Avis JDP n°85/11 – SPORTS MECANIQUES – Plainte fondée

Décision publiée le 26.01.2011
Plainte fondée

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu un représentant des associations FNE et FRAPNA,

– et, après en avoir délibéré,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 10 novembre 2010, d’une plainte émanant conjointement de l’Association France Nature Environnement (FNE) et de la Fédération Française des Associations de Protection de la Nature et de l’Environnement (FRAPNA), afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur  d’offres publicitaires en ligne en faveur de randonnées en quad.

Ces offres émanent d’organisateurs de loisirs motorisés et sont accessibles sur un site internet.

Les visuels incriminés présentent des véhicules circulant en milieu  naturel.

2.Les arguments des parties

– Les associations plaignantes considèrent que ces publicités présentent des véhicules en situation d’infraction aux règles de circulation des véhicules motorisés dans les espaces naturels et violent donc les dispositions du Code de l’environnement ainsi que les règles déontologiques de l’ARPP.

Elles considèrent également que ces images sont de nature à tromper le consommateur car elles donnent à penser que l’usage des quads est possible dans les espaces naturels contrairement aux dispositions du Code de l’environnement.

– La société annonceur explique que le site en cause est un portail communautaire dont elle n’assure que la gestion technique. Pour autant, elle affirme avoir pris soin de s’assurer juridiquement et déontologiquement que celui-ci respectait  en tous points les bons usages de l’Internet tout comme la législation en vigueur.

Elle précise par ailleurs que le site a fait l’objet d’une déclaration à la CNIL pour le traitement des adresses et des informations collectées, qu’il respecte la publication des mentions légales qui sont accessibles par un lien parfaitement visible sur toutes les pages « mentions légales », qu’il est également possible de contacter l’équipe éditoriale par un lien lui aussi visible sur toutes les pages « nous contacter » et que les annonceurs sont identifiables objectivement et clairement par le nom de leur société ou organisation et peuvent être contactés aisément par un formulaire sur ce site.

Elle fait valoir par ailleurs que les annonceurs sont seuls responsables des informations qu’ils diffusent et s’engagent par contrat à respecter la loi en vigueur, l’éthique et la déontologie, faute de quoi ils peuvent voir leur annonce supprimée du portail.

La plupart d’entre eux exercent leurs activités sur des terrains privés. A défaut, la société présume qu’ils disposent des autorisations nécessaires à ces fins.

Dans tous les cas, sa responsabilité ne saurait être engagée à raison de l’exercice même de l’activité de ces annonceurs. Elle se déclare, quant à elle prête, à se conformer à la décision du Jury.

– L’une des sociétés organisatrices développe les arguments selon lesquels : les photos sur le site en question sont publiées depuis longtemps ; elles ne montrent que des engins motorisés sur des chemins ouverts à la circulation publique ou sur des terrains privés dédiés à cette pratique ; les terrains privés ne sont pas des espaces naturels et sont autorisés ; il n’existe pas de définition claire et exhaustive des espaces naturels ; les photos montrant des engins motorisés dans l’eau  sont parfaitement légales puisqu’elles ont été prises lors de passages à gué, répertoriés sur les cadastres et au service des Hypothèques ; il  n’y a aucune publicité mensongère puisque ces engins motorisés sont utilisés à des fins privés sur des terrains privés et que leurs performances se découvrent sur mise en main en terrain privé ; rien ne dit dans les offres  de prestations de randonnées motorisées qu’elles n’emprunteront que des chemins ou des espaces publics; les photos du site ne montrent pas des véhicules en infraction ; il est possible de situer exactement où et comment ces photos ont étés prises (certaines datant de plus de 20 ans) ; de plus, un passage à gué est réglementaire et ne constitue pas une infraction, tout comme un passage dans un  chemin en sous bois ou un passage dans des rochers dès lors qu’il se situe sur un terrain privé ; les règles du développement durable incluent également le développement économique, social ; les prestataires et organisateurs de randonnées répondent aussi au besoin de sport nature et de randonnée de leurs clients; la randonnée motorisée est reconnue par le code du sport comme un sport de nature à part entière et entre dans les sphères économiques et sociales prises en compte  dans le Grenelle de l’environnement.

Pour faire preuve de conciliation et de bonne foi, la société s’engage cependant à mettre une annotation sur toutes les photos publiées sur son site: photos prises sur terrain privé, ou dans une situation de passage à gué ou chemins publics ouverts à la circulation.

– Une autre société organisatrice des randonnées expose que :

Sur l’identification de l’annonceur :

Sur chacune des pages du site un bandeau apparaît sur la gauche portant mention du nom commercial, adresse, téléphone, site web et adresse e-mail de la société. Par ailleurs, la page « contact » fait clairement état de son identité.

