Décision publiée le 28.07.2011
Plaintes rejetées
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu successivement l’association plaignante Les Chiennes de garde, les représentants de la société annonceur et de l’ARPP,
– et après en avoir délibéré, hors la présence de l’ARPP et des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi à partir du 20 avril 2011 de plusieurs plaintes émanant de particuliers, ainsi que, le 18 mai 2011, d’une plainte émanant de l’association Les Chiennes de garde, portant sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’un film publicitaire télévisé, en faveur d’une boisson rafraichissante.
Le film télévisé met en scène plusieurs jeunes femmes vêtues de vêtements d’hiver, et dans des poses multiples, notamment dansant et chantant, dans le désert.
A la fin du spot, une voix de femme s’écrie : « Quand c’est chaud, il y a X ! ».
2.Les arguments des parties
– Les particuliers plaignants considèrent que ce message, qui met en scène des femmes dans des positions lascives et prenant des attitudes suggestives, présente un caractère érotique et indécent, les femmes mimant selon eux un acte sexuel, ce qui porte atteinte à l’image de la femme.
L’Association les Chiennes de garde ajoute que le rapprochement avec des clips musicaux n’est pas pertinent et ne peut, en tout état de cause, rendre acceptable des images qui ne respectent pas la dignité humaine.
– La société annonceur fait part de son étonnement quant à l’examen de sa campagne en raison de la réponse initialement adressée aux plaignants par le Jury et qui concluait que « La mise en scène ainsi utilisée, sous forme de chorégraphie en chanson, à la manière de certains clips musicaux dont le public est familier, contribue à distancier ce film de la réalité et dès lors, permet de rendre acceptable certaines postures de danse adoptées par les jeunes femmes. ».
Elle s’étonne également du fait que ce spot a fait l’objet de conseil et avis favorables de l’ARPP.
Sur le contenu du message, l’annonceur fait valoir que les jeunes filles présentées donnent une image qui n’est en aucune manière choquante. Elles sont libres, joyeuses et actives. A aucun moment elles ne peuvent être considérées comme dégradées, avilies, aliénées ou indignes. Elles ne sont pas non plus présentées comme des objets.
Le fait qu’une association puisse considérer que ce film fait référence à la pornographie ou à la prostitution est purement scandaleux et démontre sinon une méconnaissance, du moins un détournement malhonnête de ces notions.
L’annonceur renvoie à des décisions du Jury relatives à l’image de la personne humaine pour lesquelles les plaintes ont été rejetées.
Il résulte selon lui du bilan 2008 « Publicité et image de la personne humaine » de l’ARPP que l’indécence consiste en la « représentation d’un acte sexuel de manière suffisamment explicite pour choquer les plus jeunes » et que donc le film en cause ne peut entrer dans cette catégorie. En effet, les images diffusées s’inscrivent dans un courant très banalisé que l’on peut retrouver notamment dans les clips musicaux mais plus généralement dans de très nombreux programmes diffusés à la télévision.
La société précise enfin que suite à la saisine du Jury, elle a décidé de faire évoluer le film en cause pour en retirer les images qui ont pu choquer les téléspectateurs. Il ne s’agit cependant pas d’une reconnaissance d’une éventuelle responsabilité mais d’un souhait plus général de ne pas heurter le public.
– La chaine de télévision publique précise que ce message publicitaire n’a pas été diffusé sur les chaînes de télévision dont les espaces publicitaires sont régis par elle.
– L’ARPP précise qu’elle a bien examiné ce spot avant sa diffusion ainsi que de nombreux projets transmis par l’agence en charge de la campagne.
Elle indique que, par écrit, puis lors d’entretiens, elle avait soulevé différents points et rappelé notamment que la publicité devait respecter les règles de décence habituellement admises, à savoir, que les comportements et postures des femmes devaient conserver une certaine dignité. Plus précisément, concernant les danses, l’ARPP a déconseillé l’utilisation de barres, évocatrices de situations de strip-tease et demandé de supprimer des gros plans portant sur le postérieur d’une femme ainsi qu’une scène de danse trop explicite avec un radiateur.
