Décision publiée le 29.05.2009
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu la société afficheur, présente à la séance,
– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 11 mars 2009, d’une plainte émanant de Mme X, conseillère municipale à la ville de Nice et porte-parole d’un parti politique, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité diffusée par voie d’affichage et de presse, en faveur d’une foire régionale.
Cette publicité présente, selon les supports, la photo en gros plan, de la poitrine d’une femme dont le vêtement décolleté dénude les seins, sur cette photo est apposé le slogan « Tout ce qu’il faut, là où il faut ». Sur l’affiche, en vis-à-vis de la photo, figure celle du torse musclé d’un homme qui porte dans ses bras, un panonceau sur lequel est inscrit l’énoncé « Foire régionale » ainsi que les dates de début et de fin de cette manifestation.
2.Les arguments des parties
La plaignante considère que la superposition des clichés et du texte constitue une publicité équivoque et sexiste, qui réduit les corps à des objets en faisant appel à des stéréotypes tels que la « marchandisation » des corps et l’érotisation de la peau de couleur. Elle soutient qu’une telle présentation porte atteinte à la dignité humaine et plus particulièrement à celle des femmes.
L’annonceur indique que cette campagne a duré 10 jours et qu’elle est terminée depuis le 16 mars 2009. Il fait valoir que face au contexte économique, la foire a voulu, dans le cadre de sa campagne, rompre avec un certain classicisme et informer les visiteurs sur le fait qu’à la Foire régionale « il y a (effectivement) tout ce qu’il faut là où il faut pour construire, aménager, rénover, s’informer, se meubler, se restaurer ». Il ajoute que le thème principal étant «Moi et Ma Beauté», l’illustration proposée par l’agence de communication, conceptrice de la publicité, donnait une représentation de cette beauté masculine et féminine et n’avait pas pour objectif de choquer.
L’annonceur indique encore que l’affiche a été approuvée lors de son assemblée générale du 27 novembre 2008, à l’unanimité des membres présents et qu’elle n’a soulevé ni polémique, ni remarque.
Il a, en outre, présenté les explications de l’agence de communication qui fait valoir que les visuels critiqués ne constituent pas une discrimination, puisque l’homme et la femme y sont traités à égalité. L’agence ajoute que le visuel ne peut heurter la pudeur ou attenter à la décence et que le slogan choisi illustre, quant à lui, parfaitement, le concept de la foire régionale où chaque consommateur peut trouver tout ce dont il a besoin.
Le groupe de presse a transmis les mêmes observations que l’annonceur.
La société afficheur qui exploite l’un des supports de diffusion, indique que cette campagne locale a échappé à son dispositif de contrôle qui s’attache plus particulièrement aux campagnes nationales. Elle déplore cet incident et ajoute vouloir prendre des dispositions pour que « de tels errements ne se reproduisent pas à l’avenir ».
L’autre société afficheur a, par lettre, précisé n’avoir reçu aucune réclamation contre l’affiche qui ne comportait ni discrimination ni atteinte aux bonnes mœurs et ne troublait pas l’ordre public. Elle estime que le visuel de l’affiche est beaucoup moins suggestif que les campagnes nationales de lingerie féminine ou masculine.
L’ARPP a fait savoir qu’une publicité télévisuelle lui a été soumise pour avis avant diffusion et qu’elle a demandé des modifications au motif que le slogan associé à l’image contrevenait à la recommandation Image de la personne humaine, ainsi qu’à l’article 3 du décret du 27 mars 1992. Une version modifiée a ensuite été validée, les visuels posant difficulté ayant été supprimés.
3.Les motifs de la décision du Jury
La Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose, dans son point 1-3, que « d’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc…, attentatoires à la dignité humaine » et, dispose dans son point 2-1, que « la publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».
La publicité en cause associe, d’une part, le décolleté d’une femme laissant largement apparaître les seins avec la mention « tout ce qu’il faut, là où il faut », d’autre part, le buste particulièrement musclé d’un homme, lequel renvoie aux informations de date et d’évènement. Le Jury observe qu’aucune référence ne mentionne le thème « Moi et Ma beauté », allégué par l’annonceur et qui aurait éventuellement permis de justifier l’association des photos et du slogan à la manifestation qu’ils ont pour vocation d’annoncer.
Ces photos, ainsi que l’association de l’image féminine et du slogan « tout ce qu’il faut, là où il faut », donnent à l’ensemble du message un double sens en renvoyant, au delà de sa signification selon laquelle on peut tout trouver à la foire régionale, à des stéréotypes réducteurs concernant l’image de la femme et de l’homme sans lien pertinent avec l’objet du message.
Le Jury estime que cette association, présentée comme un argument de promotion d’une foire commerciale, réduit le corps de la femme et de l’homme à des fonctions d’objets et que la publicité en cause dans ses deux déclinaisons, presse et affichage, contrevient au point 2-1 de la Recommandation précitée.
Il considère en conséquence que la plainte est fondée.
4.La décision du Jury
– La plainte est fondée.
– La publicité de l’annonceur, conçue par l’agence de communication et diffusée par les sociétés afficheurs et la régie publicitaire du groupe de presse contrevient au point 2-1 de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.
– La présente décision sera communiquée à la plaignante, à l’annonceur, à l’agence de communication, aux sociétés afficheurs et à la régie publicitaire du groupe de presse. Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le vendredi 15 mai 2009 par Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, suppléant la présidente empêchée, Mmes Drecq et Moggio, et Ms Benhaim, Carlo, Leers et Raffin.