US FEURS

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Plainte fondée

Avis publié le 13 mars 2023
US FEURS – 899/23
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le plaignant, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 15 décembre 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une communication de l’Union Sportive de Feurs (Loire).

Cette communication consiste en un post publié sur le compte du club sur Facebook, indiquant « Nouvel affichage à l’entrée de nos terrains » et comportant la photo d’une bâche imprimée, apposée sur les grilles entourant le stade de football de l’US Feurs. Sur cette bâche figure le texte suivant, écrit en lettres blanches sur fond bleu : « Papa n’oublie pas…. Je ne suis qu’un enfant – Ce n’est qu’un sport – Je suis là pour m’amuser – C’est nos amis – C’est « mon » match – L’arbitre est un être humain – Ce n’est pas la coupe du monde – Je t’aime papa – Pourtant maman te l’avait déjà dit. »

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que l’association sportive US Feurs a mis en œuvre un ensemble d’actions (affichage à l’entrée des stades, communication sur les réseaux sociaux) afin de se faire connaître et d’en tirer un bénéfice immatériel : lutter contre les incivilités des spectateurs lors des rencontres sportives.

En effet, son texte énumère une liste de valeurs relevant de l’éthique éducative et de l’éthique sportive, qui sont à respecter par le spectateur (respecter le degré d’implication de l’enfant, respecter les adversaires, respecter l’arbitre).

Le fait qu’elles soient rappelées suppose qu’elles ne sont pas respectées par certains spectateurs. Explicitement, dès les premiers mots « PAPA N’oublie pas », les spectateurs sont désignés comme les pères, et l’auteur des rappels comme un enfant (« Je t’aime PAPA »).

Le texte est celui d’un enfant, participant à des rencontres sportives, qui intervient auprès de son père spectateur parce qu’il a constaté chez lui des comportements déplacés lors de ces rencontres.

Le texte a implicitement une valeur universelle : les pères y sont stigmatisés, présentés comme des personnes irrespectueuses des désirs propres à leur enfant, irrespectueuses des règles et de l’esprit sportif. Il est en contradiction avec l’article 1.3 de la Recommandation
« Image et respect de la personne » de l’ARPP.

De plus, le fait que le texte ne s’adresse qu’aux pères et la dernière mention « Pourtant maman te l’avait déjà dit » introduisent une comparaison entre les spectateurs de sexe masculin et les spectatrices, les mères. Cette comparaison est très à l’avantage des mères, qui sont présentées, elles, comme bonnes connaisseuses des règles de l’éthique éducative et de l’éthique sportive, au point qu’elles s’efforcent, mais en vain, de les inculquer aux pères. Les mères sont donc très supérieures aux pères dans ces domaines-là. Le texte est clairement en contradiction avec l’article 2.2 de la Recommandation de l’ARPP.

Pour toutes ces raisons, le plaignant demande le retrait de cet affichage, ou du moins la refonte du texte, qui en exclurait tout contenu attentatoire à l’image des pères, ou sexiste.

Il témoigne du fait qu’en tant que père, il n’insulte pas les arbitres et voit aussi des mères s’emporter et perdre le contrôle d’elles-mêmes lors des matchs de leurs enfants.

Il ajoute que cette campagne n’est pas anecdotique, puisque le club l’a relayée sur son compte Facebook où l’affichage a été partagé plus de 72 000 fois et commenté plus de 10 000 fois.

Lors de la séance, le plaignant a repris en substance son argumentaire. En tant que père, il se sent rabaissé par cette communication. L’opposition entre le père et la mère renforce le biais discriminatoire du message. Il estime que la bâche critiquée et le post Facebook qui la reproduit est une publicité car elle défend les valeurs du club ; cela leur a offert une tribune, comme en témoignent les nombreux articles commentant cette initiative.

L’Union Sportive Feurs a été informée, par courriel avec avis de réception du 6 janvier 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant fait valoir qu’il s’agit d’une bannière destinée à sensibiliser les supporters au respect à observer autour des terrains de football.

L’USF a mis en place, le 9 décembre 2022, des bannières à l’entrée des terrains sur lesquels jouent les jeunes footballeurs et footballeuses. L’idée est venue à la suite d’incidents mineurs constatés à Feurs et sur les terrains extérieurs. Inspirée de l’un de ses déplacements, l’US Feurs a décidé de mettre en place ce dispositif afin d’alerter les spectateurs sur la bonne conduite à tenir dans l’enceinte du stade.

Cette affiche se veut avant tout une occasion de réfléchir à l’attitude à observer autour des terrains où les enfants pratiquent leur passion plutôt qu’un enclencheur de polémique.

Le Comité Directeur de l’Union Sportive de Feurs est composé de quatre pères de joueurs, le Conseil d’Administration est composé de 18 membres dont 14 sont des hommes et une quarantaine de dirigeants dont 1/3 sont des femmes, il n’était évidemment pas convenu de stigmatiser les papas, tel ou tel, ni les jeunes parents ou les grands-parents plus âgés.

