Avis JDP n°284/13 – ASSURANCES – Plaintes fondées

Décision publiée le 28 novembre 2013
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plaintes,

– et, après en avoir délibéré dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 20 septembre 2013, de plaintes d’un particulier et de l’Association Les Chiennes de garde, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité d’une société d’assurances, pour promouvoir une de ses offres.

La publicité en cause, diffusée sur la page Facebook de l’annonceur, montre une femme, assise sur le devant d’une voiture dont le capot est ouvert. Très maquillée, elle est vêtue d’un tee-shirt noir découvrant ses épaules, d’un short court et de bas noirs. Elle tient à la main une clé anglaise.

Sous l’image, le slogan énonce « Il y a d’autres moyens de faire baisser son devis ».

2.Les arguments des parties

Les plaignants font valoir que cette publicité est sexiste et dégradante pour l’image de la femme.

L’Association Les Chiennes de garde ajoute qu’elle met en représentation deux stéréotypes sexistes, selon lesquels les femmes ne savent pas réparer une voiture et utilisent leurs charmes pour obtenir des avantages.

La société fait valoir que la promotion de la diversité et de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, ainsi que la prévention des discriminations, constitue un enjeu prioritaire pour elle, ce dont témoignent les nombreuses actions qu’elle a développées tant au sein de l’entreprise que dans sa communication externe.

Elle explique que la page Facebook s’inscrit dans un dispositif global de communication à destination des 18-29 ans, lancé par la société d’assurances en mai 2013, qui a pour objectif d’accompagner et conseiller les jeunes au moment de leur prise d’autonomie. Cette cible étant peu sensible aux questions d’assurances, elle a pris le parti de s’inscrire dans leur quotidien, tout en caricaturant les situations les plus banales, qui sont exagérées volontairement par un ton et des visuels délibérément décalés.

Pour ce qui concerne le visuel de la jeune femme, critiqué par les plaintes, elle explique s’être inspirée des réclames des années 50 et de ses pin-up caricaturales aux allures figées, dans lesquelles les jeunes femmes d’aujourd’hui ne peuvent en aucun cas se reconnaître. Ce décalage assumé avec la modernité des produits et services d’assurance lui a paru intéressant en ce qu’il alliait esthétisme et impertinence. Son propos ne se voulait en aucune manière dégradant pour l’image des femmes, ni sexiste.

La société indique qu’elle a réalisé, à la suite des plaintes, que la publication concernée était susceptible de heurter la sensibilité d’une partie du public et qu’elle a été supprimée.

Elle s’engage à plus de vigilance à l’avenir.

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose :

Au point 1-3 que « D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures (…) etc., attentatoires à la dignité humaine ».

Au point 2-1 que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».

Le Jury relève que la publicité visée par les plaintes met en scène une jeune femme représentée selon les codes des « Pin’up » utilisés dans les années 50. Cette image érotisée est accompagnée d’un slogan qui suggère sans ambiguïté que les femmes usent de stratagèmes de séduction pour « faire baisser les prix ». Cette publicité utilise ainsi comme faire valoir commercial une image de la femme réduite à une fonction d’objet sexuel qui contrevient aux dispositions précitées. Il importe peu à cet égard que l’intention de l’annonceur n’ait pas été de donner une image dégradée des femmes.

L’idée selon laquelle la représentation livrée dans ce message est une référence à un passé dans lequel les jeunes femmes actuelles ne pourraient se reconnaître est insusceptible de justifier le non respect de la Recommandation, puisqu’elle continue à véhiculer des stéréotypes humiliants pour les femmes, qui demeurent encore vivaces.

4.La décision du Jury

– Les plaintes sont fondées ;

– La publicité en cause contrevient aux points 1.3 et 2.1 de la Recommandation Image de la Personne Humaine ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre toutes mesures de nature à assurer le non renouvellement de cette publicité ;

– La décision sera communiquée aux plaignants et à l’annonceur ;

– Elle sera publiée sur le site du JDP ;

Délibéré le 6 novembre 2013, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mme Moggio, et MM. Benhaïm, Carlo, Lacan et Leers.