Avis JDP n°115/11 – ASSOCIATION MOYENS DE COMMUNICATION – Plaintes partiellement fondées

Décision publiée le 12.05.2011
Plaintes partiellement fondées                                                    

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants du Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets et de l’association France Nature Environnement, plaignants, et de l’association annonceur,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

– Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi de deux plaintes dont l’une émane du Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets (CNIID), l’autre de l’association France Nature Environnement (FNE), afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sous forme de prospectus dans les boîtes aux lettres afin de promouvoir le prospectus papier en tant que support publicitaire.

Le prospectus incriminé se présente sous forme d’un dépliant de quatre pages.

Sur la page de couverture, figure l’accroche « Pour en finir avec les idées reçues » et « Comment vivrait-on dans un monde sans amour et zéro papier ? ».

Sous ce texte, se trouve l’image d’un petit chien tenant un prospectus dans la gueule, devant une rangée d’arbres.

La page est complétée par l’annonce d’un jeu « Jouez au QUIZZ « j’aime mon prospectus » accompagné du logo « j’aime le prospectus ».

Sur les pages intérieures, le texte en accroche est « … et si je m’étais trompé et si on m’avait trompé ! » avec une feuille d’arbre stylisée sur fond blanc.

Diverses allégations décrivent les  qualités du prospectus papier en matière d’environnement.

2.Les arguments des parties

– L’association plaignante France Nature Environnement considère que cette publicité fait la promotion des prospectus papier en minimisant les impacts environnementaux de ces produits et que donc, elle trompe les lecteurs.

Si les annonceurs ont le droit de promouvoir leurs produits, cela ne doit pas se faire sur la base d’arguments environnementaux lorsque ces derniers sont justement visés par des actions des pouvoirs publics qui cherchent à réduire les déchets.

Les prospectus en cause font de la publicité pour la filière d’édition et de distribution de prospectus, dont les membres de l’association annonceur sont des acteurs majeurs. Ces prospectus ont été distribués durant les mois de janvier et février et sont toujours en ligne sur le site Internet.

FNE considère que cette campagne veut rétablir des vérités en en finissant avec des « idées reçues » qui font référence à un geste de prévention des déchets, à savoir l’utilisation du STOP PUB qui a pour objectif de réduire les prospectus papier non désirés.

Ce message lié au STOP PUB est considéré comme une action symbolique du plan national de prévention des déchets de 2007 réalisé par les pouvoirs publics. De plus, ceux-ci, via l’ADEME, diffusent ce message afin de réduire les quantités de déchets.

Cette campagne ne respecte donc pas les recommandations de l’ARPP en matière de développement durable et particulièrement le point 9 car il véhicule un message contraire aux principes communément admis en matière de développement durable.

Cette campagne minimise également les conséquences de la consommation de ces produits sur l’environnement, occultant certains impacts (transport, utilisation de produits chimiques, consommation d’eau importante..). On peut même comprendre que le but est de déculpabiliser le gaspillage du papier en montrant du doigt notamment les possesseurs de STOP PUB et ceux qui limitent leurs impressions. Au final, on sous-entend que ce sont eux par leur non consommation, qui contribuent à l’effet de serre.

Or, les produits visés par le STOP PUB sont bien des prospectus et imprimés non sollicités qui engendrent des impacts environnementaux du fait de leur fabrication, leur transport, leur élimination…

Concernant la phrase « et si je m’étais trompé et si on m’avait trompé ! », celle-ci suggère que les connaissances des personnes mais également les messages diffusés sur la question de l’impact environnemental des prospectus seraient faux.

Le lecteur du tract peut être conduit à penser que tous les impacts reprochés aux prospectus concerneraient la gestion des forêts et pourrait en déduire que le fait de répondre aux arguments relatifs aux impacts de la forêt ferait disparaître tout impact des prospectus.

FNE souligne également que le document fait l’amalgame entre les prospectus et la filière papier, par exemple en donnant des chiffres en CO2 sur la filière bois qui sont différents pour les prospectus. Ce mélange apporte de la confusion aux consommateurs.

Par ailleurs, le tract met en avant comme données environnementales les impacts des forêts, les impacts liés au CO2, le recyclage et l’élimination des papiers, le côté naturel, non toxique et biodégradable. Or ces informations sont contestables car incomplètes, l’impasse étant faite sur de nombreux autres impacts tels que les consommations d’eau, d’énergie et de produits chimiques… Cette campagne induit donc le public en erreur.

