Avis JDP n°34/09 – FOURNISSEUR D’ENERGIE – Plainte partiellement fondée

Décision publiée le 21.12.2009

Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

–  après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

–  après avoir entendu successivement les représentants de la société annonceur et de la Communauté d’Agglomération,

–  et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi d’une plainte émanant d’un particulier, datée du 19 novembre 2009, afin qu’il se prononce sur la conformité, aux règles déontologiques en vigueur, de documents publicitaires de 4 pages réalisés par un fournisseur d’énergie et une Communauté d’Agglomération, pour vanter la promotion d’une centrale électrique à combiné gaz.

Ces publicités intitulées « Construire ensemble une énergie d’avenir » comportent des illustrations du projet de centrale en cause ainsi qu’un certain nombre d’allégations se référant à l’environnement ou au développement durable et une invitation à se rendre à une journée d’information sur le projet.

2.Les arguments des parties

Le plaignant, qui est un particulier, estime que le titre et le contenu de ces documents comportent des allégations fausses sur de prétendues qualités environnementales de la centrale et plus précisément sur ses aptitudes à lutter contre le réchauffement climatique telles que « Construire ensemble une énergie d’avenir », «. ..préservation de l’environnement… », «… compatible avec les objectifs du Grenelle de l’Environnement.. », «… la technique la plus respectueuse de l’environnement.. », s’agissant de la mise en avant d’une centrale électrique au gaz qui  utilise une énergie fossile, polluante et émettrice de CO2 et qui va s’ajouter à d’autres moyens de production thermique et non s’y substituer. Il conteste également qu’elle puisse se  réclamer des objectifs du Grenelle de l’environnement et se parer ainsi d’un caractère officiel.

La société annonceur soutient que les affirmations contenues dans la plainte consistent avant tout à contester l’essence même du projet de centrale et à utiliser 1’ARPP et le Jury comme des tribunes pour faire valoir cette opposition politique.

La société annonceur développe sa défense en reprenant les arguments de la partie plaignante :

Selon le plaignant, le titre de la lettre d’information «Construire ensemble une énergie d’avenir » serait de nature à induire en erreur la population locale, dans la mesure où il lui ferait croire que l’électricité provenant de la centrale serait produite au moyen d’une technologie d’avenir et non au moyen d’une technologie que la plaignante estime dépassée, à savoir une centrale thermique à cycles combinés à gaz (CCG). Elle estime que, pour être qualifiée d’énergie d’avenir, l’électricité doit être produite par le biais d’énergie renouvelable.

L’annonceur fait valoir que le plaignant confond «technique d’avenir» et «énergie renouvelable ». Or, ces deux notions ne sauraient être assimilées. En effet, il existe des technologies de production d’électricité modernes qui n’utilisent pas les énergies renouvelables. Tel est le cas de la technologie qui sera utilisée à la centrale. La société annonceur décrit précisément dans les questions-réponses n° 7 et n° 8 la technologie qui sera utilisée pour la production d’électricité à savoir une centrale thermique à cycle combiné à gaz.

Les centrales thermiques constituent un moyen de production indispensable au mix de production énergétique nécessaire à la satisfaction de la consommation nationale, en ce qu’elles permettent de répondre, en raison de leur flexibilité, aux pointes de consommation en électricité. Dans cette gamme, les centrales thermiques à cycle combiné gaz sont des technologies récentes en France et sont appelées à faire partie du paysage énergétique français dans les prochaines décennies. En effet, leur efficacité énergétique et leur qualité environnementale sont très supérieures à celles des centrales thermiques «concurrentes » qui font appel à des technologies plus anciennes : le rendement des cycles combinés gaz est de 57%, à comparer au rendement de l’ordre de 35 à 40% pour les centrales au fioul ou charbon.

La société annonceur a donc parfaitement informé la population quant au type de technologie retenu ainsi que des raisons ayant présidé à ce choix.

La société annonceur a aussi explicité en quoi cette technologie contribuerait à la production d’une énergie d’avenir, c’est-à-dire répondant aux besoins de pointe de la population dans l’avenir. Les pouvoirs publics ont d’ailleurs préconisé, à deux reprises, dans les Programmations Pluriannuelles des Investissements (les PPI) 2006 et 2009, le recours à ce type de centrales thermiques CCG comme variable d’ajustement de l’offre et la demande d’électricité sur les réseaux électriques.

