Avis JDP n°103/11 – FOURNITURE D’ÉNERGIE – Plainte partiellement fondée

Décision publiée le 23.03.2011
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,  

– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– le plaignant et la société annonceur, absents lors de la séance, ayant été avertis de sa date par LRAR du 8 février 2011,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

– Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 25 janvier 2011, d’une plainte émanant de l’association Tchernoblaye, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’un encart de quatre pages publicitaires diffusé avec un quotidien régional et consultable en ligne sur le site du journal.

Cette publicité intitulée « supplément publicitaire » présente le fonctionnement et les activités nucléaires de la centrale du Blayais à l’occasion de ses 40 années d’existence.

2.Les arguments des parties

– L’association plaignante soutient que cette publicité présente un caractère trompeur sur sa nature publicitaire.

Elle relève que l’encart de quatre pages porte clairement la mention « publicité » mais que par contre, les bas des pages 2 et 3 comprennent un énorme logo du site du journal à côté des mentions « Une centrale 5 étoiles » et « 674 milliards de kWh produits en 30 ans », ce qui tend à cautionner indûment les messages publicitaires de la centrale par la crédibilité dont le support bénéficie auprès de ses lecteurs.

Concernant le site Internet, elle reproche la mention trompeuse « Publi-info » en lieu et place des mentions « Publicité » ou « Communiqué ».

De plus, certaines pages présentent un diaporama qui ne provient pas du journal mais bien de la centrale nucléaire du Blayais ; or l’ensemble est présenté comme les articles et photos du quotidien.

La page d’accueil a présenté le PDF de la centrale comme un article avec la mention trompeuse « Publi-Info » alors que des publicités présentes sur la page portent bien quant à elles la mention « Publicité ».

D’autre part, l’association Tchernoblaye a relevé des revendications écologiques (« préserve son environnement », engagement en faveur du développement durable… », « veille à la protection de la faune et de la flore marine. Afin de les protéger encore plus », « a reconnu la pertinence et la performance des actions mises en places pour préserver efficacement l’environnement », « judicieusement conçus pour traiter notamment le risque radiologique.. »,…) selon lui injustifiées et qu’il considère comme du greenwashing.

Selon elle, l’annonceur peut éventuellement prétendre réduire ou limiter les atteintes à l’environnement occasionnées par la centrale mais il est mensonger de prétendre que la centrale « préserve » son environnement. Ce serait nier les rejets massifs d’eau chaude, de produits radio actifs et chimiques dans la Gironde, les rejets radioactifs dans l’air, les innombrables voitures et camions qui se déplacent quotidiennement jusqu’à la centrale…. Sans oublier la production de déchets radioactifs qui vont rester dangereux pendant des millions d’années.

L’association Tchernoblaye soutient également que les limites réglementaires ne garantissent pas le respect de l’environnement : même en quantité légale, les rejets radio actifs et chimiques sont nocifs pour l’environnement. Par ailleurs, la formule « la centrale poursuit son engagement en faveur du développement durable » est floue et trompeuse.

Concernant la formule « la centrale du Blayais reconnue », l’association plaignante fait valoir que le programme « Obtenir un Etat exemplaire des installations » est un programme de l’annonceur, organisé par lui et pour lui et « validé » par lui également.

Concernant la formule « …garantissent un haut niveau de sûreté …» employée dans la version papier de la publicité, il s’agit selon l’association d’affirmations gratuites d’autant que la centrale a frôlé la catastrophe lors de la tempête de décembre 1999.

Enfin, concernant la référence à l’audit interne de la Direction du parc naturel, il s’agit d’un auto contrôle réalisé par l’annonceur et donc d’une autopromotion.

3.Les motifs de la décision du Jury

Sur l’identification de  la publicité :

La Recommandation  Identification de la publicité de l’ARPP reprend dans son préambule les dispositions de l’article 9 du Code de la CCI stipulant que « La communication de marketing doit pouvoir être nettement distinguée en tant que telle, quels que soient la forme et le support utilisés ; lorsqu’une publicité est  diffusée  dans des médias qui comportent également des informations ou des articles rédactionnels, elle doit être présentée de telle sorte que son caractère publicitaire apparaisse instantanément et l’identité de l’annonceur doit être apparente. 

La Recommandation de l’ARPP poursuit « Il est d’ailleurs fait obligation aux annonceurs, agences ou supports-presse de faire figurer les mots PUBLICITÉ ou COMMUNIQUÉ d’une manière claire et lisible en tête de toute annonce présentant les caractéristiques d’une publicité rédactionnelle, si cette annonce est payée. »

Le Jury relève sur ce point que la nécessité de distinguer la publicité du contenu rédactionnel est fondamentale pour garantir la loyauté à l’égard du consommateur/lecteur et relève du respect de l’obligation de  pleine transparence due par la publicité au public.

L’utilisateur de médias doit en effet pouvoir distinguer clairement les contenus qui sont de la responsabilité de la rédaction et ceux qui sont financés par des tiers pour leur promotion. En vertu de ce principe, l’éditeur de magazine a la responsabilité de permettre à ses lecteurs, en fonction de leur degré d’expérience et de connaissance, de comprendre que le contenu rédactionnel bénéficie de la participation financière d’un annonceur.

