Avis JDP n°426/16 – PRESTATIONS DE SERVICES – Plainte fondée

Avis publié le 18 octobre 2016
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance,
  • après avoir entendu la plaignante et les représentants de la société annonceur,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 25 juillet 2016, d’une plainte d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur Internet, en faveur d’une plateforme de mise en relation entre des particuliers et des architectes.

Cette publicité présente le portrait d’une jeune femme brune dont les yeux et la bouche sont très maquillés.

Le texte accompagnant cette image est formulé à la manière d’un message publié sur le site Instagram, précisant : « Papa ! Papa ! Pour la fête des pères on t’offre un premier rendez-vous avec une Archi, ça te plaît ? ». Ce texte est suivi de plusieurs hashtags : #fetedesperes, #rendezvous, #rencontre, #papa, #archicool, #bestgift,#r…..

2. Les arguments échangés

– La plaignante énonce que cette publicité « objectifie » l’image d’une belle femme, architecte d’intérieur, pour être offerte comme cadeau pour la fête des pères. Elle ajoute que ce gros plan sur un visage maquillé et retouché induit qu’une femme architecte avec des compétences professionnelles n’a de la valeur que si elle est maquillée et peut être offerte comme cadeau. Elle ajoute que la publicité se réfère, de plus, aux sites de rencontre amoureuse.

– La société a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 7 juillet 2016, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle explique qu’elle exploite depuis deux ans le site dont l’objectif est d’aider des professionnels en manque de projets et de clients et de faire prospérer une belle profession rarement reconnue à sa juste valeur. Elle indique que cette publicité a été réalisée par sa « Community manager », qui est une femme et elle précise que la femme représentée dans cette publicité est une architecte d’intérieur diplômée, qui a fourni cette photographie lors de

son inscription pour faire sa promotion à travers le site. Elle indique qu’elle n’a jamais retouché de quelconque manière cette photographie.

La société annonceur affirme que la publicité en question a été retirée à peine une heure après sa diffusion, à la suite de la réaction de la plaignante en direct sur le réseau, car elle n’avait nullement l’intention de choquer ou de donner l’impression de porter atteinte à l’image de la femme.

Elle précise qu’elle s’adapte à son audience selon les supports et réseaux de diffusion, en accord avec sa stratégie. Sur Instagram, support plus léger que les supports de publicité classique, elle emploie volontairement un ton humoristique, comme le font de nombreuses enseignes sur ce réseau.

Par ailleurs, elle indique que trois hommes puis deux femmes « archis » ont été mis en avant par des publicités de l’annonceur. Elle précise que chaque professionnel de la plateforme est libre de se représenter avec les photographies de son choix.

Pour la société annonceur, un projet réussi d’architecture ou de décoration démarre par une bonne rencontre. En conséquence, sur le ton de l’humour, la société tente d’expliquer à son audience l’importance de faire le bon choix de professionnel, ce que promet la plateforme grâce à un algorithme, permettant de faire « matcher » le client avec le professionnel qui correspond à son projet, à son budget et à son style de décoration préféré.

Elle indique enfin que pour de nombreux professionnels, le site est la seule solution leur permettant de continuer leur profession grâce aux projets récurrents qu’elle peut leur apporter. Pour les clients c’est la garantie de travailler avec un professionnel honnête et compétent.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose en son point 2/1 que : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet. »

Il relève que la publicité mise en cause utilise la photo d’une femme accompagné du slogan « Papa ! Papa ! Pour la fête des pères on t’offre un premier rendez-vous avec une Archi, ça te plait ? ».

Cette publicité met particulièrement en valeur le visage de la femme concernée laissant au texte un espace plus réduit. Elle énonce le prénom de celle-ci et sa qualité d’architecte d’intérieur sans apporter aucune précision sur les compétences professionnelles de la personne ou son expérience, ne serait-ce qu’au moyen d’un lien permettant d’accéder à son profil et qui apporterait des renseignements à ce sujet. Cette valorisation du physique de la jeune femme, induit que c’est davantage elle qui constitue le cadeau, que la prestation d’architecture d’intérieur qu’elle est susceptible de rendre. Cette impression est renforcée par les hashtags associés au visuel dont aucun ne porte sur l’architecture d’intérieur ou la décoration.

En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité de la société en cause, objet de la plainte, présente la femme concernée comme un cadeau et que dans cette mesure elle ne respecte pas la disposition précitée de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.

Le Jury prend toutefois acte de ce que la société annonceur a retiré sa publicité dès que les plaintes lui ont été communiquées.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 16 septembre 2016 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Lieber, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Moggio, MM. Depincé, Lacan et Leers.