SALON DE MASSAGE

Imprimé

Plainte fondée / Demande de révision rejetée

Avis publié le 20 décembre 2023
SALON DE MASSAGE – 969/23
Plainte fondée
Demande de révision rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,
  • l’avis délibéré ayant été adressé au salon de massage, annonceur, lequel a introduit une demande de révision rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 octobre 2023, d’une plainte émanant de l’association Les Chiennes de Garde, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur d’un salon de massage à Paris.

La publicité en cause, diffusée par imprimé distribué sur les pare-brises de véhicules en stationnement dans une rue de Paris, présente une très jeune fille, agenouillée sur un lit et portant à sa bouche une partie de son vêtement transparent. Son regard triste voire apeuré est dirigé face à l’objectif.

Le texte accompagnant cette image est « Massage à partir de 35€ », suivi d’un numéro de téléphone, des horaires d’ouverture, d’une adresse à Paris ainsi que des coordonnées des transports en commun permettant d’y accéder.

2. Les arguments échangés

La représentante de l’association plaignante dénonce l’utilisation de cette image d’enfant érotisée pour des massages connus de toutes et tous comme des massages « avec finitions » à destination des hommes. Elle considère que cette publicité relève de la pédo-criminalité.

Le salon de massage a été informé, par courriel et par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 octobre 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Il a été également informé que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

Son conseil fait valoir que l’image incriminée ne représente pas une jeune fille mineure mais qu’il s’agit en réalité d’une représentation d’une jeune majeure. Selon la direction de l’établissement, cette seule photo ne suffirait pas en réalité pour affirmer que la personne représentée est mineure, la minorité d’une personne ne pouvant pas découler de la seule et simple image, sans oublier le fait que l’on peut vouloir représenter ce que l’on veut par la simple expression du modèle photographié suivant les exigences du photographe, lorsqu’il y en a un.

Il ajoute que cette photo est en réalité issue d’une image de synthèse représentant une jeune fille parfaite, c’est-à-dire « sans défaut », qui n’existerait pas en réalité. Cette image a été prise au hasard sur des sites chinois offrant des services identiques en Chine.

La société indique qu’elle ignorait qu’une telle représentation était interdite et s’engage, dans l’avenir, à ne plus accompagner ses « flyers » de quelconque photo de jeune fille.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose que :

« 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence. /

1.2 Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante et a fortiori ne réduise pas la personne à un objet. / (…)

2.1. La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet. / (…) ».

A titre liminaire, le Jury rappelle que les règles déontologiques qui viennent d’être citées ne font pas obstacle à ce que des publicités en faveur de prestation de soins du corps ou de massage représentent des modèles dans des poses mettant en valeur ces services, en cohérence avec ceux-ci, pour autant, notamment, que la publicité ne présente pas d’actes antisociaux ou délictueux, ne porte pas atteinte à la dignité ou à la décence dans des conditions de nature à heurter la sensibilité ou choquer le public, et n’induise pas d’idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine.

Le Jury relève que l’imprimé en cause, distribué sur les pare-brises de véhicules en stationnement dans une rue de Paris, présente une très jeune fille, agenouillée sur un lit et portant à sa bouche une partie de son vêtement transparent. Son regard triste, voire apeuré, est dirigé face à l’objectif. Le texte accompagnant cette image est « Massage à partir de 35€ », suivi d’un numéro de téléphone, des horaires d’ouverture, d’une adresse à Paris ainsi que des coordonnées des transports en commun permettant d’y accéder.

Si l’annonceur indique dans ses observations que la personne représentée est en réalité majeure, sans d’ailleurs en donner l’âge exact, puis, ce qui contredit ce propos, que la photographie est issue d’une image de synthèse représentant une « jeune fille parfaite », celle-ci est manifestement susceptible d’être perçue par le public comme une personne mineure, eu égard à ses traits, à sa faible corpulence et à son regard empreint de naïveté et apeuré. Cette présentation, associée à une pose lascive, une jambe nue repliée sous elle, et à la tunique de voile transparent qu’elle porte, peut donner à penser à un consommateur moyen que le salon de massage proposerait également au client des prestations impliquant des jeunes mineures, le cas échéant présentant un caractère sexuel, ce qui est susceptible de caractériser une infraction.

Dans ces conditions, le Jury estime que cette présentation visuelle est de nature à heurter la sensibilité du public et à porter atteinte à la décence.

Tout en prenant acte des engagements de l’annonceur, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions des Recommandations « Image et respect de la personne » de l’ARPP précitée. Eu égard à la gravité du manquement, il y a lieu d’assurer une publicité renforcée de l’avis et de le transmettre aux autorités compétentes.

Avis adopté le 10 novembre 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello et Lucas-Boursier.


Le Salon de massage, annonceur, auquel l’avis du JDP a été communiqué le 20 novembre 2023, a adressé, le 5 décembre suivant, une demande de révision sur le fondement de l’article 22 du Règlement intérieur du Jury. Celle-ci a été rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis, laquelle a été communiquée aux parties le 19 décembre 2023.

DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE

I) Instruction

Le Jury de Déontologie Publicitaire (ci-après “le Jury” ou “le JDP”) est saisi, le 10 octobre 2023, d’une plainte par laquelle l’association Les Chiennes de Garde (ci-après “la plaignante” ou “l’Association”), lui demande de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur d’un salon de massage ouvert à Paris 8ème (ci-après “le salon” ou “l’annonceur”).