S’agissant du site, l’annonceur y est identifié par son nom commercial et son adresse. Il existe également une page qui permet de contacter directement la société.

La société est en relation avec le site depuis plusieurs années. Le propriétaire de ce site est également clairement identifié dans l’onglet « mentions légales ».

La société a naturellement fourni au propriétaire du site l’ensemble des éléments permettant son identification complète et précise. C’est le propriétaire du site qui a choisi de ne faire apparaître que le nom commercial et l’adresse.

Sur la violation du Code de l’environnement :

Ce code n’a pas à être retenu par le JDP qui ne doit se prononcer que sur la déontologie.

Sur la violation du Code des règles de l’ARPP :

Les photos apparaissant sur le site ont été prises sur le terrain de la société. Au demeurant, la pratique du quad s’effectue sur un terrain privé dédié à ce type d’activités. Cette information figure explicitement sur le site : « Le Centre tout terrain de …. c’est quoi : un site privé et homologué de 350 hectares ».

La SARL en cause est labellisée par la Fédération française de Motocyclisme et ce terrain de pratique est déclaré en préfecture depuis plus de 20 ans et à ce titre, contrôlé par les services de l’Etat. Les quads ne sont pas en infraction puisque circulant sur un terrain privé spécialement aménagé.

S’agissant de la photo montrant un quad dans un lit de cours d’eau, celle-ci a été prise dans des circonstances particulières mais a été cependant retirée.

Les autres photos ne la concernent pas. Il convient de préciser cependant que des quads peuvent être en effet amenés à rouler sur des rochers nombreux sur les chemins escarpés et accidentés de la région.

S’agissant des messages incriminés, la société affirme que sa cliente n’a jamais utilisé l’expression « randonnée tout terrain sans limite ».

Les expressions utilisées ne sont en rien contraires aux règles de l’ARPP.

L’association plaignante fait une interprétation erronée des termes employés : ainsi, le terme « contrainte » doit s’entendre au regard du contexte de la « contrainte d’un apprentissage difficile ».

3.Les motifs de la décision du Jury

 – Le Jury rappelle que la Recommandation «Développement durable» de l’ARPP prévoit dans son point 9 « Impacts éco-citoyens » que :

«  La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant compte notamment de la sensibilité  du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité

9/1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité ,pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique etc…), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer.

b/ La représentation, sous quelque forme que ce soit, de véhicules à moteur en milieu naturel devra clairement les positionner sur des voies ouvertes à la circulation. »

Les plaignants invoquent, en premier lieu, la méconnaissance directe des dispositions du Code de l’environnement  et, en particulier, de son article L.362-4 qui dispose que « Est interdite toute forme de publicité directe ou indirecte présentant un véhicule en situation d’infraction aux dispositions du présent chapitre  », l’article L.362-1 du même chapitre prévoyant quant à lui que « En vue d’assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur  ».

Le Jury relève toutefois qu’il n’entre pas dans ses missions – alors même que certaines règles déontologiques recommandent le respect de la loi – de statuer sur la violation de dispositions législatives ou réglementaires qui sont d’ailleurs assorties de sanctions pénales et relèvent de l’appréciation des tribunaux.

Il lui appartient, en revanche, d’apprécier le respect, par les annonceurs, les agences et les diffuseurs des Règles déontologiques élaborées par les professionnels eux-mêmes, réunis au sein de l’ARPP, afin d’assurer dans la durée, la protection de la confiance que les consommateurs accordent à la publicité, et qui peuvent être plus exigeantes que celles résultant de la législation applicable.

En l’espèce, le Jury constate que certains visuels figurant sur les sites des sociétés organisatrices de randonnées  ou accessibles par l’intermédiaire du site en cause représentent des véhicules à moteur circulant  dans le lit d’un cours d’eau ou sur des rochers et non clairement sur des voies ouvertes à la circulation.

Une telle représentation méconnaît les Recommandations précitées de l’ARPP sans que la circonstance que ces photos aient été prises à l’intérieur d’une propriété privée ait une quelconque incidence à cet égard.

 4.La décision du Jury

– La plainte est fondée en ce que les offres publicitaires en cause méconnaissent les points 9, 9/1 a et b de la Recommandation Développement Durable de l’ARPP ; elle est rejetée pour le surplus ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de veiller à ce que ces publicités cessent et à ce qu’elles ne soient pas reconduites ;

– La présente décision sera communiquée aux associations FNE et FRAPNA ainsi qu’aux sociétés annonceurs;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 7 janvier 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio, et MM Benhaïm, Carlo, Lacan, Leers et Raffin.