Avis publié le 2 septembre 2024
APPLE IPAD – 1022/24
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 19 juin 2024, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Apple, pour promouvoir son offre de tablette numérique de marque Ipad.
La publicité en cause, diffusée sur le réseau social LinkedIn, présente l’image d’un enfant en train de filmer une autre enfant avec une tablette Ipad.
Le texte inscrit sur l’image est « L’iPad pour l’école. Taillé pour le porte-monnaie et le sac à dos ». Les textes accompagnant cette image sont : « l’iPad est conçu pour durer… bien après la dernière sonnerie. Autonomie longue durée pour tenir toute la journée. Assez léger (500 g) pour être emporté partout. Assez robuste pour résister aux aléas grâce à son design unibody en aluminium durable ».
La publication renvoie vers une page du site Internet de l’annonceur présentant le produit.
Au-dessous d’un pictogramme de couleur verte, représentant la planète Terre est inscrit « Préserver la planète pour les générations futures ».
Un paragraphe intitulé « Environnement » indique « Nous concevons des produits qui préservent l’environnement. En choisissant Apple, vous investissez dans des outils intuitifs, aussi bons pour les élèves que pour la planète. Apple est neutre en carbone depuis 2020. Et d’ici 2030, tous nos produits le seront aussi. Matériaux, énergie propre, justice environnementale : nous nous engageons à agir de façon inclusive en faveur des générations futures. En savoir plus sur Apple et l’environnement. »
Un lien intitulé « En savoir plus sur Apple et l’environnement » renvoie vers une autre page du site mentionnant « Apple 2030. Un plan aussi innovant que nos produits. Nous nous engageons à protéger la planète et à concevoir des produits que vous aimez. Avec le plan Apple 2030, nous concilions les deux. En nous concentrant sur les matériaux recyclés et renouvelables, l’électricité propre et les modes de transport bas carbone, nous nous efforçons d’atteindre la neutralité carbone sur l’ensemble de notre empreinte. Nous partageons nos progrès, ainsi que le travail qu’il reste à accomplir, pour vous permettre de nous accompagner dans ce projet. »
2. Les arguments échangés
– Le plaignant, Monsieur Mathieu JAHNICH, qui a indiqué avoir déposé sa plainte en tant que particulier, consultant en communication responsable et gérant de MJ Conseil, énonce que l’allégation « aluminium durable » n’est pas justifiée et devrait être relativisée. Aucune information sur la publicité ni sur la première page directement accessible depuis la publicité ne vient expliquer de quelle manière l’aluminium utilisé serait « plus durable » et par rapport à quoi (moyenne des produits du marché, précédent modèle de la marque ?). Cette allégation est donc contraire aux points 2 (véracité) et 7 (vocabulaire) de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
Concernant la page « Conçus par Apple. Pensés pour apprendre », les allégations « préserver la planète pour les générations futures », « des produits qui préservent l’environnement », « des outils aussi bons pour les élèves que pour la planète » ne respectent pas les points 3 (proportionnalité des messages) et 8 (vocabulaire) de la même Recommandation. Même si l’entreprise fait des efforts pour réduire les impacts environnementaux de ses produits, il est trompeur d’affirmer qu’ils n’ont aucun impact négatif voire un impact positif sur l’environnement.
En accompagnement de ces allégations très fortes, le pictogramme de couleur verte représentant la planète Terre contribue à induire le public en erreur sur les propriétés des produits de l’annonceur, en contradiction avec le point 8 de la Recommandation.
Quant à l’allégation « Apple est neutre en carbone depuis 2020. Et d’ici 2030, tous nos produits le seront aussi », on ne comprend pas bien comment l’entreprise pourrait être « neutre » mais pas ses produits. Cette allégation ne se conforme pas au point 9 de la Recommandation relative aux dispositifs complexes. Concernant la page « Environnement ». Sans entrer dans une analyse détaillée de l’ensemble des contenus de cette page, qui sont très nombreux et qui témoignent d’une volonté de l’entreprise de réduire son empreinte et de partager l’avancée de sa démarche, plusieurs allégations mises en avant dans le texte introductif posent question. Je signale en particulier l’affirmation « Nous nous engageons à protéger la planète » placée au tout début. Là encore, il s’agit d’une allégation disproportionnée par rapport à la réalité des impacts d’une telle entreprise. Elle ne respecte pas le point 3 de la recommandation DD.
– La société Apple a été informée, par courriel avec accusé de réception du 1er juillet 2024, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.
