SEX EDUCATION – Affichage – Presse – Plaintes infondées 

Avis publié le 4 mai 2020
SEX EDUCATION – 641/20
Plaintes infondées 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après en avoir débattu, à l’aide d’un outil de visioconférence à distance compte tenu de la situation liée à la pandémie de Covid-19,
  • les personnes intéressées en ayant été informées,
  • et compte tenu de la demande de révision présentée par l’un des plaignants,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 14 et le 28 janvier 2020, de dix plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire, diffusée en affichage et en presse, en faveur de la société Netflix, pour faire la promotion de la saison 2 de sa série « Sex Education ».

Les quatre visuels mis en cause représentent respectivement :

  • une culotte blanche portant la mention « Non, c’est non » ;
  • une culotte rouge, une serviette hygiénique comportant des taches rondes roses et rouge, un tampon hygiénique imbibé de liquide rouge et une coupe menstruelle ;
  • l’une des actrices du film désignant de son index une maquette en plastique reproduisant, en version agrandie, l’anatomie d’un clitoris ;
  • le visage en plan serré de deux hommes s’embrassant, bouches entrouvertes.

Ces images sont accompagnées du texte « Netflix. Le petit manuel Sex Education. A l’occasion de la sortie de la saison 2, révise tes classiques sur sexeducation.fr », et, parfois, les mentions « Chapitre 4 Anatomies » ou « Chapitre 8 Les règles ».

2. Les arguments échangés

Les plaignants considèrent que ces publicités sont choquantes, indécentes et violentes.

Ils estiment également que la présence de cette campagne dans l’espace public, notamment dans la rue ou le métro, est totalement inadaptée au jeune public.

Certains plaignants soutiennent également que les affiches évoquant l’intimité féminine présentent un caractère dégradant pour l’image de la femme.

D’autres plaignants estiment que ces visuels présentent un caractère pornographique, voire que la banalisation d’images sexuelles est néfaste pour les enfants. Certains soutiennent que cette banalisation est en contradiction avec la lutte contre les dangers de la pédophilie.  La représentation d’images en lien avec la sexualité ne devrait pas, selon eux, être exposée au regard des enfants.

Enfin, plusieurs plaignants considèrent que l’image présentant le baiser de deux hommes, bouches entrouvertes et langue apparente est une incitation à la débauche.

La société Netflix a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 28 février 2020, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle rappelle que cette campagne publicitaire a été diffusée pour annoncer la deuxième saison de la série « Sex Education ».

Si l’annonceur comprend que ces affiches sont de nature à susciter des réactions différentes selon les sensibilités de chacun, il considère toutefois qu’elles ne présentent pas de caractère choquant ou indécent et ne propagent pas une image de la personne humaine susceptible de porter atteinte à sa dignité.

Il soutient cette campagne est en parfaite conformité avec le droit applicable.

Il considère que ces visuels sont avant tout des représentations artistiques, par une photographe et réalisatrice engagée, Charlotte Abramow, qui est l’autrice du « Petit Manuel Sex Education », de diverses thématiques qui sont actuellement débattues dans la société telles que le consentement, l’homosexualité ou la connaissance du corps des femmes.

Il relève que la représentation d’une culotte blanche portant l’inscription brodée « Non, c’est non » fait référence à la question du consentement, laquelle s’inscrit dans le cadre des débats actuels sur les violences faites aux femmes. Sur l’affiche montrant des protections périodiques, le sang sur la serviette hygiénique ou le tampon est représenté de manière imagée par des broderies de couleur rouge et rose.  Le clitoris montré sur l’une des autres affiches est une représentation anatomique, de type de celles que l’on peut désormais trouver dans les manuels scolaires de sciences de la vie à destination des collégiens.  Le plan rapproché du baiser entre deux hommes de couleurs différentes a vocation à véhiculer un message de tolérance et d’ouverture d’esprit sur l’orientation sexuelle.

Enfin ces affiches, qui ne montrent aucun sexe ni aucune nudité, ne sont, selon l’annonceur, ni obscènes ni pornographiques. Aucun des acteurs représentés sur les affiches n’est d’ailleurs montré dans une position indigne, dégradante ou indécente.

La société Netflix considère par conséquent que ces images ne sont pas de nature à heurter la sensibilité du public, y compris des plus jeunes, si bien que les plaintes sont infondées.

