Décision publiée le 26.09.2012
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– et, après en avoir délibéré,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 9 juillet 2012, d’une plainte d’un particulier, afin qu’il se prononce, sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité en faveur d’une société de matériel informatique, proposant une offre de reprise d’un ancien matériel informatique.
Ce visuel présente un homme debout, dénudé. Au bas de son buste est apposée une pancarte mentionnant : « Et si on pouvait tout échanger à neuf !».
Sur le côté est présentée l’offre avec le texte « Exclusif, X échange votre PC portable professionnel en panne contre un neuf !».
2.Les arguments des parties
Le plaignant considère que cette publicité porte atteinte à la dignité des hommes en les abaissant à une marchandise que l’on pourrait échanger.
La société d’affichage fait valoir que cette campagne a été affichée sur ses réseaux dans le métro parisien, en trois vagues qui se sont déroulées entre les mois d’avril et juillet 2012, ainsi que par sa filiale dans les gares parisiennes entre les mois de mars et juillet 2012.
Elle fait valoir que cette plainte est isolée, malgré un dispositif d’affichage de grande ampleur, et qu’elle n’a reçu aucune réclamation des usagers.
Cette plainte lui semble disproportionnée. En effet, la campagne a fait l’objet de plusieurs échanges avec l’annonceur, à l’issue desquels la société d’affichage a abouti au visuel critiqué par le plaignant.
L’annonceur indique que le visuel d’origine a été transmis pour avis à l’ARPP qui a confirmé son analyse. Après envoi à l’annonceur de l’avis de l’autorité, ce dernier a soumis à l’afficheur un visuel modifié en revêtant l’homme d’un short visible des deux côtés du bandeau mais reprenant le même texte que dans le bandeau précédent.
Ce visuel lui paraissant toujours aussi critiquable, elle demandé à ce que la parenthèse « en cas de défaillance » figurant sur le bandeau soit supprimée, ce qui permettrait de limiter la métaphore à une comparaison humoristique entre le jeune homme et le PC Professionnel, destinée à promouvoir l’offre de l’annonceur, et que cette comparaison ne revêtirait plus alors un caractère dégradant ni dévalorisant. Il ne pourrait plus être soutenu que le jeune homme soit réduit à la fonction d’objet sexuel. Il n’y aurait plus qu’une présentation décalée et humoristique sans volonté de réduire l’homme à la fonction d’objet sexuel. Ce visuel ainsi modifié par l’annonceur a donc été retenu pour l’affichage.
La société de matériel informatique France a été informée par courrier recommandé avec avis de réception, du 16 juillet 2012, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle fait valoir que la recevabilité de la plainte lui paraît discutable au regard du deuxième alinéa de l’article 11 du règlement intérieur du JDP qui prévoit qu’une plainte doit être clairement motivée. Or, en l’espèce, la plainte est réduite à une affirmation, sans démonstration visant à convaincre ses destinataires de son bien-fondé.
S’agissant de la sémantique de la publicité en cause, elle fait observer qu’il n’est fait utilisation d’aucun terme dégradant tant au sujet du modèle que des hommes en général. A l’inverse de ce qu’affirme le plaignant, l’accroche de l’affiche suggère au contraire l’idée selon laquelle l’homme représenté sur le visuel ne peut pas être échangé contre un autre, contrairement aux PC portables de la marque qui sont échangés en cas de panne contre un PC portable neuf.
S’agissant du visuel, l’annonceur rappelle que le modèle porte un caleçon noir de type boxer que l’on ne peut manquer de voir dépasser du bandeau gris.
Il ne fait donc aucun doute pour le public que ce dernier n’est pas entièrement dévêtu. Ainsi, l’intimité de la personne du modèle n’est ni montrée, ni même suggérée.
Le visuel de cette publicité ne comporte par conséquent aucune forme d’érotisme ni même d’indécence susceptible de heurter le public ou de porter atteinte à la dignité de ce dernier ou des hommes en général.
Le visuel ne repose en outre sur aucun stéréotype attaché à l’homme, le public peut simplement y voir un homme dépité mais en rien soumis. Dès lors, il est clair pour l’annonceur qu’à aucun moment l’homme n’est directement utilisé comme argument de vente. La situation décrite est celle d’un homme qui se retrouve dans une situation inconfortable du fait de son ordinateur en panne et qui comprend qu’il aurait du avoir recours au service « échange à neuf ».
La dérision et l’humour auxquels fait appel cette campagne transparaissent largement et sont de ce fait pour l’annonceur, très accessibles au public, habitué à les décrypter dans la publicité.
L’annonceur fait valoir également que cette campagne n’a pas suscité d’autre plainte que celle ayant conduit à la saisine du JDP.
Il précise toutefois que la diffusion sur internet et en affichage en gare et métro a cessé avant la fin du mois de juillet.
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose au point 2-1 que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».
Le Jury observe que, contrairement à ce qu’a fait valoir la société de matériel informatique, la plainte énonce que la publicité en cause « porte atteinte à la dignité des hommes en les rabaissant à une marchandise que l’on pourrait échanger ». Son fondement relatif à l’atteinte à l’image de la personne humaine est donc clairement exprimé et elle est, dans ces conditions, recevable.
Le Jury relève qu’il n’existe aucun lien entre la représentation dévêtue de l’homme et l’objet visé par la publicité, ni avec le service proposé par l’annonceur.
Ainsi que le Jury l’a déjà énoncé dans de nombreuses décisions consultables sur son site, ce procédé constitue une instrumentalisation du corps de l’homme le réduisant à la fonction d’objet et contrevient aux dispositions précitées.
4.La décision du Jury
– La plainte est fondée ;
– La publicité contrevient au point 2.1 de la Recommandation Image de la Personne Humaine ;
– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre toutes mesures de nature à ce que cette publicité ne soit pas renouvelée ;
– La décision sera communiquée au plaignant, à l’annonceur et à l’annonceur.
Délibéré le 7 septembre 2012, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mmes Drecq, Moggio, MM Benhaïm, Depincé, Lacan et Leers.