D’autre part, le gestionnaire de transport de gaz a, aux termes d’une étude de raccordement, conclu à la faisabilité de raccorder la centrale à l’une des plus grosses artères de gaz existant en France. Cette étude a également précisé que le site ne nécessitait pas de renforcement de réseau pour assurer l’approvisionnement des installations au débit et à la pression demandés.

L’annonceur rappelle que sa filiale a obtenu, le 10 juin 2009, du Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, l’autorisation d’exploiter, sur le territoire de la commune, une centrale thermique CCG. Pour délivrer cette autorisation, le Ministère a naturellement pris en compte la question de la sécurité des futurs approvisionnements.

Ainsi, la technologie des centrales thermiques CCG utilisée par l’annonceur pour le Projet de Centrale constitue bien une technologie d’avenir dans la mesure où d’une part, elle permettra de satisfaire aux besoins de pointe en électricité de la population dans les prochaines décennies, d’autre part elle satisfera à cet objectif dans des conditions optimisées d’utilisation du combustible.

Par ailleurs, la plainte opère un amalgame entre «énergies renouvelables» et «énergie propre» qui sont pourtant deux notions distinctes. Or, nulle part dans la lettre d’information, la société annonceur ne fait référence à l’utilisation d’énergies renouvelables pour la production d’électricité de la centrale. De plus, les questions-réponses n° 6, n° 7 et n° 8 figurant en page 2 de la lettre d’information, qui ont pour objectif de fournir des informations à la population locale sur le Projet de Centrale, mentionnent, sans ambivalence possible, le mode de fonctionnement au gaz de la centrale. En effet, la question-réponse n° 6 indique que: “.. la zone présente tous les éléments techniques nécessaires au fonctionnement de la centrale : présence d’une artère de gaz naturel pour l’alimentation […] » et  la question-réponse n° 8 indique, pour sa part, que: «Le Cycle Combiné Gaz, qui est la technologie de la centrale, est considéré comme la technique la plus respectueuse de l’environnement».

Enfin la question n° 7 élimine tout doute quant à l’utilisation d’énergies renouvelables, notamment l’éolien et le photovoltaïque pour le projet de centrale: «La centrale doit permettre de répondre aux besoins en électricité dits « de pointe » […]. Les éoliennes ou le photovoltaïque sont des énergies à promouvoir, mais elles ne permettent pas de répondre à des besoins de pointe parce que leur fonctionnement dépend des conditions climatiques ».

Ainsi, la lettre d’information respecte la Recommandation Développement durable publiée par 1’ARPP en juin 2009, qui précise les exigences que doivent respecter les entreprises utilisant le terme de développement durable dans leurs documents publicitaires. Selon cette Recommandation, la notion de développement durable repose sur trois piliers, environnemental, social/sociétal et économique. Ainsi tout projet ou action se réclamant du développement durable doit cumulativement concilier les trois piliers mentionnés ci-avant, c’est-à-dire «assurer le progrès économique et social sans mettre en péril l’équilibre naturel de la planète actuel et à venir ».

La société annonceur est à même de rapporter la preuve que le projet de centrale présente d’indiscutables avantages sociaux, environnementaux et économiques, que ce soit par les caractéristiques intrinsèques du projet de centrale ou par les engagements pris par la société annonceur et, qu’ainsi, les messages contenus dans la lettre d’information attaquée s’inscrivent dans le droit fil de la Recommandation précitée.

La lettre d’information ne peut pas avoir induit en erreur la population dans la mesure où la société annonceur a explicité, dans la question-réponse n° 8 qui y figure, en quoi le projet de centrale est compatible avec les objectifs du Grenelle de l’environnement.

A ce titre,  la technologie des cycles combinés à gaz retenue par la société annonceur pour le projet de centrale, est reconnue comme la technologie la plus respectueuse de l’environnement par rapport à celles utilisées par les centrales existantes (charbon ou fioul). En effet, elle permet, comme il a été démontré, de réduire de façon significative les émissions de CO2 et d’autres polluants atmosphériques et est, à ce titre, compatible avec l’un des objectifs premiers du Grenelle de l’environnement. D’ailleurs, avant même l’adoption de la loi  « Grenelle I», la PPI 2006 avait préconisé: «le recours à des cycles combinés à gaz, justifiés par rapport à des centrales à charbon notamment du point de vue environnemental. Les centrales au gaz rejettent en effet environ deux fois moins de C02 que les centrales au charbon propres ».

