Avis JDP n°101/11 – APPAREILS DE CHAUFFAGE – Plainte fondée

Décision publiée le 23.03.2011
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

–  le plaignant et la société annonceur, absents lors de la séance, ayant été avertis de sa date par lettre recommandée avec avis de réception du 8 février 2011 et ayant fait connaître leurs observations par écrit,

–  et après en avoir délibéré,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 12 janvier 2011, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité diffusée sous forme de publipostage, en faveur de radiateurs électriques.

Un des encarts est intitulé « éco-responsable » et précise que l’utilisation de l’électricité pour produire du chauffage est un choix judicieux car il permet l’utilisation d’une énergie « inépuisable, propre, produite de manière autonome, très réglementée et maîtrisée ».

2.Les arguments des parties :

– Le plaignant fait valoir que cette publicité est de nature à induire en erreur les consommateurs dans la mesure où, en France, l’utilisation des énergies renouvelables ne représente que 15% de l’énergie utilisée. Il précise que l’énergie électrique ne peut être qualifiée de propre car le problème de l’élimination des déchets nucléaires n’est pas réglé et que l’électricité n’est pas une énergie autonome pendant les pics de consommation en hiver qui nécessitent l’importation d’électricité dont la production est le plus souvent réalisée à partir d’énergies fossiles. Il ajoute que son coût n’est réglementé qu’en théorie.

Selon lui, tous les acteurs indépendants de l’énergie et les associations liées à l’environnement démontrent que le chauffage électrique n’est pas écologique et ce, quel que soit l’appareil utilisé pour les raisons suivantes :

– un mauvais rendement global si l’on ajoute, aux pertes de rendement du chauffage, les pertes lors de la production d’électricité et les pertes le long du réseau de distribution de l’électricité,

– des pointes de consommation très fortes en hiver qui entraînent, soit un parc de centrales nucléaires surdimensionné pour absorber les pointes, soit la mise en route de centrales d’appoint thermiques car l’électricité n’est pas stockable (contrairement aux autres modes de chauffage). Ces centrales thermiques au gaz ou au charbon sont émettrices de CO2.

– une production d’électricité en France qui n’est ni propre ni renouvelable dans sa grande majorité. La part des énergies renouvelables dans la production d’électricité doit représenter 15 à 20%, le reste étant produit par des centrales nucléaires qui produisent de l’électricité à partir d’uranium importé. Ces centrales produisent certes peu de CO2 mais polluent néanmoins tout au long de la chaîne de production et par le stockage des déchets radioactifs.

– L’annonceur précise que l’électricité est une énergie d’avenir et indique s’être engagée dans « l’éco-responsabilité » car en plus des radiateurs, elle installe des panneaux solaires et, depuis peu, de l’isolation en laine de coton.

La société fait valoir que le terme « éco-responsabilité » n’a d’ailleurs pas de définition claire, ni d’existence officielle qui serait juridiquement opposable à quiconque l’utiliserait. Elle ajoute que les consommateurs ne sont ni naïfs ni ignorants, qu’ils comprennent la publicité et savent parfaitement que chaque société vante les mérites de ses produits et n’attachent pas une importance exagérée à chacun des mots utilisés.

Enfin la société fait observer qu’elle n’a pas utilisé l’expression « Développement Durable » et qu’elle n’est donc pas liée par la Recommandation y afférente.

Elle précise que si le Jury estime que le terme « éco-responsable » est à même d’induire  en erreur ou de pénaliser les consommateurs, elle est prête à prendre en compte sa décision et à utiliser une proposition telle que « contribue à » conformément au point 6/3 de la recommandation précitée.

3.Les motifs de la décision du Jury

La Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP dispose, notamment, que :

1/1 La publicité ne doit pas induire en erreur le public sur la réalité des actions de l’annonceur, ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable.

1/4 L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité.

2/1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose.

Le Jury observe que la Recommandation Développement durable s’applique à toute publicité qui, en utilisant l’argument écologique pour la mise en œuvre des produits, les valorise auprès du public au titre général du développement durable.

Il relève que l’énergie ne peut être qualifiée d’ « inépuisable », dans la mesure où l’essentiel de ses modes de production utilisent, à l’heure actuelle, des ressources épuisables, y compris l’uranium. L’affirmation dans la publicité en cause que l’électricité serait une énergie inépuisable est donc de nature à induire le public en erreur sur les propriétés des produits.

Par ailleurs, le message en cause procédant par affirmation, n’apporte aucune réserve à la qualification de « propre » de l’énergie électrique, dont les modes de production, comme l’indique la plainte, ne sont pas tous unanimement reconnus comme tels et posent, pour certains, des difficultés encore non résolues à ce jour.

 

Dans ces conditions, quand bien même il n’existe pas de définition juridique du terme « Eco responsable » lequel, jouant sur une ambiguïté entre les mots « économique » et  « écologique » induit l’idée que le produit est conforme à la protection de l’environnement, les termes utilisés dans le message sont de nature à induire le public en erreur sur la réalité des qualités vantées des produits qui ne sont pas justifiées par l’annonceur.

4.La décision du Jury

–  La plainte est fondée ;

– Le message publicitaire en cause méconnaît les dispositions 1/1 et 2/1 de la Recommandation Développement Durable ;

– Le Jury donne acte à la société de sa volonté, affirmée dans ses observations, de se conformer aux dispositions de la Recommandation sur le développement durable ;

– Si tel n’était pas le cas, il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre les mesures permettant de faire cesser cette publicité;

– La décision du Jury sera communiquée au plaignant et à l’annonceur;

–  Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 4 mars 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio, ainsi que MM. Benhaïm, Carlo, Lacan, Leers et Raffin.