Avis JDP n°339/14 – MODE HOMMES ET ENFANTS – Plainte fondée

Avis publié le 29 septembre 2014
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,

– et, après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1.Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 15 juillet 2014, d’une plainte d’un particulier ainsi que d’une plainte de l’association Femmes Solidaires de Guyane, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée en affichage par une marque de vêtements.

Cette affiche montre une jeune femme en maillot de bain rouge, souriante, qui réalise un grand-écart en hauteur, prenant appui avec les bras sur les épaules de deux hommes situés de part et d’autre d’elle et qui la portent. Les hommes sont vêtus d’un T-shirt de la marque de l’annonceur, dont le prix est indiqué.

Un pictogramme rouge comporte la mention « Family plaza ».

2.La procédure

L’association Femmes Solidaires de Guyane indique qu’elle ne souhaite pas maintenir sa plainte, dès lors que le responsable de cette enseigne s’est excusé publiquement sur une chaine de télévision locale. Le Jury ne se prononcera donc pas sur cette plainte, mais seulement sur celle du particulier, qui n’a pas été retirée.

3.Les arguments échangés

Le plaignant particulier considère que cette publicité est sexiste et dégradante pour l’image des femmes. Elle véhicule également un message violent de non-respect du corps de la femme, qui est une fois de plus associée à une marchandise.

Par ailleurs, il fait remarquer que cette marque de vêtements ne vend pas de maillots de bain, alors que l’œil est attiré par ce bikini et surtout par l’entre-jambe de la jeune fille.

Il précise qu’en Guyane, les violences faites aux femmes sont quotidiennes et que la question des rapports homme / femme revêt donc une grande sensibilité.

La société annonceur a été informée par courrier du 24 juillet 2014 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Elle indique qu’elle est une marque caribéenne de vêtements pour hommes et enfants de plus de 20 ans d’existence. C’est la première fois qu’elle doit faire face à ce genre de plainte.

L’annonceur fait valoir que sa campagne avait pour but de mettre en valeur sa nouvelle collection de T-shirt « fashion ». La campagne étant prévue en plein mois de juillet, il a souhaité exploiter le thème des vacances et des amis en organisant un « shooting » photo dans la réserve naturelle de Guadeloupe au bord d’une rivière. Il souhaitait une image représentant des amis s’amusant et faisant du sport. La mannequin est une jeune femme sportive passionnée de danse classique et de yoga. La position qui fait débat, et qui est un grand écart porté, est venue naturellement pendant la séance.

La société affirme avoir pris note du mécontentement de certains consommateurs à qui elle a toujours répondu en expliquant le message qu’elle a souhaité faire passer. Elle a présenté ses excuses et confirmé son intention d’être plus vigilante pour ses prochaines campagnes. Elle a demandé aux afficheurs de faire retirer les affiches en Guadeloupe et en Martinique, mais n’a pu le faire rapidement en Guyane pour des raisons techniques. Il a également retiré de suite le visuel de ses magasins, de son site internet et de Facebook.

4.L’analyse du Jury

La Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP dispose, notamment, dans son article 2 relatif aux « Stéréotypes sexuels, sociaux et raciaux » que : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».

Le Jury constate que la publicité mise en cause a pour objet de promouvoir des T-shirts pour hommes, et non des sous-vêtements ou maillots de bain pour femmes. Dans ces conditions, la présence sur le visuel litigieux d’une jeune femme en bikini portée par deux hommes, dont l’un lui jette d’ailleurs un regard ambigu, n’entretient aucun rapport avec le produit promu, et tend ainsi à réduire la femme à une fonction d’objet.

Par suite, le Jury de déontologie publicitaire est d’avis que la publicité litigieuse ne respecte pas les dispositions de l’article 2/1 de la Recommandation « Image de la personne humaine» de l’ARPP. Il prend toutefois note de la réaction appropriée de l’annonceur, qui a entrepris toutes démarches utiles pour faire retirer cette publicité et a présenté ses excuses aux personnes choquées par ce visuel.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 12 septembre 2014 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-président, Mmes Drecq et Moggio ainsi que MM. Benhaïm, Carlo, Lacan et Leers.