Avis JDP n°182/12 – CONSTRUCTEUR AUTOMOBILE – Plaintes rejetées

Décision publiée le 28.03.2012
Plaintes rejetées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu le représentant de l’ARPP,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence de l’ARPP et des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, d’une part le 17 janvier 2012, d’une plainte émanant de l’Association Force Ouvrière Consommateurs, d’autre part, les 23 janvier et 10 février 2012 de cinq plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité diffusée en télévision, concernant le nouveau modèle d’un constructeur automobile.

Le film met en scène une femme au volant dudit véhicule qui vient chercher une jeune fille devant un établissement. En se penchant en avant la jeune fille dévoile un tatouage situé au bas de son dos. La femme apparaissant dans un premier temps surprise, se penche également pour montrer avec fierté le tatouage, plus gros et plus coloré, également situé au bas de son dos.

Le film est signé : « Les temps changent, X aussi. Nouvelle XXX »

2.Les arguments des parties

Certains des plaignants relèvent que cette publicité présente une situation de non respect de l’autorité parentale puisque la jeune fille paraît avoir fait réaliser son tatouage sans l’accord de la femme qui semble être sa mère.

Pour d’autres plaignants, il s’agit de l’incitation à reproduire un acte contraire à la sécurité des personnes car le positionnement du tatouage sur cette partie du corps peut avoir des effets négatifs en cas d’anesthésie péridurale notamment.

L’agence de communication fait valoir qu’à aucun moment du film publicitaire la femme conduisant la voiture n’est présentée comme étant la mère de la jeune fille et que par conséquent assimiler cette femme à la mère et invoquer l’incitation des mineurs à se passer d’une autorisation parentale relève de la pure interprétation du téléspectateur.

En outre, celle-ci fait valoir que cette question de l’autorité parentale n’a pas été soulevée lors du conseil préalable de l’ARPP, pas plus que la question de l’emplacement du tatouage. L’agence ajoute que d’autres publicités présentent des personnes avec des tatouages et notamment à cet endroit du corps et qu’il ne peut y avoir de différence de traitement entre les spots du simple fait que l’actrice soit mineure ou non, les éventuels risques étant présents quel que soit l’âge ou le sexe.

Enfin, l’agence fait valoir que le tatouage pourrait très bien être un tatouage éphémère. Le fait de voir un tatouage permanent relève aussi de l’interprétation du téléspectateur.

L’annonceur fait valoir que cette publicité a été diffusée dans la continuité des précédentes campagnes en faveur de la gamme de véhicules qui veulent s’inscrire dans la modernité.

Avec impertinence et un humour souvent novateur dans le secteur de la publicité automobile, les dernières campagnes en faveur de la gamme de véhicules, présentent des utilisateurs affranchis du carcan des conventions habituelles, bien dans leur époque.

Elle rappelle que cet engagement a été pris auprès de l’ARPP à la suite de son intervention.

 L’ARPP indique que, comme pour toute publicité diffusée à la télévision,  elle a examiné ce spot avant sa diffusion. Par ailleurs, ce message a fait l’objet de demandes de conseils préalables de la part de l’agence en charge de la campagne.

Dès l’examen du projet transmis, l’axe de communication choisi a été accepté.

De plus, la réalisation de ce film est apparue respecter les principes déontologiques contenus dans les Recommandations Image de la personne humaine et Enfant ainsi que les dispositions du décret du 27 mars 1992 que l’ARPP s’attache à faire respecter pour tout spot télévisé.

L’Autorité n’a en particulier émis aucune réserve concernant la relation entre les deux personnages féminins. En effet, elle a considéré que, dans ce film, rien ne permet de déterminer précisément le lien mère-fille, ni d’affirmer que le tatouage a été réalisé en l’absence de toute autorisation parentale  et qu’enfin, rien ne permet de déduire  précisément que la jeune fille n’a pas atteint la majorité.

Par ailleurs, l’ARPP souligne qu’il ne lui appartient pas de s’opposer à la présence de tatouage sur certaines parties du corps, dans les messages publicitaires, en l’absence de préconisations inverses des autorités de santé publique.

L’ARPP a également tenu compte dans l’analyse de cette publicité de la mise en évidence de la complicité entre les deux personnages, du ton humoristique et impertinent employé ainsi que des codes habituellement utilisés par la campagne de la marque de véhicules de l’annonceur, à savoir, montrer des utilisateurs modernes et bien dans leur époque qui ne respectent pas les conventions habituelles.

Pour toutes ces raisons, ce film a pu être validé sans restriction.

La régie publicitaire fait valoir que, d’une part sont visés au titre de la « Sécurité », les produits et comportement dangereux liés à la manipulation des produits dangereux, ce qui n’est pas le cas du véhicule présenté ici et, que d’autre part sont visés au titre de l’« Enfant » les traitements visuels qui risqueraient de causer aux adolescents un dommage notamment physique, aucune des autres dispositions de cette recommandation n’étant susceptible de correspondre à la situation décrite dans le message publicitaire en cause.

Sans qu’il soit besoin de préciser davantage que la publicité du véhicule en cause n’est en rien destinée à un public d’enfants ou d’adolescents, insusceptibles par nature d’acheter et de conduire une automobile, tout juste faudrait-il s’attacher à la démonstration des dangers réels du tatouage pour le recours à la péridurale.