Les supports de diffusion ont également été informés, par courrier recommandé avec avis de réception du 5 février, des plaintes dont copies leur ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société d’affichage Médiatransports indique que la campagne a été affichée du 14 au 20 janvier 2020 dans le métro parisien par METROBUS, dans les gares par MEDIAGARE et MEDIARAIL, puis diffusée sur les panneaux numériques du métro du 15 au 20 janvier 2020 et des gares du 16 janvier au 21 janvier 2020.

Les quatre visuels correspondent aux versions qu’elle a validées après les contrôles de légalité, de respect des règles déontologiques et de ses obligations contractuelles vis-à-vis de la RATP et du groupe SNCF, qui sont opérés préalablement à tout affichage ou diffusion de publicité sur ses réseaux.

Ces validations sont intervenues après plusieurs modifications apportées aux projets initiaux proposés par l’annonceur. En effet, compte-tenu de son caractère décomplexé et sans tabou, cette campagne était susceptible de susciter des réactions auprès du public de voyageurs, comme l’a soulevé l’ARPP dans son conseil du 6 décembre 2019.

Le visuel « Chapitre 6 – Fais jouer ta créativité », a ainsi été écarté, notamment en raison de la carte intitulée « Joker », clairement évocatrice de l’anatomie intime d’un homme et donc contraire à la décence.

La société Médiatransports considère que les visuels sont en lien avec l’univers de « Sex Education » et de l’œuvre dérivée de la photographe Charlotte Abramow dont ils reflètent l’intention éducative.

En premier lieu, elle relève que les plaintes qualifiant les visuels de pornographiques ou comme banalisant la pédophilie sont disproportionnées. Elle rappelle que la notion de pornographie renvoie à l’article 227-24 du code pénal relatif à la protection des mineurs et des règles de délivrance des visas à des œuvres cinématographiques et que le premier critère, objectif, découle du constat de la représentation de scènes de sexe non simulées ou de scènes d’une très grande violence.

En outre, elle considère qu’aucun des visuels ne suggère aucune violence, ni ne porte une atteinte grave à la dignité humaine.

Elle ajoute que ces représentations accompagnent l’évolution des mœurs et des comportements que l’on peut constater dans la communication publicitaire, par exemple les campagnes « Nana » ou « Naturalia » pour promouvoir les serviettes hygiéniques en évoquant sans tabou les règles, ou dans la production littéraire, par exemple « Le guide du zizi sexuel » d’Hélène Bruller et Zep pour les 9-13 ans.

La société Médiatransport estime enfin que, contrairement aux arguments des plaintes, la série « Sex Education » et les thèmes mis en avant dans cette campagne publicitaire vont fournir aux enfants les connaissances nécessaires afin de faire face plus efficacement aux situations relevant de la pédophilie.

En second lieu, Médiatransports fait valoir que contrairement aux critiques formulées, aucun de ces visuels ne contrevient aux principes du point 1.1 de la Recommandation « Image et Respect de la personne », les autres points de cette même Recommandation n’étant pas susceptibles de s’appliquer aux visuels.

Le visuel qui présente une culotte sur laquelle il est écrit « Non, c’est non. » dénonce précisément le harcèlement et met comme fondement à toute relation le consentement et le respect. Il ne paraît pas de nature à heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.

La société ajoute que le visuel représentant l’actrice Emma Mackey, qui interprète le rôle de Maeve Wiley dans la série, et la modélisation d’un clitoris renvoie à une représentation humoristique et dédramatisée, sans lien avec la fonction de cet organe ou connotation à caractère sexuel Cette modélisation anatomique d’un clitoris est de nature à donner une image à un organe, longtemps tabou, qui n’est correctement représenté que depuis 2017 selon le manuel « Sex Education ».

La société considère que la représentation de protections hygiéniques ornées de petites fleurs brodées symbolisant le sang menstruel contribue à donner une image naturelle des règles et à décomplexer les femmes en montrant que les règles ne sont pas sales et honteuses. Il s’agit, selon elle, d’une représentation affirmée et sans tabou de la femme, moderne et actuelle : ce visuel n’est donc pas de nature à heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence mais vise au contraire à promouvoir un discours de nature à garantir la dignité de la femme.

