Avis publié le 4 juillet 2024
YOOJO – 1009/24
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 8 mai 2024, d’une plainte émanant de l’Association Les Chiennes de Garde, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de la société Netdistrict, pour promouvoir son offre de services à domicile en ligne Yoojo.fr.
La publicité en cause, diffusée en affichage dans le métro parisien, est composée de trois photographies juxtaposées :
- à gauche, sur fond violet, la photo montre une femme souriante, un bandeau dans les cheveux. Elle tient dans ses bras un seau avec différents articles et produits ménagers. Le texte accompagnant cette image est « Réservez l’aide-ménagère idéale» ;
- au centre, sur fond bleu la photo montre un homme souriant, vêtu d’une salopette bleue. Il tient une perceuse dans la main droite. Le texte accompagnant cette image est « Réservez le bricoleur idéal» ;
- à droite, sur fond saumon, la photo montre une femme souriante, accompagnée d’une fillette dont elle tient les mains. Le texte accompagnant cette image est « Réservez la nounou idéale».
2. Les arguments échangés
– L’association plaignante fait valoir que cette publicité véhicule des stéréotypes sexistes sur les métiers dédiés aux femmes et à l’homme, avec un fond de couleur bleu pour l’homme et rose pour une des femmes.
– La société Netdistrict a été informée, par courriel avec accusé de réception du 14 mai 2024, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.
Son représentant ne comprend pas que la plainte ait été retenue. Il considère qu’il n’y aucun caractère discriminatoire dans l’affiche en cause qui reprend des événements simples de la vie quotidienne sans autre intention que de présenter certains services disponibles sur la plateforme de manière réaliste, claire et transparente.
Il fait valoir que sa société valorise l’accès à l’emploi pour toutes et tous et l’accès aux services à la personne au plus grand nombre, même les foyers au revenus plus modérés rencontrant des difficultés à garder leurs enfants ou accompagner les seniors. Cette polémique lui porte donc tort sans justification et surtout sans discernement au risque de porter atteinte aux combats tout aussi louables qu’elle mène.
Il affirme que les affiches publicitaires sont systématiquement validées par les juristes des cabinets publicitaires.
Il considère que la plainte relève d’un féminisme qui se veut excessif voir intégriste.
– La société d’affichage Médiatransports a également été informée de la plainte, par courriel avec accusé de réception du 14 mai 2024.
Elle a présenté des observations dans lesquelles elle explique comprendre que ce visuel ait pu interpeller compte tenu de l’association malheureuse faite entre le sexe des personnes représentées et les métiers mis en avant. Elle ajoute regretter que ce point ait échappé à la vigilance des équipes en charge du contrôle de ces visuels et vouloir renforcer leur sensibilisation à ce sujet.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose en son point 2 que :
« 2. Stéréotypes.
2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.
Le Jury relève que le message en cause a choisi de présenter l’image de trois types de profession dans un idéal qu’elle entend décliner par activité : celle d’aide-ménagère est représentée par une jeune femme, habillée en jaune, souriante aux cheveux longs relevés par un bandeau ; celle de bricoleur est représentée par un homme barbu au teint mat et souriant, en salopette bleue de travail ; celle de la nourrice est représentée par une jeune femme souriante qui tient les bras d’une fillette également souriante, toutes deux vêtues de couleur rose ou saumon.
Le Jury rappelle que si les dispositions précitées n’interdisent nullement de représenter une femme plutôt qu’un homme ou un groupe de personnes pour promouvoir une activité, les principes généraux du code ICC de la chambre de commerce internationale sur la publicité et le marketing soulignent que « toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale ».
Compte tenu de la persistance d’inégalités dans la répartition des tâches ménagères, matérielles et familiales entre les femmes et les hommes, le Jury estime que les professionnels de la publicité doivent faire preuve d’une certaine vigilance dans la représentation des sexes en assignant à la femme ou à l’homme un rôle stéréotypé de nature à favoriser des comportements inégalitaires ou réducteurs.
Même s’il comprend que telle n’a pas été l’intention de l’annonceur, le Jury considère que cette publicité, à l’instar de la société d’affichage Médiatransports qui a elle-même qualifié d’association malheureuse le lien fait par les images en cause entre le sexe des personnes représentées et les métiers mis en avant, doit être regardée comme étant de nature à véhiculer une image sexiste, réductrice et stéréotypée desdits métiers, renforcée encore par la référence à la notion d’ « idéal ».
De ce fait, elle méconnait pour les raisons indiquées ci-dessus, les dispositions de l’article 2 paragraphe 2-2 de la Recommandation « Image et respect de la personne ».
Avis adopté le 7 juin 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello et Lucas-Boursier.