Avis JDP n°278/13 – VÊTEMENTS DE SPORT – Plainte non fondée

Décision publiée le 23.10.2013
Plainte non fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants du plaignant et de la société annonceur,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 11 juillet 2013, d’une plainte d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une vidéo publicitaire diffusée sur internet relative à la compétition de surf féminin X Pro Biarritz 2013.

La vidéo publicitaire montre une jeune femme blonde, de son réveil jusqu’à l’entrée dans l’eau pour son entraînement de surf, en passant par son trajet jusqu’à la mer et la préparation du matériel. Les différentes images sont centrées uniquement sur le corps de la femme, sans jamais révéler son visage.

2.Les arguments des parties

La plaignante indique que cette vidéo a été diffusée sur Internet par la marque de vêtements de sport féminins et reprise sur le site internet de nombreux médias nationaux et internationaux. Elle ajoute qu’elle totalise plus de 1,8 millions de vues sur Youtube.

Cette popularité s’explique, selon elle, par le caractère sexiste de la publicité dans un contexte très décrié d’hyper-sexualisation des surfeuses. Le corps de la femme, qui joue sur le stéréotype de la blonde sensuelle, est ainsi représenté exclusivement comme un objet de désir, ce que renforce l’absence de plan sur son visage et de toute référence à ses performances sportives. Le lien avec le produit promu est particulièrement ténu, la compétition annoncée à la fin de la vidéo apparaissant plutôt comme un prétexte pour offrir une représentation érotisée de la surfeuse, avec l’utilisation des codes et des clichés des films érotiques (lenteur des mouvements, poses lascives, scène de douche, les draps blancs suggérant l’hôtel voire la prostitution, et les gros plans sur les fesses, les jambes, la poitrine…).

Pour la plaignante, cette vidéo est d’autant plus dégradante que la jeune femme filmée est en réalité Stéphanie Gilmore, quintuple championne du monde de surf, réduite ici à un simple objet sexuel, qu’il s’agit pour le spectateur de découvrir, comme l’indique le titre de la vidéo « #WhoAmIJustGuess » (qui suis-je ? devinez !).

Elle conclut que cette publicité représente ainsi une atteinte à la dignité de la femme, qui n’est présentée non pas pour ses qualités sportives mais pour ses qualités à satisfaire les fantasmes masculins. Elle est ainsi tout à la fois aliénante et avilissante.

L’annonceur fait valoir que la marque a mis en ligne le 2 juillet 2013 sur son site Internet un « teaser » annonçant la compétition de surf « X PRO 2013 » qui devait se dérouler du 10 au 14 juillet 2013 à Biarritz.

Cette campagne publicitaire en deux actes visait principalement à annoncer l’arrivée de la quintuple championne de surf, Stéphanie Gilmore, dans l’équipe de surfeuses de la marque. Dans une première vidéo, la surfeuse mise en scène était filmée de telle sorte qu’elle ne pouvait être identifiée avec certitude. Dans la seconde, diffusée moins d’une semaine après, le visage de Stéphanie Gilmore était révélé et la championne était filmée en « action » par des séquences de surf. Cette séquence, qui doit s’apprécier dans sa globalité, était directement liée à un jeu gratuit intitulé « WhoIamjustguess » (« Devinez qui je suis »).

L’annonceur précise que la marque est l’une des premières marques au monde dédiée au surf féminin, créée en 1991 et qui promeut l’image de la femme dans les sports nautiques et de glisse, traditionnellement présentés comme masculins. Peu d’images de surfeuses émergent en effet de cet univers et, de manière générale, le sport féminin reste largement négligé dans les médias. A ce titre, la société n’entend pas se limiter à une présentation des performances sportives de championnes, mais entend les replacer dans leur quotidien en valorisant leur féminité, que celles-ci n’abandonnent pas en pratiquant leur sport. En témoignent les nombreuses publicités mettant en scène des célébrités du sport féminin, comme Laure Manaudou ou Ana Kournikova.