Le Jury constate également que si la règle impose les notions de « Publicité » ou « Communiqué » pour éviter que les publicités soient susceptibles d’être confondues avec le contenu rédactionnel, la pratique courante est plus souple et admet les notions de « Publi-communiqué », « Publi-reportage », « Publi-information » comme étant équivalentes.

En l’espèce, le Jury relève que l’encart de quatre pages inséré dans l’édition du journal régional du 26 janvier 2011 comporte en haut de chacune de ces  pages la mention « Publicité » écrite en caractères particulièrement visibles ; sur la première page, cette mention est accompagnée des termes clairement lisibles « supplément publicitaire ». En bas de cette première page figure également l’indication clairement visible « Supplément publicitaire gratuit du Journal … du mercredi 26 janvier 2011. Ne peut être vendu séparément. » .

Quant aux informations concernant la centrale nucléaire du Blayais qui figurent sur le site internet du journal, elles sont accompagnées à chaque fois de la mention « Publi-Info » écrite en lettres majuscules.

Dans ces conditions, le Jury considère que la Recommandation « Identification  »  de l’ARPP n’a pas été méconnue.

Sur l’utilisation d’arguments à caractère environnemental

La Recommandation Développement durable de l’ARPP prévoit que :

Sur la véracité des actions :

« La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable (1/1)» ;

Sur la proportionnalité du message :

« Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion ( 2/2 ) » ;

«  En particulier :… b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif (2/3) » ;

Sur la clarté du message :

« L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquée (3/1)

« Si l’argument publicitaire n’est valable que dans un contexte particulier, ce dernier doit être représenté clairement » (3/2)

« Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précise et s’accompagner de précisions chiffrées en indiquant la base de comparaison utilisée (3/6) » ;

Sur le vocabulaire :

« Dans le cas où il serait  impossible de justifier des formulations globales (ex : écologique, vert, éthique , responsable, préserver, équitable, durable …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que « contribue à  » (6/3) ;

En ce qui concerne  la phrase  figurant à la  page 1 dans l’article central  selon laquelle « les limites réglementaires qui garantissent le respect de l’environnement sont toutes très largement respectées » et la phrase figurant à la page  2 qui mentionne des « investissements importants  qui garantissent un haut niveau de sûreté  »,  le Jury relève qu’elles procèdent d’affirmations très générales qui ne sont assorties d’aucune précision; elles ne correspondent donc pas aux exigences de proportionnalité, de clarté et de mesure dans l’expression qui résultent des Recommandations précitées.

En revanche, en ce qui concerne le paragraphe figurant à la page 2 sous le titre  « Etat des installations : la centrale du Blayais reconnue » , le Jury observe que des explications précises sont données sur la nature de cette reconnaissance indiquant notamment que celle-ci résulte  d’un programme  de progression vers les standards internationaux  établi par l’entreprise elle-même. Il n’y a donc pas de tromperie en ce qui concerne cette reconnaissance.

En ce qui concerne le paragraphe figurant à la colonne 2 de la page 2 concernant le nouvel espace de secourisme de la centrale  dont il est dit qu’il s’agit de « nouveaux locaux conçus judicieusement pour traiter le risque radiologique », le Jury considère qu’il n’est pas mensonger dans la mesure où il fait bien apparaître qu’il s’agit seulement d’un espace destiné aux premiers secours et non pas, comme feint de le croire le plaignant, d’un lieu pour traiter toutes les conséquences d’une catastrophe nucléaire.

Sur les indications qui sont données page 3, sous le titre « une centrale qui préserve son environnement », le Jury note que si ce titre peut paraître trop vague et général, les explications qui sont données ensuite l’éclairent puisqu’elles soulignent une action de la centrale visant à installer un prototype de filtre autonettoyant destiné à permettre une bonne évacuation des organismes marins vers la Gironde.

Enfin, le plaignant fait valoir que l’indication que les actions mises en place par la centrale « pour préserver efficacement l’environnement » sont pertinentes et performantes, est trompeuse dès lors qu’elle résulte d’un audit interne de la direction du Parc Nucléaire de la société.

Mais le Jury note qu’il est expressément indiqué que ces résultats sont issus d’un audit interne à l’entreprise. En ce sens, il n’y a pas tromperie du lecteur.

4.La décision du Jury

– La plainte est partiellement fondée en ce qui concerne la méconnaissance des points 1/1,2/2,2/3,3/1,3/2,3/6 et 6/3 de la Recommandation Développement Durable de l’ARPP ; elle est rejetée en ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de la Recommandation « Identification » ;

– La présente décision sera communiquée à l’association plaignante Tchernoblaye, à la société annonceur et au groupe auquel appartient le journal;

– Elle sera publiée sur le site Internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Délibéré le vendredi 4 mars 2011 par Mme Marie-Dominique Hagelsteen, présidente du Jury, Mme Valérie Michel-Amsellem, Vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaïm, Carlo, Lacan, Leers et Raffin.