L’ARPP souligne qu’elle est de façon générale particulièrement vigilante quant à l’exploitation de l’image de la femme en publicité.
Le principe de cette campagne lui est cependant apparu d’emblée acceptable, s’agissant d’une part d’illustrer l’extrême fraicheur que procure la boisson et d’autre part compte tenu du caractère particulièrement caricatural de la réalisation du spot (des femmes en tenue d’hiver évoluant dans le désert avec des objets dont la présence apparaît incongrue dans ce décor).
Aux différents stades de son conseil, elle a toutefois rappelé les principes déontologiques visant à protéger l’image de la femme en publicité et inscrits dans la Recommandation Image de la personne humaine de l’ARPP selon lesquels il est interdit de « réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet » et que « lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme dégradante. »
Sur un tout autre plan, elle ajoute avoir alerté l’agence sur l’absence de comportements contraires à l’environnement (véhicule circulant en milieu naturel) ou de gaspillage, et de comportement dangereux.
Un avis favorable a ainsi été délivré en avril 2011, sans restriction, ce film ayant été considéré comme conforme aux différents échanges ayant eu lieu avec l’agence de communication.
3.Les motifs de la décision du Jury
En ce qui concerne la première réponse faite par la présidence du jury aux plaignants :
L’article 12 du règlement intérieur du Jury de Déontologie publicitaire relatif à l’instruction des plaintes prévoit que « L’instruction du dossier est assurée par le secrétariat du JDP… Pour les plaintes recevables, le secrétariat réunit tous les éléments permettant de poser un diagnostic sur la conformité ou la non-conformité du message mis en cause avec les règles déontologiques de l’ARPP…. En cas de certitude sur la conformité à ces règles, en accord avec le Président du JDP, la plainte n’est pas soumise au JDP pour délibération. Une réponse en ce sens est, alors, immédiatement transmise au plaignant. ».
Ces dispositions qui organisent l’instruction des plaintes adressées au JDP sur la base d’un examen « prima facie » fait par le secrétariat et l’un des présidents du Jury ne sauraient faire obstacle à ce qu’une plainte, non admise lors de ce premier examen, soit portée devant le Jury réuni en formation collégiale dès lors que la demande en est faite par un plaignant en désaccord avec la première analyse faite sur la base de sa seule plainte par le secrétariat et l’un des présidents du Jury.
En ce qui concerne le bien- fondé des plaintes
Il résulte des règles déontologiques, notamment de la Recommandation Image de la personne humaine à l’article1.1 que « La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence. »
L’article 1.3 dispose que : « D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de son etc…attentatoires à la dignité humaine. »
Le Jury relève que la mise en scène, sous forme d’une chorégraphie à la mode des clips musicaux de jeunes femmes habillées de vêtements d’hiver, jouant avec des accessoires fournissant de la chaleur de type sèche cheveux ou radiateurs, le tout dans un décor désertique, afin de démontrer que grâce à la consommation de la boisson, elles ne craignent pas la chaleur, ne comporte aucune scène de nudité ou de posture sexuelle explicite, ni de représentation dégradante de la personne humaine.
Ainsi, si certaines positions de danse adoptées par les jeunes femmes peuvent apparaître suggestives, elles restent, eu égard au traitement adopté pour ce film, notamment son rythme, dans la limite de l’acceptable au regard des règles en vigueur.
Le Jury considère donc qu’il respecte les dispositions précitées.
Il prend toutefois note de ce que, à la suite des plaintes, ce spot a été modifié, ce dont la représentante des Chiennes de garde a pris acte en séance.
4.La décision du Jury
– Les plaintes sont rejetées;
– La décision du Jury sera communiquée aux plaignants, à l’association Les Chiennes de garde, à l’annonceur, à l’agence et aux services de télévision concernés;
– elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le vendredi 8 juillet 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Drecq et MM Benhaïm, Carlo, Leers et Raffin.