La publicité en cause, sous forme d’imprimés/prospectus distribués sur les pare-brises de véhicules en stationnement dans une rue de Paris, représente une très jeune fille, agenouillée sur un lit et portant à sa bouche une partie de son vêtement transparent ; son regard triste, voire apeuré, est dirigé face à l’objectif.

Le texte accompagnant cette image est « Massage à partir de 35€ », suivi d’un numéro de téléphone, des horaires d’ouverture, d’une adresse à Paris ainsi que des moyens de transports en commun permettant d’y accéder.

Par un avis délibéré le 10 novembre, le Jury estime que la publicité en cause méconnaît les dispositions de la Recommandation Image et respect de la personne de l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité). Il ajoute que “Eu égard à la gravité du manquement, il y a lieu d’assurer une publicité renforcée de l’avis et de le transmettre aux autorités compétentes”.

Cet avis provisoire fait l’objet, de la part de l’annonceur, d’une demande en Révision adressée le 5 décembre. Cette demande est transmise à l’Association qui en retour fait connaître ses observations.

Par suite, et conformément au Règlement intérieur du JDP, le Réviseur se rapproche alors du Président du Jury et procède avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé son avis.

Sur ces bases, le Réviseur est dès lors en mesure d’apporter les réponses suivantes à la demande de Révision.

II) Discussion

La demande se présente comme soulevant une “critique sérieuse et légitime” de l’avis qu’elle conteste.

Pour l’essentiel, le conseil de l’annonceur croit, ou entend faire croire, que le problème de conformité à la déontologie publicitaire dont traite ce dossier consisterait en un débat, voire en un conflit, entre la plaignante et l’annonceur, ou entre l’annonceur et le Jury – et à ce propos il disserte longuement sur la charge de la preuve ou sur les modes de preuve.

En réalité, la seule question qui se pose au Jury est celle de la conformité à la déontologie en vigueur de la publicité incriminée ; pour ce faire, le JDP se doit d’apprécier, au regard des dispositions qu’il a mission d’appliquer (article 2 du Règlement intérieur), quelle perception du prospectus en cause peut en avoir “un consommateur moyen, c’est-à-dire normalement informé, raisonnablement attentif et avisé”.

Par suite les arguments répétés de l’annonceur sur l’âge réel de la jeune fille, sur les moyens techniques de transformer les images, ou sur la sévérité relative des autorités française ou chinoise “pour tout ce qui peut avoir un lien avec la pédo-criminalité” sont dépourvus de toute pertinence dans le litige et ne sont d’aucune utilité pour apprécier la conformité de la publicité en cause à la déontologie en vigueur ; ils ne peuvent donc être sérieusement invoqués au soutien de la demande de Révision.

D’autre part, l’avis provisoire a justifié avec précision en quoi la personne figurant sur l’image en cause “est manifestement susceptible d’être perçue par le public comme une personne mineure, eu égard à ses traits, à sa faible corpulence et à son regard empreint de naïveté et apeuré”. En Révision l’annonceur ne soutient pas, et encore moins n’établit, que ces appréciations du Jury seraient manifestement erronées, ou déformeraient les faits de la cause, ou méconnaitraient les dispositions de la Recommandation Image et respect de la personne de ARPP.

Enfin l’annonceur met en cause l’appréciation suivante figurant dans l’avis : “Cette présentation [de la jeune fille sur la photo], associée à une pose lascive, une jambe nue repliée sous elle, et à la tunique de voile transparent qu’elle porte, laisse entendre que le salon de massage proposerait également au client des prestations impliquant des jeunes mineures, le cas échéant présentant un caractère sexuel, ce qui est susceptible de caractériser une infraction. L’analyse de la phrase contestée permet de constater que cette interprétation est, non pas affirmée mais évoquée comme pouvant être celle de “consommateurs moyens” qui constituent le public exposé à la publicité ; en analysant la perception de tels consommateurs, le JDP n’a donc pas méconnu les termes de sa mission résultant de son règlement intérieur.

Pour lever toute ambiguïté sur ce dernier point s’il en était besoin, le Réviseur suggère au Jury, au titre des modifications rédactionnelles prévues à l’article 22.2 du Règlement du JDP, de remplacer les mots “laisse entendre que…” par “peut donner à penser à un consommateur moyen que…”

Au final, aucun des griefs invoqués au soutien de la demande de Révision de l’annonceur ne peut donc être retenu.

III) Conclusion

Des analyses qui précèdent il résulte que :

  • la demande de Révision de l’annonceur Salon de massage est recevable et à ce titre sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury ;
  • l’Avis contesté ne s’expose à aucune critique sérieuse et légitime (au sens de l’article 21.1 du Règlement).

Par suite, il n’y a pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause ni de réformer l’Avis contesté (sauf pour y mentionner la demande de Révision comme indiqué ci-dessus).

Dès lors et pour conclure, l’Avis en cause (mentionnant en outre la requête en Révision et la présente réponse) deviendra définitif et il sera publié – accompagné du présent courrier, lequel constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire à la demande de l’annonceur.

Alain GRANGE-CABANE
Réviseur de la déontologie publicitaire


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