Tous ces éléments démontrent que les centrales thermiques CCG sont considérées, par des organes officiels et indépendants, comme des technologies bien plus respectueuses de l’environnement en termes d’émission de gaz à effet de serre que les centrales classiques, notamment à l’aune des objectifs poursuivis par la loi « Grenelle I ».

D’ailleurs, le Rapport au Parlement, en page 6, souligne: « Pour le choix des moyens de semi-base supplémentaires, la PPI préconise le recours à des cycles combinés gaz, justifiés par rapport à des centrales à charbon notamment du point de vue environnemental. La réalisation de cette préconisation, accompagnée du développement d’énergies renouvelables, conduirait dans le scénario central de la PPI, à une baisse de l’ordre de 25% des émissions de C02 du secteur électrique français centralisé en 2015 (en moyenne, hors aléas climatiques, hors cogénération).»

Ainsi, tant sur le plan de la technologie utilisée que sur les engagements pris en matière de réduction de la consommation d’énergie, le projet de centrale est bien compatible avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre contenus dans la loi « Grenelle I ».

3.Les motifs de la décision du Jury

La Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose, notamment, que :

– La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable.(1.1)

– L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité (1/4)

– Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de son produit en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose (2/1).

– Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.(7.1)

Ces Recommandations conduisent à considérer que si la déontologie publicitaire n’exige pas que le message constitue une information à caractère technique et scientifique, il existe toutefois, lorsque sont utilisés les arguments de l’écologie et du développement durable, une responsabilité particulière de l’annonceur, d’une part, de ne pas tromper le public sur la réalité des qualités du produit et des actions qu’il mène, d’autre part, de ne pas laisser envisager que le produit, dans sa fabrication et son utilisation, est sans dommage pour l’environnement .

Les documents publicitaires incriminés par la plainte consistent en des 4 pages réalisés par la société annonceur et la Communauté d’Agglomération pour annoncer la tenue d’une réunion d’information et d’échange sur le projet de la société annonceur de construire une centrale de production d’électricité à partir d’un cycle combiné gaz sur le territoire de la Communauté d’Agglomération. Ils comportent également un certain nombre d’explications et d’argumentations, notamment sous forme de questions/réponses, en faveur du projet. Ces documents ne s’inscrivent pas dans le cadre des procédures administratives auxquelles le projet de centrale doit être soumis et constituent des documents publicitaires.

C’est au regard des arguments écologiques qui y figurent que doivent être analysés les griefs de la plainte.

Sur le titre des documents : « Construire ensemble une énergie d’avenir »

La plainte fait valoir que ce titre est trompeur dès lors que le projet de centrale ne fait pas appel à une énergie renouvelable et qu’elle ne peut donc être qualifiée d’avenir.

Le Jury observe toutefois que, d’une part, les publications en cause ne rattachent pas le projet de centrale aux énergies renouvelables et n’entraînent aucune confusion à cet égard et, d’autre part, que – ainsi que cela sera développé ci-dessous – les centrales thermiques à cycle combiné gaz sont des technologies récentes en France dont l’efficacité énergétique et les qualités environnementales sont supérieures aux autres centrales utilisant des énergies fossiles  auxquelles elles ont vocation à se substituer dans l’avenir.

En ce sens et dans ce contexte, le titre retenu ne présente pas un caractère trompeur.

Sur les arguments utilisés :

La plainte invoque le caractère trompeur des arguments employés qui mettent en avant le développement durable et la contribution du projet aux objectifs du Grenelle de l’environnement, tentant de donner ainsi un caractère officiel à cette campagne, alors d’une part, que ces objectifs consistent à diminuer l’emploi d’énergies fossiles pour la production d’électricité, d’autre part, que la technologie employée par le projet  émet des gaz à effet de serre et ne constitue donc pas la « technologie la plus respectueuse de l’environnement ».