Pour preuve, le Responsable Communication faisait part de ses réserves lors de son entretien au journal Le Progrès paru le 14 décembre 2022. Il a par ailleurs systématiquement conseillé l’inclusivité aux nombreux clubs l’ayant contacté.

Le vice-président en charge des jeunes faisait, quant à lui, une explication de texte sur France Inter le 16 décembre 2022 avec le témoignage d’une maman de footballeur forézien.

L’US Feurs a pu mesurer, au travers des réseaux sociaux, que la majorité accueillait la démarche positivement voire encourageait l’initiative ou demandait des conseils pour la reproduire. Dans d’autres cas, les commentaires s’offusquaient du contenu « maladroit » mais pas malveillant.

En tout état de cause, il est nécessaire de dissocier le fond et la forme et de s’autoriser une lecture au 2ème degré.

Un club sportif a une vocation sociale dans son rôle d’éducation sportive et morale des enfants mais également des accompagnants.

Le représentant de l’US Feurs ajoute que, dès le 10 décembre 2022, le club a prévu de modifier l’affiche en cause et de la rendre plus inclusive, le nécessaire devant être fait au printemps.

– La Fédération Française de Football (FFF) a été sollicitée pour observations. Elle n’en a pas produites.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que, selon l’article 2 de son règlement intérieur, il est compétent « pour se prononcer sur tout message publicitaire, à caractère commercial ou non, à l’exclusion de la propagande électorale ou de tout document à caractère politique ou syndical ». A ce titre, le Jury considère que constitue un message publicitaire toute communication ayant pour objet principal de promouvoir un produit, un service, une personne ou une cause, et qui émane de la personne à laquelle elle bénéficie, directement ou indirectement (qualifié d’« annonceur »), ou qui est réalisée en son nom ou avec son assentiment. La publicité se distingue d’une simple information par sa visée promotionnelle, laquelle s’apprécie notamment au regard de son contenu, de sa présentation visuelle et des conditions de sa diffusion.

En l’espèce, le Jury relève que la plainte porte non pas sur la bâche apposée sur le bord du terrain de football de l’Union sportive de Feurs elle-même, qui est susceptible d’être regardée comme une simple information à destination des usagers de cet équipement sportif, mais sur le post diffusé par le club sur son compte Facebook, annonçant l’apposition de cette bâche. Une telle initiative doit être regardée comme promouvant l’image du club auprès du grand public à travers son implication dans la lutte contre les incivilités émanant des parents d’enfants pratiquant le football en club. Cette communication revêt donc le caractère d’un message publicitaire, de sorte que le Jury est compétent pour se prononcer sur la présente plainte.

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose, en son point 2 « Stéréotypes » que :

« 2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la bâche reproduite sur le post Facebook litigieux comporte un texte qui se présente comme émanant d’un enfant inscrit dans le club de football, qui rappelle à son père qu’il ne s’agit que d’un sport, qu’il est là pour s’amuser avec ses amis, que l’arbitre est un être humain (sous-entendu : il doit être respecté comme tel, y compris lorsqu’il commet une erreur d’arbitrage réelle ou supposée) et que « ce n’est pas la coupe du monde ». Il invite ainsi son père à relativiser l’enjeu des compétitions sportives auxquelles participe son fils ou sa fille et, implicitement, à y adapter son comportement en s’abstenant de toute violence physique ou verbale et, plus largement, de toute sur-réaction à l’égard des joueurs, arbitres, entraîneurs et spectateurs. La bâche précise en bas : « Pourtant maman te l’avait déjà dit ».

Le Jury estime que, sur le fond, un tel message contribue très opportunément à la sensibilisation du public à la question majeure des violences et incivilités dans le monde du football amateur des jeunes et de la pression psychologique des adultes sur les enfants dans ce contexte, laquelle peut avoir des conséquences particulièrement néfastes sur leur épanouissement et leur bien-être psychologique.

Pour autant, et comme l’admet du reste le club annonceur, le Jury estime que ce texte repose sur une vision sexiste de cette problématique, en imputant à l’homme, et à lui seul, les comportements répréhensibles dénoncés, par contraste avec sa compagne qui, elle, adopterait une attitude raisonnable et contribuerait même à y sensibiliser le premier. Or, s’il est vraisemblable que les écarts de comportement qu’on peut déplorer dans les stades sont majoritairement imputables aux pères, ces derniers n’en ont pas le monopole.

Le Jury est donc d’avis que la publicité méconnaît le point 2.3. de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP. Il prend acte de l’intention du club annonceur de modifier la bâche au printemps prochain.

Avis adopté le 10 février 2023 par le Jury de déontologie publicitaire, composé de M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Charlot et Boissier, MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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