Décision publiée le 13.02.2013
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu les représentants de l’ARPP, intervenant, et de la société d’affichage,
– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 janvier 2013, d’une plainte d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur d’une salle de sport.
La publicité en cause, diffusée sur internet et en affichage, montre une femme souriante, intégralement nue, assise, une jambe et les bras repliés devant son buste.
Cette image est accompagnée du texte suivant « X, le sport bonheur » puis « 29€90/mois ma salle de sport Coach compris ».
2.Les arguments des parties
Le plaignant fait valoir que cette publicité est « dégradante, indigne et intolérable ». La femme présentée nue est réduite à un corps pour vendre un produit. Selon lui, la femme est utilisée comme un objet sexuel de commerce.
Il ajoute que cette publicité a également pour effet de renforcer les stéréotypes sexuels et sexistes. En représentant une domination d’un sexe par rapport à un autre, elle serait néfaste pour les relations entre les personnes.
La société annonceur, a indiqué qu’elle comprenait que le lien entre la nudité du modèle et son produit ne paraisse pas évident, mais que son intention était de valoriser la personne humaine par cette affiche.
Elle explique que, depuis les dix dernières années, elle s’est battue pour que tous et toutes puissent accéder à une salle de sport qui leur corresponde. Elle a ouvert cet univers à des hommes et des femmes qui n’osaient pas en franchir la porte. Parmi ses adhérents, une majorité n’a jamais pratiqué en salle de sport, beaucoup sont complexés par leur physique et peu se reconnaissent dans des modèles « photoshopés » qui sont utilisés par ses concurrents sur leur communication.
L’annonceur ajoute que par cette campagne, il a souhaité exprimer sa différence de point de vue en choisissant de mettre en avant une jeune femme ronde et fière de l’être.
Il précise que l’affiche a été exposée dans toute la France depuis septembre 2012 (soit plus de 200 faces) et qu’elle a donné lieu à de nombreuses félicitations d’adhérentes qui l’ont jugée très belle.
La société d’affichage indique que la publicité litigieuse a été retirée le 11 janvier 2013 à la suite de la réception d’une intervention de l’ARPP.
L’ARPP indique être intervenue auprès de l’annonceur le 10 janvier 2013 à la suite de la diffusion de cette campagne au motif que l’exploitation de la nudité de la femme dans ce visuel ne respectait pas la Recommandation Image de la Personne Humaine et, plus précisément, les dispositions selon lesquelles :
« La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence. »
« D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine ».
« La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet. »
L’ARPP a indiqué à l’annonceur que les engagements pris par l’interprofession publicitaire, qui a élaboré la Recommandation et qui lui a confié le soin de la faire respecter pour toutes les publicités quel que soit le support de diffusion utilisée, ont été réaffirmés en 2012 par la signature de la Charte sur le respect de l’image de la personne humaine dans la publicité signée par le Président et les membres du Conseil d’Administration de l’ARPP, qui représentent l’interprofession publicitaire et le Ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale.
Elle a demandé à l’annonceur de ne plus diffuser cette publicité sous ses formes actuelles.
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose :
Au point 1-3 que « D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures (…) etc., attentatoires à la dignité humaine ».
Au point 2-1 que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet » ;
Le Jury relève que les activités pratiquées en salle de sport ne sont pas dépourvues de liens avec la représentation du corps valorisant certaines qualités physiques ou suggérant, comme sur l’affiche en cause, l’épanouissement et le bien-être.
Toutefois, le recours à la nudité intégrale apparaît excessif au regard de cet objectif et doit donc être regardé comme étant sans lien avec l’activité promue.
En conséquence, le corps de la femme est ici réduit à une fonction d’objet de faire-valoir et de promotion. Ce procédé renvoie à des stéréotypes encore ancrés dans beaucoup d’esprits et n’est pas conforme aux dispositions déontologiques de la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP.
Le Jury considère donc que la plainte est fondée.
Il prend acte des décisions de retrait de la publicité en cause, prises tant par l’annonceur que par l’afficheur.
4.La décision du Jury
– La plainte est fondée ;
– La publicité en cause n’est pas conforme aux points 1.3 et 2.1 de la Recommandation Image de la Personne Humaine ;
– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre toutes mesures de nature à assurer le non renouvellement de cette publicité ;
– La décision sera communiquée au plaignant, à l’annonceur et à l’afficheur;
– Elle sera publiée sur le site Internet du Jury de déontologie publicitaire.
Délibéré le 1er février 2013, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio, MM. Carlo, Benhaïm, Depincé, Leers et Lacan.