– L’autre plaignant, le Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets considère que cette campagne ne respecte pas les règles déontologiques de la publicité car elle utilise des données fausses ou incomplètes afin, d’une part de présenter l’industrie papetière française comme un acteur majeur de la protection des forêts et de la nature contre les émissions de gaz à effet de serre et d’autre part pour vanter les bienfaits  des prospectus.

Cette campagne entretient selon le CNIID un discours ambigu reposant sur un amalgame entre la filière papier et le prospectus.

Elle délivre en outre un message s’opposant directement à la politique de prévention des déchets menée par le ministère en charge de l’environnement et les collectivités qui a pour but d’inciter les habitants à indiquer visuellement leur refus des prospectus non sollicités par l’autocollant STOP PUB sur la boîte aux lettres.

Elle comporte un certain nombre d’indications ou d’omissions qui permettent de retenir la qualification de pratique commerciale trompeuse :

Concernant tout d’abord les allégations  « le papier aide à séquestrer le carbone ? VRAI » et « le papier joue un rôle spécifique dans le cycle du carbone et donc la lutte contre l’effet de serre » : le CNIID énonce que ce n’est pas le papier qui permet en lui-même de lutter contre l’effet de serre. Ce sont les arbres qui, par un procédé naturel, stockent le CO2.

Le fait de produire du papier à partir de coupes d’arbres ne participe en rien à la réduction des émissions de CO2. Certes le papier contient une partie du CO2 stocké dans les arbres mais il n’aide en rien à séquestrer le carbone. Production de papier ou non, le stockage du CO2 par les arbres reste le même de sorte que le papier ne joue en réalité aucun rôle dans le « cycle du carbone ».

Par ailleurs, la publicité prétend que « en les recyclant (les papiers) ils assurent la valorisation et permettent grâce à la croissance des marchés une augmentation régulière du stock de carbone ». Or, moins de 50 % des papiers sont recyclés. Ils ré-emettent ainsi le carbone qu’ils stockaient soit en étant brûlés dans un incinérateur soit en se décomposant dans un centre d’enfouissement et en engendrant ainsi  des émissions de méthane (CH4), gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2.

Par ailleurs, la moitié de l’énergie consommée par l’industrie papetière est d’origine fossile. La gestion mécanisée des forêts et les transports nécessaires à l’acheminement du bois vers les usines constituent également un poste important d’émissions de CO2.

Concernant la phrase « Dans un monde zéro papier il y aurait moins de forêts » : le CNIID relève que la campagne insiste ainsi sur la nature du papier utilisé pour fabriquer le papier en France en mettant en avant que 70% du bois proviennent de coupes d’entretien des forêts et non de l’abattage des arbres et que les 30% restants sont issus des résidus de la scierie.

D’une part la campagne laisse à penser que le papier consommé en France provient intégralement des bois français. Or, d’après les propres chiffres de la COPACEL, 78% des papiers graphiques qui servent notamment aux prospectus consommés en France sont issus de l’importation et notamment de zones à risque situées en Chine ou en Russie.

En outre, plus de 25% des pâtes à papier utilisées en France ne sont pas certifiées FSC ou PEFC.

D’autre part, il est faux d’affirmer que l’industrie du papier n’engendre pas l’abattage des arbres. Si jusqu’à récemment elle utilisait effectivement du bois d’éclaircie issu de l’entretien des forêts, elle est aujourd’hui concurrente avec la filière bois-énergie sur l’accès à ce gisement et est donc contrainte de diversifier ses sources de matière première, notamment en recourant à l’abattage d’arbres.

Enfin, si on considérait que l’industrie papetière n’engendre pas l’abattage d’arbres, elle n’aurait donc aucun effet sur le nombre de forêts.

Concernant la phrase « Le prospectus contribue-t-il au pouvoir d’achat. OUI » : selon le CNIID, au contraire, si les personnes ne recevaient pas de courriers publicitaires, elles ne seraient pas incitées à l’achat, notamment suite à des réductions annoncées, économiseraient de l’argent et augmenteraient ainsi leur pouvoir d’achat.