Elle n’a pas présenté d’observations.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :
- au titre de la véracité des actions (point 2) :
- « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
- 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
- au titre de la proportionnalité (point 3) :
- « 3.2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
- au titre de la « clarté du message » (point 4) :
- « 4.2 Si l’argument publicitaire n’est valable que dans un contexte particulier, ce dernier doit être présenté clairement.
- 4.6. Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée ».
- au titre du « vocabulaire » (point 7) :
- « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
- 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”».
- au titre de la « Présentation visuelle ou sonore » (point 8) :
- Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient.
- Ils ne doivent pas pouvoir être perçus comme une garantie d’innocuité si cette dernière ne peut être justifiée.
- Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur.
- Lorsque la publicité utilise un argument écologique, l’assimilation directe d’un produit présentant un impact négatif pour l’environnement à un élément naturel (animal, végétal, …) est à exclure.
- au titre des « Dispositifs complexes » (point 9) :
- Certains dispositifs reconnus peuvent reposer sur des démonstrations très techniques ou sur des montages complexes dans lesquels le bénéfice en matière de développement durable est indirect (ex. dispositifs dits “électricité verte”, “compensation carbone”, “Investissement Socialement Responsable”, etc.).
Lorsque la publicité fait référence à ce type de dispositif :
-
- Elle doit veiller à ne pas induire le public en erreur sur la portée réelle du mécanisme.
- Si elle utilise des raccourcis simplificateurs à visée pédagogique, elle doit apporter au public les explications nécessaires, aux conditions définies par l’article 4.4 de ce texte.
- L’avantage procuré par les dispositifs de nature à compenser indirectement l’impact négatif d’un produit ou d’une activité ne doit pas être attribué directement au produit ou à l’activité.
Le Jury relève que la publicité en cause conçue par Apple pour promouvoir son offre de tablette numérique de marque Ipad diffusée sur le réseau social LinkedIn renvoie à son site internet et aux mentions décrites dans la première partie du présent avis.
Le Jury considère, en premier lieu, que plusieurs de ces messages, par leur caractère affirmatif et sans nuance ou par les formulations globalisantes auxquelles ils recourent ne sont ni démontrés ou justifiés ni relativisés. Il en ainsi du texte de la publicité LinkedIn qui énonce proposer des produits fabriqués à partir d’un « aluminium durable » ou encore de l’affirmation selon laquelle ces mêmes produits préservent l’environnement et sont « aussi bons pour les élèves que pour la planète « . Le Jury relève également que la phrase « Préserver la planète pour les générations futures » est mise en exergue sur une page du site Internet de l’annonceur dans un encadré de couleur verte tandis qu’est utilisé un pictogramme de couleur verte représentant la planète, ce qui vient encore renforcer l’argument écologique qui serait naturellement associé aux produits.
Sans remettre en cause les efforts mis en avant par la marque pour réduire son empreinte sur l’environnement, le Jury estime que ces allégations sont également susceptibles d’induire le public en erreur sur les propriétés desdits produits parce que présentés comme dénués d’impact, et ce, avec même un engagement pour le futur ainsi qu’il ressort de l’affirmation particulièrement forte, dans le paragraphe intitulé «Environnement» du site internet, selon laquelle la marque depuis 2020 aurait une neutralité carbone avec la garantie que « d’ici 2030, tous nos produits le seront aussi »
Le Jury en conclut donc que ces messages ne sont ainsi ni conformes aux principes de clarté et de véracité ni proportionnés en termes de formulation ou de présentation visuelle, au sens des articles précités de la Recommandation « Développement durable ».
En second lieu, le Jury relève que le lien intitulé « En savoir plus sur Apple et l’environnement » renvoie vers une autre page du site mentionnant outre les engagements déjà cités à un plan Apple 2023 pour protéger la planète et se référant à un dispositif qui s’apparente à un « dispositif complexe » au sens du point 9 de la Recommandation puisque le message en cause évoque des éléments techniques combinés qui permettraient d’atteindre la neutralité carbone sans que le consommateur comprenne bien ni selon quel processus ni pour quel résultat précis. On peut citer ainsi : « En nous concentrant sur les matériaux recyclés et renouvelables, l’électricité propre et les modes de transport bas carbone, nous nous efforçons d’atteindre la neutralité carbone sur l’ensemble de notre empreinte. Nous partageons nos progrès, ainsi que le travail qu’il reste à accomplir, pour vous permettre de nous accompagner dans ce projet. »
Le Jury considère donc que les dispositions 9.1, 9.2 et 9.3 de la Recommandation précitée sont ainsi insuffisamment respectées par ces mentions du site internet.
En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les règles déontologiques précitées.
Avis adopté le 12 août 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.
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