aux éclats.

Le discours prononcé énonce : « Chez X, on teste nos canapés pour être sûr qu’ils vous offrent de vrais bons moments de  détente. X, nous savons faire des canapés, vous saurez les aimer ».

2.La procédure 

Conformément à l’article 14 du règlement intérieur du Jury de déontologie publicitaire, seuls les cinq premiers plaignants, par ordre d’arrivée des plaintes, ont été invités à se présenter lors de la séance.

3.Les arguments des parties

Les plaignants considèrent que cette publicité véhicule des préjugés néfastes, sexistes et humiliants à l’égard de la femme, puisqu’elle procède à une comparaison directe entre les femmes et les hyènes. Or, ces animaux sont des charognards associés à l’idée de laideur, de puanteur, de sournoiserie et de cruauté, et dont le cri, proche d’un ricanement humain, est déplaisant.

Cette publicité aurait pu éviter l’écueil du sexisme et rester dans l’humour en mettant en scène un groupe mixte sexuellement, rigolant sur le canapé. A cet égard, les autres films de la campagne publicitaire, qui mettent en scène un adolescent, un père de famille et son fils, et une famille nombreuse, ne sont en rien dégradants pour l’image de la personne humaine.

L’agence de communication qui a conçu la campagne, rappelle que le spot mis en cause fait partie de cinq films développés par l’agence depuis 2011 pour promouvoir les canapés de la marque.

L’objectif de la campagne est avant tout de mettre en avant certaines qualités des produits du client d’une façon originale et populaire, et sur un ton humoristique, sans volonté de provocation, en faisant un parallèle absurde entre des tests saugrenus pratiqués par un laboratoire avec des animaux et certaines catégories de consommateurs. L’agence, qui se dit embarrassée par les plaintes alors que la campagne était dépourvue d’arrière-pensée polémique, souligne à cet égard que le film a toujours été diffusé simultanément à d’autres, permettant ainsi d’en saisir d’autant plus le caractère humoristique et décalé.

Il ne s’agit nullement, comme le suggère certaines plaintes, de mettre en avant certains traits désagréables des hyènes, comme leur côté méchant, mais uniquement de faire un parallèle entre leurs rires et celui des jeunes femmes passant un agréable moment entre amies.

L’agence signale enfin que ce film a été conçu et soutenu par une majorité de femmes.

Le Syndicat représentant les chaînes de télévision précise que ce film a été diffusé par les chaînes qu’il représente dès lors qu’il a reçu un avis favorable de l’ARPP.

L’une des chaînes de télévision fait valoir que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP impose le respect  de la dignité et de la décence de la personne humaine. Elle rejette tout élément lié aux stéréotypes sexuels, sociaux et raciaux, ainsi qu’aux situations de soumission, de dépendance et de violence.

Le spot litigieux s’inscrit dans une série de messages publicitaires faisant ressortir avec humour le sérieux supposé des tests d’un fabricant de canapé soucieux d’en vérifier le confort, la solidité et l’adéquation aux besoins de ses différents utilisateurs.

Ces tests sont ainsi réalisés par des animaux censés représenter, à travers leur transformation en êtres humains, différents types de comportements : une otarie pour un adolescent avachi, une portée de lapereaux pour une famille nombreuse, un bélier pour un enfant volontairement maladroit…

Le spot avec les hyènes ne stigmatise pas  un comportement spécifiquement féminin, mais cherche seulement à représenter l’une des utilisations possibles, parmi d’autres, d’un canapé : être ensemble pour rire et converser. En aucun cas l’anthropomorphisme de ce spot ne recourt à un stéréotype représentatif d’un groupe social ou ethnique.

En outre, aucun des autres points mis en exergue par la Recommandation dont s’agit ne se trouve ici enfreint : il n’y a ni atteinte à la dignité ou à la décence, ni nudité, posture ou attitude dégradante ou humiliante, ni réduction à l’état d’objet ou d’infériorité, ni valorisation d’un comportement d’exclusion ou d’intolérance, pas davantage qu’une situation de soumission ou de dépendance des femmes, de domination ou d’exploitation, voire de violence, explicite ou suggérée.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique qu’elle est intervenue dans le cadre d’un premier conseil préalable délivré à l’agence, en mars 2012.

Elle a, à ce titre examiné plusieurs projets de films, dont le message intitulé « Les Hyènes ». Sur ce point, elle a appelé l’attention de l’agence sur la nécessité de « ne pas créer trop de promiscuité entre les comportements des hyènes et des personnages ».