Enfin, la société relève que le visuel représentant un couple homosexuel mixte s’embrassant est apparu conforme à la déontologie dans la mesure où il prône la tolérance eu égard à la xénophobie, d’une part, et à l’homophobie, d’autre part, s’agissant d’une représentation sans tabou d’une attitude conforme à l’évolution des mœurs.

En conclusion, Médiatransports indique que cette campagne, dont le contenu est certes décomplexé mais totalement éloigné de la pornographie ou de la banalisation de la pédophilie, revêt une vertu éducative et a bien été accueillie par la presse.

Elle s’appuie sur le naturel pour contribuer d’une part, au respect de la femme et à son émancipation des codes anciens et d’autre part, à la promotion de la tolérance, avancées culturelles qui semblent précisément être l’objet des critiques formulées dans la majorité des plaintes.

Le journal 20 minutes rappelle que sa diffusion quotidienne dépasse les 900 000 exemplaires, pour une audience qui atteint presque 4 millions, ce qui est à rapporter au nombre relatif de plaintes par rapport à la diffusion de 20 Minutes.

Il ajoute qu’une seule des trois créations de la campagne a été diffusée par le journal, à savoir la représentation pédagogique de l’organe féminin.

Cette création respecte la charte du journal et ne contrevient pas aux recommandations de respect de la personne édictée par l’ARPP. La seule représentation de l’organe féminin est elle-même régulièrement utilisée en salle de cours pour des élèves de collège, ou encore récemment dans un spot de publicité pour une marque de protections féminines.

Le journal ajoute que la vocation de la série est éducative, clairement définie comme telle, et ne comporte aucune scène pornographique.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique avoir été interrogée sur cette campagne par des sociétés d’affichage adhérentes, dans le cadre de sa mission de délivrance de conseils, en décembre 2019 et janvier 2020.

L’ARPP fait valoir que, de manière générale, elle veille tout particulièrement à ce que les messages publicitaires qui lui sont soumis respectent les principes déontologiques élémentaires en matière de dignité de la personne et de décence. Ces principes sont inscrits dans les dispositions du Code ICC sur la publicité et la communication commerciale ainsi que dans la Recommandation ARPP « Image et respect de la personne ».

En l’espèce, plusieurs projets lui ont été soumis, en faveur de la nouvelle série proposée par Netflix, dont les visuels « Chapitre 3Désire qui tu veux », « Chapitre 8Les règles c’est normal » et « Chapitre 4 – Connais-toi toi-même ».

L’ARPP a relevé que ces affichages étaient en lien avec l’univers de l’œuvre audiovisuelle.

Elle a alerté l’annonceur sur le fait que le gros plan de baiser avec visualisation de la langue était susceptible de susciter des réactions du public, ce risque de réaction semblant accru pour les visuels présentant l’anatomie stylisée d’une femme ou utilisant des éléments d’hygiène féminine usagés, appuyés par une accroche très explicite « Les règles c’est normal ».

En effet, l’expérience montre que de telles représentations peuvent être perçues par le public comme indécentes ou contraires à la dignité.

En revanche, la carte intitulée « Joker » illustrée par un visuel évocateur de l’anatomie intime d’un homme a été considéré comme contraire à la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP et à l’article 3 du code ICC sur la publicité et les communications commerciales relatif à la décence.

Le Réviseur de la Déontologie publicitaire a été saisi d’une demande de révision formulée par l’un des plaignants le 14 avril 2020. Le Réviseur a examiné cette demande conformément à l’article 22.1 du Règlement intérieur du Jury de Déontologie Publicitaire et lui a apporté la réponse jointe en annexe du présent Avis.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :

« 1.1. La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.

2.2. La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. 

2.3. La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme (…) ».

Enfin, le Code ICC sur la publicité et les communications commerciales dispose que :

« Article 2 – Responsabilité sociale : Les communications commerciales doivent respecter la dignité humaine et ne doivent pas inciter ou cautionner aucune forme de discrimination, notamment fondée sur l’origine ethnique ou nationale, la religion, le sexe, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle ».

« Article 3 – Décence : La communication commerciale doit proscrire toute déclaration ou tout traitement audio ou visuel contraire aux convenances selon les normes actuellement admises dans le pays et la culture concernés ».