Elle soutient encore que ce moyen de production ne supprime pas les autres mais va, au contraire, s’y ajouter et qu’il ne constitue pas un moyen d’absorber les pointes de consommation, contrairement à ce qui est affirmé.

Sur le premier point, le Jury constate que, si les travaux du Grenelle de l’environnement recommandent effectivement de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur de l’énergie, ils visent essentiellement, dans un premier temps, à imposer progressivement aux centrales à combustible fossile des taux d’émission de dioxyde de carbone et de particules correspondant « aux technologies les plus performantes ».

Cet objectif conduit, ainsi que cela a déjà été explicité dans le rapport au Parlement sur la programmation pluriannuelle des investissements de production électrique (2005-2015) et repris dans le bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France établi par RTE pour 2009, à procéder progressivement au déclassement de plus de la moitié des centrales au charbon existantes et à la limitation de celles fonctionnant au fioul, et pour les moyens de semi-base supplémentaires à recourir aux centrales à cycle combiné à gaz, recours justifié du point de vue environnemental par leurs meilleures performances puisque, notamment, ce procédé, s’il utilise de l’énergie fossile, rejette deux fois moins de CO2 que les centrales au charbon .

Les documents publicitaires critiqués peuvent  donc, sans exagération, revendiquer que ce projet s’inscrit dans le cadre de  la mise en œuvre des recommandations du Grenelle de l’environnement relatives au développement durable.

Sur l’argument consistant à faire valoir que, contrairement à ce qui est affirmé sur les documents publicitaires en réponse à la question 7, la centrale projetée n’est pas en mesure de répondre aux besoins de pointe et dépassera largement les besoins de l’extrême pointe pour produire une électricité qui s’ajoutera à celle des centrales existantes plus polluantes et ne s’y substituera pas, notamment localement, le Jury relève que, ainsi que cela est exprimé dans le rapport au Parlement déjà cité, les centrales au gaz sont à même de répondre aux besoins de pointe, et cela d’autant plus qu’elles sont situées  à proximité d’un point d’entrée du gaz naturel en France, ce qui est le cas de la centrale en cause. Il observe aussi que, ainsi que cela  a déjà été rappelé plus haut, l’amélioration de la performance du parc énergétique français implique dans un premier temps la substitution de centrales à énergies fossiles plus performantes aux centrales anciennes, dont l’arrêt ou la limitation seront programmés dans les années à venir.

Les termes de la réponse critiquée n’apparaissent donc pas trompeurs.

Au regard des éléments qui précèdent et, contrairement à ce que soutient la plainte, la société annonceur et la Communauté d’Agglomération justifient que les centrales à cycle combiné gaz ne sont pas inutiles dans le paysage énergétique français et s’inscrivent dans les objectifs du Grenelle de l’environnement.

Toutefois, le Jury observe qu’à la question 8 du prospectus intitulée « Ce projet est-il compatible avec les objectifs du Grenelle de l’environnement ? » figure la réponse affirmative suivante : « Oui, tout à fait. Le cycle combiné Gaz …est considéré comme la technique la plus respectueuse de l’environnement». Or, si ces centrales sont les plus respectueuses de l’environnement, c’est en comparaison de celles qui utilisent le charbon ou le fioul et non pas de manière absolue, comme la réponse peut le laisser croire.

Ainsi exprimée, alors qu’il s’agit d’un avantage relatif, cette affirmation ne respecte pas les recommandations de l’ARPP en matière de développement durable rappelées ci-dessus, notamment celle énoncée en 2/1. Et, la circonstance que le prospectus en cause appelait à une réunion d’information ou à un débat, où ce point aurait pu être développé ou explicité, n’est pas de nature à atténuer la portée de ce manquement compte tenu de l’obligation particulière  qui pèse sur les annonceurs, les agences ou les médias, de délivrer une information fiable lorsqu’ils utilisent des arguments mettant en avant les qualités environnementales d’un produit ou d’une action.

4.La décision du Jury

–   La plainte est  fondée mais seulement en ce quelle concerne les termes de la réponse à la question 8 du document mis en cause.

–   Elle est rejetée pour le surplus.

–   La présente décision sera communiquée au plaignant, à la société annonceur et à la Communauté d’Agglomération.

–   Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 4 décembre 2009 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, Mme  Moggio, MM Lacan, Benhaïm, Carlo, Leers et Raffin.