Avis JDP n°303/14 – AUTOMOBILE – Plainte fondée

Décision publiée le 02.04.2014
Plainte fondée                          

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– et, après en avoir délibéré dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi d’une plainte d’un particulier, en date du 6 janvier 2014, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur d’un modèle de véhicule 100% électrique, diffusée en presse magazine.

Cette publicité présente trois véhicules de la marque, stationnés devant un bâtiment, raccordés chacun à une borne de rechargement électrique.

Au nombre des caractéristiques mises en avant figure, dans un petit encadré, la mention « 0 g de CO2 », précisée en petits caractères en bas de la publicité : « CO2 : 0 g/km ».

2.Les arguments des parties

Le plaignant conteste l’emploi de l’allégation relative à une émission nulle de CO2 au km (“CO2 : 0g/km”).

Ainsi que l’a déjà relevé le Jury de déontologie publicitaire dans une décision antérieure, l’usage des véhicules électriques implique des émissions de dioxyde de carbone dès l’instant où l’électricité nécessaire à son fonctionnement provient de centrales nucléaires ou de centrales à énergies fossiles.

Ainsi, en France, avec un contenu CO2 moyen de l’ordre de 80 g/kWh électrique, les émissions du modèle de véhicule en cause seraient de l’ordre de 10,3 à 10,7 geqCO2/km, en faisant abstraction de l’heure de la recharge. De plus, la publicité met en avant une “autonomie remarquable pouvant aller jusqu’à 300 km” (avec un renvoi “version avec prolongateur d’autonomie”), sans qu’il soit donné d’éléments sur les émissions de cet équipement. Or un « communiqué » sur la voiture figurant en pages 24 et 25 du même magazine confirme que le « prolongateur d’autonomie » est un moteur thermique, fonctionnant très probablement avec un carburant d’origine fossile. Ce “communiqué” ne comporte aucune indication sur la consommation d’énergie ou sur les émissions atmosphériques.

L’annonceur fait valoir, d’une part, que la référence à la décision rendue dans un autre dossier n’est pas pertinente dès lors que celle-ci portait sur l’utilisation du terme « propre », qui constitue une donnée globale, imprécise, non proportionnée, suggérant indûment une absence d’impact négatif sur l’environnement et susceptible d’induire en erreur le consommateur. La publicité incriminée n’utilise pas une formulation globale mais un terme précis, à savoir le niveau d’émission de CO2 tel qu’il est mesuré conformément à la réglementation européenne.

D’autre part, l’annonceur fait valoir que la mention d’une émission nulle de CO2 de la voiture est exacte et conforme à la réglementation applicable. Le taux d’émission de CO2 d’un véhicule se rattache aux caractéristiques d’émission du véhicule lui-même. Il se mesure conformément au règlement CE 715/2007 du Parlement européen et du Conseil. L’article 1er de ce règlement établit des exigences techniques communes concernant la réception des véhicules à moteur et de leurs pièces de rechange, comme les dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution, au regard de leur émission.

La réception européenne des véhicules est accordée conformément à ce règlement. Ainsi qu’en attestent le document de réception du véhicule et le certificat d’immatriculation de ce véhicule, le taux d’émission de CO2 établi conformément au règlement rappelé ci-dessus est nul.

Dès lors, l’affirmation selon laquelle la voiture émet 0g de CO2 par km est parfaitement exacte. Toute autre référence en matière d’émission de CO2 serait non conforme à l’obligation légale de publicité en matière d’émission de CO2, aurait un caractère fantaisiste et ne permettrait pas une bonne information du consommateur.

L’annonceur précise que les modèles représentés sur le visuel sont des véhicules 100% électrique, et non la version avec prolongateur d’autonomie. L’information concernant l’existence d’un modèle avec prolongateur est donnée à titre accessoire et ne lui avait pas semblé justifier une mention supplémentaire concernant son taux d’émission de CO2.

La société indique toutefois qu’elle apportera, dans ses prochaines publicités, la précision selon laquelle le véhicule équipé d’un prolongateur d’autonomie émet 13 g de CO2 au km.

Le magazine en cause fait valoir qu’il n’est pas un magazine grand public mais s’adresse aux décideurs en entreprises et collectivités territoriales, ainsi qu’à des professionnels de l’énergie, des achats ou encore du transport, intéressés et impliqués dans le développement durable. Il fait observer qu’il ressort de son texte même que cette publicité s’adresse uniquement aux entreprises qui constituent un public averti, qui ne saurait être induit en erreur par la mention litigieuse.

Il ajoute que de nombreuses entreprises renouvellent leurs exigences d’approvisionnement en électricité, pour se fournir exclusivement en énergies renouvelables, sans émissions de CO2. Les émissions de leurs véhicules électriques, dans ces conditions, sont donc bien nulles.

3.Les motifs de la décision du Jury

La Recommandation « Développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose que :

1/1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable.

2/1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose. La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit.

23 b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif. »

La publicité litigieuse fait état de ce que les véhicules en cause 100 % électrique émettent
« 0 g de CO2 » mais précise en pied de publicité qu’il s’agit d’un taux au kilomètre, associant ainsi cette information sur les émissions à la phase de roulage. Eu égard, d’une part, au public auquel s’adresse cette publicité diffusée dans le magazine concerné – à savoir des responsables d’entreprise intéressés par la problématique du développement durable, et, d’autre part, au visuel choisi, qui représente des véhicules en cours de rechargement, donc consommant de l’énergie électrique, le Jury considère que cette mention n’est pas de nature à induire en erreur le public sur l’incidence environnementale de l’usage des véhicules électriques, notamment dans la production de l’électricité nécessaire à leur fonctionnement.

En revanche, ainsi que l’admet l’annonceur lui-même, le prolongateur d’autonomie dont certains modèles peuvent être équipés émet du dioxyde de carbone en phase de roulage. Dans la mesure où la publicité fait état de l’existence d’une « version avec prolongateur d’autonomie » et que l’autonomie mise en avant dans le texte principal correspond aux performances de ce modèle, il ne peut être considéré qu’elle porterait exclusivement sur les véhicules dépourvus de cet équipement, bien que ces derniers soient les seuls représentés sur le visuel.

Dans ces conditions, la publicité litigieuse est, dans cette seule mesure, contraire aux dispositions précitées de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Le Jury prend toutefois note de l’intention de la société d’apporter la précision nécessaire dans les publicités qu’elle sera amenée à diffuser à l’avenir.

4.La décision du Jury

– La plainte est partiellement fondée ;

– La publicité en cause est contraire aux dispositions des points 1/1, 2/1 et 2/3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre toutes mesures de nature à assurer le non renouvellement de la diffusion de cette publicité ;

– La présente décision sera communiquée au plaignant et à l’annonceur ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du Jury de déontologie publicitaire.

Délibéré le vendredi 14 mars 2014 par M. Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaïm et Depincé.