Lors de l’examen du spot, qui a été soumis une fois réalisé, et lors de la soumission du film pour une nouvelle vague de diffusion, il a été retenu que :

  • Il est fait, à l’évidence, un parallèle entre le cri des animaux et le rire des femmes qui leur succèdent sur le canapé ;
  • Il n’y a pas pour autant de stigmatisation de la femme en général, ni par rapport à un trait de caractère spécifique, ni par leur aspect physique : en effet la hyène est un animal qui apparaît, dans l’imaginaire collectif, comme inesthétique et repoussant alors que cette publicité met au contraire en scène 3 belles jeunes femmes heureuses et complices. Il n’y a donc pas de comparaison avec la hyène visant à dévaloriser la femme ;
  • ce film doit être lu dans le contexte d’une campagne plus globale dont le ton résolument humoristique apparaît clairement.

Dès lors, ce film publicitaire a pu être, tout comme les autres messages de la campagne, considéré comme conforme aux dispositions déontologiques et juridiques en vigueur et validé sans restriction.

4.Les motifs de la décision du Jury

La Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP dispose en son point 1/3 que : « D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine ». Le point 2 relatif aux « Stéréotypes sexuels, sociaux et raciaux » prévoit que : « La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son appartenance à un groupe social, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. L’expression de stéréotypes, évoquant les caractères censés être représentatifs d’un groupe social, ethnique, etc., doit tout particulièrement respecter les principes développés dans la présente Recommandation. »

Le Jury rappelle à titre liminaire que les conditions dans lesquelles une publicité a été réalisée sont sans incidence sur l’examen auquel il lui appartient de procéder quant à sa conformité aux règles déontologiques en vigueur. Ainsi, la circonstance que le film publicitaire litigieux ait été conçu par des femmes ne saurait entrer en ligne de compte dans l’appréciation qu’il porte sur le respect des dispositions précitées de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.

Le Jury considère que ces dispositions ne proscrivent pas tout parallèle entre les animaux et les êtres humains, mais seulement ceux qui donneraient de ces derniers et, en particulier, d’un groupe social identifiable, une vision dégradante ou humiliante, qui porteraient atteinte à la dignité humaine ou qui cautionneraient l’idée d’infériorité.

La publicité litigieuse dresse un parallèle, qui se veut fictif et humoristique, entre trois hyènes et trois jeunes femmes assises successivement à des places identiques dans un canapé de la marque. Ce parallèle est toutefois circonscrit à ce positionnement et aux sons émis par les unes et par les autres, qui renvoient à la satisfaction associée au confort de ces canapés. Le choix des hyènes peut ainsi s’expliquer par la proximité notoire entre leur cri et un rire humain, en cohérence avec les autres spots de la même campagne publicitaire comparant l’affalement d’une otarie et celui d’un adolescent, la percussion d’un bélier et celle d’un enfant à vélo, ou encore le foisonnement de lapins et celui des membres d’une famille nombreuse. En revanche, il n’est fait aucune allusion, dans le physique ou le comportement des femmes représentées, auxquelles aucun propos n’est prêté, aux caractéristiques physiques ou aux « traits de caractère » parfois associés à ces animaux, notamment à la sournoiserie, à la férocité, à la lâcheté ou à la cruauté mentionnées par les plaignants. Au surplus, leur rire franc lui-même ne correspond pas au « ricanement » qu’évoque le plus souvent le cri de la hyène. Par suite, ce spot, pas plus que ceux qui font partie de la même campagne, ne peut être regardé comme réduisant un groupe social ou une catégorie de consommateurs à des animaux.

Dans ces conditions, si le Jury conçoit que le parallèle en cause puisse déplaire à une partie du public, il considère qu’il ne donne pas une vision dégradante ou humiliante des femmes, ne porte pas atteinte à la dignité humaine et ne cautionne pas l’idée d’infériorité de la femme.

Il résulte de ce qui précède que la publicité en cause n’est pas contraire aux dispositions précitées de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.

5.La décision du Jury

– Les plaintes sont rejetées ;

– La présente décision sera communiquée aux plaignants, à l’annonceur, à l’agence, ainsi qu’aux chaînes de télévision concernées et au SNPTV ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du Jury de déontologie publicitaire.

Délibéré le vendredi 14 mars 2014 par M. Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio, et MM. Benhaïm et Depincé.