Enfin, selon le CNIID, la campagne choisit volontairement de ne pas citer les résultats issus du sondage réalisé par TNS Sofres en mars 2010 selon lequel les prospectus sont le troisième outil publicitaire le plus gênant pour les personnes interrogées, sur les 29 outils testés.

Concernant la phrase « Si vous recyclez 100%, c’est 100% de matière recyclable que vous générez » : le CNIID affirme que tous les processus de recyclage sont caractérisés par « de la perte en ligne » c’est-à-dire que sur 100% de matières entrantes, on ne récupère pas 100% de matière à la sortie. Dans le cas du papier, une tonne de papier permet de produire 900 kg de papier recyclé. La perte est donc de 10%.

De plus, d’après le Bureau International du Recyclage, un papier ne peut être constitué de 100% de pulpe recyclée. Il contient systématiquement une part de pulpe vierge.

Concernant la phrase « Lorsqu’il n’est plus recyclable, le produit papier-carton peut être brûlé en fin de vie. Il fournit alors une énergie biologique qui se substitue à l’énergie fossile » : cette formulation insinue pour le CNIID que tout papier a été recyclé au moins une fois avant d’être incinéré. Hors, moins de la moitié des papiers consommés sont recyclés. La majeure partie d’entre eux est directement orientée vers l’enfouissement et l’incinération.

En outre, le terme d’énergie « biologique » est un abus de langage assimilable à du greenwashing puisqu’il ne correspond à aucune définition scientifique. Ce vocable a pour unique objectif de faire penser aux lecteurs qu’il s’agit d’une énergie renouvelable.

En réalité, l’énergie produite par l’incinération résulte de la combustion en mélange de déchets comme le plastique issus de ressources fossiles. Si le pouvoir calorifique des déchets entrants n’est pas assez élevé, les exploitants d’incinérateurs y ajoutent des combustibles fossiles comme le fioul. L’énergie produite par un incinérateur n’est ni renouvelable ni « biologique ».

Concernant l’allégation « Le papier est un des rares produits à la fois naturel, renouvelable, non toxique et biodégradable » : pour le CNIID, l’industrie papetière utilise une multitude de produits chimiques toxiques dont les métaux lourds contenus dans les encres. Le blanchiment effectué dans le cadre du recyclage du papier peut être réalisé à l’aide de substances toxiques : les dérivés du chlore. Le désencrage des papiers produit des boues toxiques nécessitant des traitements polluants à leur tour (incinération de déchets dangereux). La combustion du papier dans un incinérateur émet entre autres des dioxines et des hydrocarbures aromatiques polycycliques.

Cette allégation vise donc également à induire en erreur le consommateur sur les propriétés substantielles du prospectus.

– L’annonceur fait valoir qu’il est une association créée en 2008 et regroupant les différents acteurs de la filière de la communication papier et informatique. A ce titre, il contribue à la réhabilitation du rôle papier auprès des institutionnels, des relais d’opinion et du grand public.

Sa démarche est née de la volonté de fédérer les acteurs de la filière, corriger des  idées reçues et rétablir des vérités sur la filière papier et son impact environnemental et économique.

Le choix du site Internet, de son contenu et la diffusion imprimée de la lettre ouverte a été décidé et validé par un groupe de travail collectif au sein de l’association.

L’annonceur a effectué le 1er février 2011 et pour la première fois depuis sa création, une présentation sur son site Internet d’un document informatif comportant des rubriques simples et claires pour informer efficacement le consommateur en lui donnant même la possibilité de donner son avis. Ce document a été envoyé sur un support papier à 12.5 millions de destinataires.

L’objectif était d’interpeller le public sur des idées répandues et d’ouvrir un débat par lettre ouverte sur la place du papier et du prospectus dans notre société, alors que ce support a été abondamment et injustement critiqué ces dernières années, en particulier sur le fait que la fabrication du papier serait destructrice de la forêt et aurait un impact négatif sur l’environnement.

L’annonceur précise que sa communication n’avait ni pour but d’encourager le gaspillage mais souhaitait que la vérité soit rétablie, ni de discréditer les explications sur le papier et le prospectus à la politique gouvernementale notamment l’action STOP PUB.

Il souligne que la filière graphique promeut et respecte les STOP PUB mais tous les français n’apposent pas d’autocollants sur leur boîte aux lettres car ils apprécient ou ont besoin de l’information qui leur est ainsi délivrée.