Le Jury relève que les quatre visuels mis en cause représentent respectivement :

  • une culotte blanche portant la mention « Non, c’est non » ;
  • une culotte rouge, une serviette hygiénique comportant des taches rondes roses et rouge, un tampon hygiénique imbibé de liquide rouge et une coupe menstruelle ;
  • l’une des actrices du film désignant de son index une maquette en plastique reproduisant, en version agrandie, l’anatomie d’un clitoris ;
  • le visage en plan serré de deux hommes s’embrassant, bouches entrouvertes.

Ces images sont accompagnées du texte « Netflix. Le petit manuel Sex Education. A l’occasion de la sortie de la saison 2, révise tes classiques sur sexeducation.fr », et, parfois, les mentions « Chapitre 4 Anatomies » ou « Chapitre 8 Les règles ».

A titre liminaire, le Jury constate que la campagne publicitaire porte sur la promotion d’une série qui met en scène différents moments de l’éducation sexuelle de personnages lycéens et des familles qui les entourent, sur les thématiques du consentement, de l’homosexualité ou de la connaissance du corps des femmes.

Le Jury rappelle, à cet égard, que l’éducation sexuelle relève de l’intimité de chacun et que les conceptions individuelles des interdits qui l’entourent doivent être prises en considération dans l’analyse du caractère décent des représentations publicitaires. Il précise, par ailleurs, que l’argument de la valeur artistique des visuels n’est pas au nombre des critères qu’il retient pour vérifier si une publicité respecte les règles de déontologie publicitaire.

Le Jury constate, en premier lieu, que la représentation d’une culotte portant la mention « Non, c’est non », qui renvoie au nécessaire consentement à l’acte sexuel, sans aucune représentation de celui-ci, ne peut être perçue comme contraire à la décence ou véhiculant une image dégradée de la femme.

En deuxième lieu, le Jury estime que le visuel sur les règles s’inscrit dans perspective d’une éducation, évoquée dans la série, contre les tabous, en particulier contre une perception des règles qui serait dégradante pour les femmes. La matérialisation de taches rouges, brodées sur une serviette hygiénique, permet, en l’espèce, de symboliser le sang de manière distanciée. L’image de cette serviette brodée de rouge, accompagnée d’une culotte rouge, d’un tampon hygiénique imbibé de liquide rouge et d’une coupe menstruelle ne présente donc pas de caractère choquant ou indécent et reste acceptable pour la majorité du public.

En troisième lieu, le Jury relève que la représentation de l’anatomie d’un clitoris renvoie à la thématique de la série relative aux tabous et à la méconnaissance dénoncée de cette partie du corps féminin. La modélisation, en plastique coloré, est stylisée, conforme aux représentations anatomiques pédagogiques et ne renvoie pas à la fonction sexuelle de l’organe. Dans le contexte d’une publicité pour la série portant précisément sur l’éducation sexuelle, le visuel portant la mention « Chapitre 4 Anatomies », où la maquette est désignée par une actrice comme un objet d’étude, reste donc également acceptable pour la majorité du public.

En quatrième lieu, le Jury constate que la photographie montrant le visage deux hommes s’embrassant, bouches entrouvertes, est caractérisée par un très gros plan sur une langue qui brille au milieu de l’affiche. Le Jury énonce sans réserve que le fait de montrer, dans une publicité, deux personnes de même sexe qui s’embrassent, n’est par lui-même pas de nature à choquer et à méconnaître le point 1.1 de la Recommandation « Image et respect de la personne ». Le Jury regrette toutefois, en l’espèce, la nature réaliste de la représentation de la langue qui donne une connotation sexuelle forte à cette image et manifeste une volonté de provoquer. Cependant, s’il admet que certaines personnes puissent être interpellées par le réalisme de cette représentation, le Jury considère qu’elle demeure acceptable pour la majorité du public.

Enfin, si le Jury comprend que l’ensemble des images, qui portent sur des sujets intimes et sexuels, sont de nature à susciter des réactions selon les sensibilités, il relève que les visuels ne comportent aucune image pornographique et ne propage pas une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la campagne publicitaire en cause ne méconnaît pas les dispositions de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 3 avril 2020 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

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Consultez la réponse apportée par Monsieur Alain GRANGE-CABANE Réviseur de la Déontologie Publicitaire.