S’agissant du contenu de la vidéo visée par la plainte, la société fait valoir qu’elle n’est contraire à aucune règle déontologique en vigueur et, en particulier, à celle qui proscrit de réduire le corps de la femme à la fonction d’objet. Au contraire, la jeune femme, qui se dévoile progressivement comme surfeuse, est pleinement actrice de son quotidien et, en l’occurrence, de son entraînement sportif. La nudité utilisée n’est pas excessive et elle est largement inévitable compte tenu du sport en cause. Aucune scène, notamment celle de la douche, ne porte atteinte à la décence. Au demeurant, le spot, dont la réalisation revêt un caractère artistique, a été validé par Stéphanie Gilmore elle-même.

3.Les motifs de la décision du Jury

La Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP dispose, notamment, dans son point 1/1 que « La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence ». Le point 2 relatif aux « Stéréotypes sexuels, sociaux et raciaux » prévoit en outre que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».

Le Jury précise à titre liminaire, en réponse à l’argumentation de l’annonceur, que la circonstance que la personne représentée dans la publicité ait donné son accord préalablement à sa diffusion ne saurait justifier une méconnaissance des règles déontologiques en vigueur et, en particulier, de celles qui se rapportent à l’image de la personne humaine. En outre, la conformité d’une publicité à ces règles doit, de manière générale, être appréciée indépendamment d’autres publicités que le même annonceur serait amené à diffuser ultérieurement, fût-ce à brève échéance, et dont le public n’a pas nécessairement connaissance. Il n’y a donc pas lieu de tenir compte du second spot diffusé par la société, qui fait clairement apparaître l’identité du modèle.

Le Jury observe que la vidéo litigieuse représente une jeune femme dont l’identité n’est pas révélée et qui ne peut être reconnue par la grande majorité du public dans la mesure où son visage n’y apparaît pas. Il relève en outre que plusieurs plans mettent en valeur de façon relativement insistante différentes parties de l’anatomie du modèle, notamment ses fesses, ses jambes et sa poitrine.

Pour autant, le Jury considère, d’une part, que la publicité n’est pas susceptible de heurter la sensibilité ou choquer le public dans la mesure où la nudité représentée reste limitée et contextualisée, en particulier en ce qui concerne la séquence tournée à la plage. Contrairement à ce que soutient la plainte, cette publicité ne saurait en aucun cas être regardée comme faisant allusion, de manière directe ou indirecte, à la prostitution.

D’autre part, la représentation du corps de la femme apparaît en lien direct avec le produit promu, à savoir une compétition de surf féminin, qui est clairement annoncée à la fin du spot et à laquelle plusieurs allusions sont faites, en particulier par les manipulations successives de la planche de surf. En outre, ce spot vise également à présenter les différents sponsors de la compétition, en particulier la marque qui commercialise des vêtements pour femmes, ce qui renforce le lien avec le corps féminin, même si ceux portés par le modèle n’apparaissent pas tous comme des vêtements de cette marque. Enfin, la vidéo apparaît cohérente avec la réalité du quotidien d’une surfeuse professionnelle préparant une compétition. La seule circonstance que l’intéressée n’est à aucun moment filmée en train de surfer sur sa planche et que l’accent soit mis sur les préparatifs de l’entraînement, notamment, au réveil de la sportive, ne permet pas de considérer que la compétition annoncée constituerait un simple prétexte à une représentation érotisée de la femme, comme le soutient la plainte.

Dans ces conditions, le Jury considère que cette publicité ne réduit pas le corps de la femme à la fonction d’objet et ne méconnaît pas les dispositions précitées de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.

4.La décision du Jury

– La plainte est rejetée ;

– La publicité litigieuse ne méconnaît pas les dispositions de la Recommandation « Image de la personne humaine » ;

– La présente décision sera communiquée à l’annonceur et au plaignant ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du Jury de déontologie publicitaire.

Délibéré le vendredi 4 octobre 2013 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et  Moggio, MM Benhaïm, Carlo, Depincé et Lacan.