La filière a structuré une démarche complémentaire à STOP PUB à savoir, en amont le ciblage des campagnes pour affiner la distribution des prospectus par quartier, foyer ou même à l’individu et leur éco-conception et en aval, le soutien à ECOFOLIO et à la généralisation de l’éco-contribution.

Les actions des entreprises du secteur loin de promouvoir un usage extensif du papier et du prospectus visent à bien intégrer les contraintes environnementales et à proportionner l’usage du papier et du prospectus dans les actions de communication.

L’annonceur fait valoir que la filière papier a souffert gravement de la crise économique et de l’image injustement véhiculée dans l’opinion.

L’annonceur conteste le caractère publicitaire de sa communication qu’il considère comme relevant de l’information et ne faisant pas la promotion d’un produit. Il conteste par là même la compétence du Jury de Déontologie Publicitaire dont l’action porterait atteinte à sa liberté d’expression.

Sur le contenu de sa communication, l’association réfute toute prétendue confusion entre la filière papier et le prospectus et rappelle que la présentation sous le slogan « Si je m’étais trompé et si on m’avait trompé » était destiné à présenter objectivement la réalité de l’impact environnemental du papier et du prospectus grâce une formule humoristique et ne faisait absolument pas référence à l’action gouvernementale sur le STOP PUB.

Le prospectus étant bien fabriqué à partir de papier, c’est la production de papier qui a l’impact principal sur le plan environnemental plus que le transport ou la distribution.

Dès lors, il est objectif d’évoquer principalement les conséquences et les impacts de l’utilisation du papier sur la fabrication du prospectus.

Concernant la critique portée par les plaignants sur l’impact environnemental, l’annonceur fait valoir que :

Sur l’impact sur la forêt, il est précisé dans le prospectus dans quelles conditions l’industrie papetière française utilise le bois pour fabriquer le papier. L’information donnée rappelle que la fabrication du papier ne nécessite pas « d’abattre » des arbres et que l’utilisation des coupes et chutes permet un développement d’arbres plus fortifiés, affirmation démontrée.  La récolte des bois et l’entretien des parcelles de forêt permettent ainsi d’éviter le vieillissement de la forêt et  de dynamiser le puits forestier.

Par ailleurs, le rapport de développement durable de la COPACEL en 2009 indique qu’effectivement le taux d’utilisation du papier recyclé atteint plus de 60% en 2009 en France.

Sur le « + de CO2 » et la lutte contre l’effet de serre, l’idée est de préciser que l’arbre capte le CO2 atmosphérique et la transformation du bois en papier et le recyclage permettant de maintenir cette séquestration du carbone et ce, à l’appui de justificatifs sur le cycle de carbone (source COPACEL). Il souligne que le papier est un produit naturel issu d’une matière première renouvelable et contribue à la lute contre le changement climatique grâce au stockage du CO2. Ainsi, la consommation de papier conduit à la constitution d’un stock de carbone dans les papiers cartons.

Enfin, lorsque le papier n’est plus recyclable, il peut être brûlé en fin de vie et fournit alors une bio énergie et se substitue à l’énergie fournie.

Sur l’utilisation du papier recyclé, le taux de recyclage atteint est de 42%.

L’idée contenue dans l’information « si vous recyclez 100%, c’est 100% de matière recyclable que vous générez » était d’affirmer que si l’on recycle totalement le papier, il est possible de générer à nouveau de la matière recyclable à 100%.

L’annonceur précise que la responsabilité élargie du producteur s’applique depuis 2007 aux imprimés publicitaires. Eco-folio est un organisme agréé par l’Etat en charge de développer la collecte et le recyclage des papiers en France. Il accompagne les collectivités et les soutient financièrement dans leurs efforts de traitement des papiers, avec une prime à la valorisation.

Sur les emplois concernés par les métiers de la filière d’impression papier en France, l’association fait valoir que l’affirmation selon laquelle 500 000 emplois seraient concernés par les métiers de la filière est vérifiée, ce chiffre ne constituant qu’un minimum puisque le recensement s’est limité aux entreprises de plus de 20 salariés et les entreprises sans salariés et les travailleurs indépendants n’ont pas été recensés par cette étude.