A cet égard, on peut considérer les arguments suivants :

L’incompatibilité tatouage/péridurale ne saurait causer  un « dommage physique », puisqu’à côté de l’anesthésie rachidienne existent d’autres méthodes analgésiques. Tout est donc une affaire de pratique et de praticiens et de l’application qui leur est toute personnelle d’un éventuel principe de précaution.

Mieux même, la présence d’un tatouage en zone lombaire n’est pas en elle–même une contre-indication absolue à toute péridurale, dans la mesure où l’anesthésiste dispose d’une relative latitude dans le choix de l’endroit précis de la piqure à administrer, ce qui lui permet ainsi d’éviter les zones pigmentées.

Le Code de la Santé publique a intégré par ailleurs les dispositions du décret 2008-149 du 19 février 2008, qui contient certaines dispositions relatives à la pratique du tatouage en général, et notamment pour ce qui concerne les ailes du nez et les pavillons d’oreilles. Il s’agissait d’une réponse à un précédent rapport de l’Académie Nationale de Médecine qui appelait de ses vœux une réglementation en matière de tatouage.  Or, rien dans ces textes portant sur les « effractions cutanées » n’est venu traiter de la problématique tatouage/péridurale. On imagine sans peine que si un dommage quelconque avait été entraîné par cette pratique, ces instances n’auraient pas manqué de prendre les mesures qui auraient dû s’imposer. On ne peut donc valablement aujourd’hui prétendre à une quelconque mise en danger pour la santé du fait des tatouages lombaires.

Enfin, et pour revenir au cas d’espèce, on peut également considérer trois éléments  factuels complémentaires :

Rien dans le message publicitaire ne permet de savoir si le tatouage de la jeune fille se situe ou non dans la zone des 3ème et 4ème  vertèbres lombaires, zone adéquate paraît-il à l’administration de l’anesthésie péridurale. La simple vision furtive d’un tatouage en bas du dos ne suffit pas davantage à tenir pour acquise sa dangerosité pour une éventuelle péridurale.

Signe que les mentalités ont évolué, force est de reconnaître que la surface tatouée de la mère de famille est beaucoup plus importante que celle de sa fille. L’histoire ne précise pas si la mère a elle-même accouché ou non sous péridurale, mais visiblement la taille extrêmement réduite du tatouage de la jeune fille ne devrait justement pas interdire au praticien de recourir le moment venu à cette technique. Les plaignants devraient donc être rassurés.

Le tatouage des mineurs est interdit sans autorisation parentale. Dès lors, soit la mère avait déjà donné son autorisation et ne joue la surprise que pour mieux pouvoir montrer son propre tatouage à sa fille, soit elle n’était pas au courant et dès lors, comme le suggère l’un des plaignants, sans doute s’agit-il alors d’un tatouage temporaire, donc sans effet sur une éventuelle péridurale ultérieure.

C’est donc à juste titre que le service visionnage de l’ARPP a pu déclarer ce message publicitaire comme non contraire aux Recommandations en cause, et c’est sur la base de cet avis que ce message a  été diffusé sur les chaînes de télévision dont les espaces publicitaires sont régis par la régie publicitaire.

3.Les motifs de la décision du Jury

 Le Jury rappelle que la Recommandation « Enfant » de l’ARPP dispose que :

« La publicité doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale :

La publicité ne doit pas présenter favorablement des actes antisociaux ou délictueux, ni inciter les enfants à commettre de tels actes.

La publicité ne doit pas dévaloriser l’autorité, la responsabilité ou le jugement des parents et des éducateurs. »

Par ailleurs, la Recommandation « Sécurité » de l’ARPP prévoit que :

 « La publicité, sous quelque forme que ce soit, ne doit pas porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens et doit donc respecter les règles déontologiques suivantes : sauf justification d’ordre éducatif ou social, la publicité ne doit comporter aucune présentation visuelle ni aucune description des pratiques dangereuses ou de situation où la sécurité et la santé ne sont pas respectées. »

Une prudence particulière s’impose aux publicités utilisant des enfants ou des adolescents ou s’adressant à eux. »

 Le Jury relève que, si ni l’annonceur, ni son agence ne paraissent mettre en doute que la jeune fille mise en scène est une mineure lycéenne, il ne résulte pas clairement du film publicitaire critiqué que la personne qui vient la chercher en voiture est sa mère.

Aucune indication non plus ne permet d’affirmer que le tatouage en cause est un tatouage permanent dont la réalisation aurait nécessité une autorisation parentale conformément aux dispositions de l’article R.1311-11 du code de la santé publique et non un tatouage éphémère comme il en existe de plus en plus.

Dans ces conditions et en l’absence de tout avertissement officiel des autorités médicales alertant sur les dangers du tatouage, le Jury considère que ce message publicitaire qui s’inscrit dans le cadre d’une campagne qui joue sur la présentation de situations décalées ou inversées, ne méconnaît  pas les Recommandations Enfant ou Sécurité.

4.La décision du Jury

– Les plaintes sont rejetées;

– La publicité relative au nouveau modèle de l’annonceur ne contrevient pas aux dispositions précitées des Recommandations « Enfant »  et « Sécurité » de l’ARPP ;

– La présente décision sera communiquée aux plaignants, à l’annonceur, l’agence de communication, ainsi qu’au syndicat représentant les chaînes de télévision et à la régie publicitaire ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le 9 mars 2012, par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Drecq, et MM Benhaïm, Carlo,  Leers et Lacan.