Sur la contribution du prospectus au pouvoir d’achat, elle souligne que par l’intermédiaire du prospectus, les consommateurs découvrent les offres et comparent les prix, la concurrence entre les distributeurs étant un élément de relance du pouvoir d’achat des consommateurs.

Sur le fait que le papier est nature, renouvelable, recyclable, non toxique et biodégradable, l’annonceur renvoie à une étude COPACEL qui indique que l’industrie papetière française maîtrise ses émissions de CO2 et 40% de la production d’énergie repose sur l’utilisation des sous-produits du bois appelés biomasse. Ce rôle significatif fait de l’industrie papetière le plus important secteur industriel producteur et consommateur d’énergie verte.

Enfin, l’annonceur souhaite faire observer que 71% des personnes interrogées ont affirmé que les indications figurant dans le document incriminé étaient claires et permettaient de mieux comprendre l’utilité et l’intérêt du papier prospectus.

En outre, les références justifiant la véracité du contenu renvoient sur un site Internet pour une information complémentaire du lecteur ce qui démontre la combinaison encouragée entre la communication papier et la communication numérique.

3.Les motifs de la décision du Jury

 Sur la compétence du Jury de Déontologie publicitaire :

L’annonceur fait valoir que la communication critiquée n’est pas une publicité mais une campagne d’information  relevant de la liberté d’expression et de communication qui lui appartient. Il en déduit que le Jury n’est pas compétent pour en connaître.

Le Jury relève toutefois qu’en présentant sur son site internet et en adressant au public,  à 13 millions d’exemplaires, un document dont l’un des slogans est « J’aime le prospectus », l’association qui regroupe en son sein les différents acteurs de la filière de la communication papier et informatique et est  « née de la volonté des acteurs de la filière de corriger les idées reçues et de rétablir des vérités sur la filière papier et son impact environnemental et économique », s’est livrée à une action collective de promotion d’un produit pour le compte d’opérateurs économiques qui relève du champ de la publicité.

Le Jury de Déontologie Publicitaire est donc compétent pour en connaître.

Sur l’argument tiré d’une violation de l’article  L.121-1 du Code de la Consommation :

Le Jury rappelle qu’il n’entre pas dans ses missions – alors même que certaines règles déontologiques  recommandent le respect de la loi – de statuer sur la violation de dispositions législatives ou réglementaires qui sont d’ailleurs assorties de sanctions et relèvent de l’appréciation des tribunaux.

Il lui appartient en revanche, d’apprécier le respect par les annonceurs, les agences et les diffuseurs des règles de déontologie élaborées par les professionnels eux-mêmes, réunis au sein de l’ARPP afin d’assurer dans la durée la protection de la confiance que les consommateurs accordent à la publicité, et qui peuvent être plus exigeantes que celles résultant de la législation applicable.

Sur les Règles déontologiques invoquées :

Le Jury relève que la Recommandation «Développement durable» dispose que :

La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable. 1/1 »

L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité.

Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de  présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul.

La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus.1/4

Par ailleurs, les dispositions du Code CCI consolidé sur les pratiques de publicité et de communication de marketing de la Chambre de Commerce Internationale  (articles 1,3 et 5) disposent que :

– « Principes élémentaires : toute communication de marketing doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. Toute communication de marketing doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle … » (article 1 ) ;

 – « Loyauté : La communication de marketing doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs (article 3) »

 – « Véracité : La communication de marketing doit être véridique et ne peut être trompeuse. Elle ne doit contenir aucune affirmation ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations de nature à induire en erreur le consommateur (…) » (article 5)  » .

Le Jury considère que s’il est légitime de la part d’un groupe de professionnels de chercher à faire mieux connaître et promouvoir les produits ou les services qu’ils fournissent ou les actions qu’ils ont engagées en faveur du respect de tel ou tel objectif d’intérêt général, tel le développement durable, les modalités de cette action n’en doivent pas moins respecter les règles déontologiques rappelées ci-dessus.

Le Jury observe que les pages intérieures du prospectus incriminé procèdent à un certain nombre d’affirmations générales tendant à laisser penser que dans un monde « zéro papier », il y aurait « moins de forêts » et «  plus de CO2 ».

Ces affirmations reposent sur une confusion entretenue entre la filière bois, la production de papier et celle de prospectus alors que les effets de la production de papier sur la forêt ou les émissions de CO2 sont beaucoup plus complexes que ce qui est décrit.

C’est ainsi qu’il est écrit que l’ « industrie papetière française contribue à la croissance raisonnée de nos forêts » alors qu’il n’est pas contesté que, ainsi que le relève l’ADEME dans une étude de 2010, que ¾ du papier utilisé en France provient de l’importation et que si les professionnels ont pris des engagements quant au recours à des bois provenant de forêts gérées selon des critères reconnus du point de vue du développement durable, il n’est pas acquis, comme cela a été reconnu en séance, que la totalité de ces importations soient dans ce cas.

De la même manière, il est insisté sur le rôle spécifique joué par le papier dans le cycle du carbone alors qu’il n’est pas contesté que 42 % seulement du papier est actuellement recyclé en France et que le recyclage est lui-même limité à 5 cycles, le reste des papiers étant enfouis ou incinérés, ce qui contribue à des émissions de gaz à effet de serre et ne fournit pas d’énergie « biologique », terme qui ne renvoie à aucune réalité scientifiquement reconnue.

Ainsi, la séquestration de CO2, argument  mis en avant, n’est que partielle et temporaire.

Plus précisément, s’agissant de la quatrième page du prospectus et des questions et réponses du Quizz, le Jury note qu’il n’est pas vrai de dire à la question 1 qu’il aura fallu abattre 0 arbre pour fabriquer ce prospectus dés lors que le recyclage du papier n’est pas total et qu’une partie du papier sera produit à partir du bois dont il est dit qu’il provient « essentiellement » mais pas exclusivement des coupes d’entretien et des chutes de l’activité de sciage.

De même à la question 2, s’il est vrai que la séquestration du carbone par le papier peut prolonger celle des forêts, il ne s’agit que d’un effet temporaire compte tenu des limites au recyclage du papier.

Enfin, à la question 3, la phrase « si vous recyclez 100%, c’est 100% de matière recyclable que vous générez » est fallacieuse puisqu’il n’est jamais possible de recycler 100% d’un produit, les pertes étant évaluées, en l’espèce,  à 10 % environ.

Sur tous ces points, le Jury constate que  le prospectus en utilisant des termes trop généraux ne s’appliquant que partiellement à l’espèce ou des présentations simplificatrices méconnaît les règles déontologiques précitées et induit le public en erreur.

S’agissant des griefs portant sur les questions 4 et 5 du Quizz :

Le Jury note que s’agissant de la réponse à la question 4, aucune critique précise n’est articulée à l’encontre des chiffres cités concernant les emplois de la filière impression papier à l’appui desquels une source précise est citée.

S’agissant de la question 5 et de sa réponse sur la contribution des prospectus au pouvoir d’achat, il est juste indiqué que les prospectus sont un des moyens d’informer les consommateurs sur les offres existantes et de les aider à comparer celles-ci. Le Jury relève qu’une telle allégation n’est pas critiquable en soi.

Sur la Recommandation Développement Durable 9/2

Cette recommandation énonce que :

 « La publicité ne doit pas discréditer les principes et objectifs, non plus que les conseils ou solutions, communément admis en matière de développement durable.

La publicité ne saurait détourner de leur finalité les messages de protection de l’environnement, ni les mesures prises dans ce domaine.9/2 »

Le Jury relève que le prospectus incriminé ne comporte aucune critique ou remise en cause de l’action des pouvoirs publics tendant à éviter les gaspillages ou de la campagne « Stop Pub » mais se borne à apporter, sur un mode parfois critiquable comme cela  a été évoqué plus haut, des éléments d’information sur le prospectus papier ou la filière papier.

Contrairement à ce que soutiennent les plaignants, elle ne méconnaît donc pas la Recommandation précitée.

4.La décision du Jury

–  Les plaintes sont fondées en tant qu’elles concernent  la Recommandation Developpement Durable 1/1 et 1/4 de l’ARPP et les articles 1,3 et 5 du code CCI ; elles sont rejetées pour le surplus ;

– La présente décision sera communiquée aux plaignants, le Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets et l’association France Nature Environnement, ainsi qu’à l’annonceur ;

–   Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 10 juin 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Véronique Drecq, MM Benhaïm et Lacan.