PARADISE BOUTIK – Affichage – Plainte fondée

Avis publié le 20 mars 2020
PARADISE BOUTIK – 636/20
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 21 décembre 2019, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, diffusée en affichage, en faveur de la société Paradise Boutik, pour ses articles de lingerie, jouets intimes et cosmétiques.

La publicité en cause est une affiche grand format exposée en bordure de route qui représente une femme dénudée, portant des escarpins rouges à talons aiguilles et un bonnet de Père Noël. Dans un décor intérieur, devant un sapin de Noël, elle se tient assise sur le sol, les jambes écartées, un paquet cadeau posé devant son entrejambe.

Ce visuel est accompagné du texte « Paradise Boutik, lingerie chic, jouets intimes, cosmétiques » ainsi que des coordonnées de la boutique.

2. Les arguments échangés

Le plaignant estime que cette campagne de publicité, lancée à grande échelle avec des panneaux se succédant parfois à quelques dizaines de mètres, est déplacée et non respectueuse des femmes.

Il relève que cette affiche est la seconde en faveur de ce magasin, une première ayant été exposée il y a quelques mois, représentant une femme en lingerie très osée.

La société Paradise Boutik a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 10 janvier 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant déplore, en premier lieu, que la copie de la plainte adressée à sa cliente ne comporte ni le nom, ni les coordonnées de son auteur ce qui ne respecte pas les principes d’équité, de contradictoire, de respect des droits de la défense (principe fondamental reconnu au niveau constitutionnel et européen) qui imposent qu’un plaignant puisse être identifié, ne serait-ce que pour écarter les recours manifestement abusifs et malveillants, d’un concurrent ou d’un partenaire commercial malheureux par exemple. 

La société a en effet fait l’objet, exactement dans le même temps que la plainte, de plusieurs       attaques dont elle connait pertinemment la provenance, se réservant d’ailleurs d’en donner une suite pénale. Elle estime que l’anonymat de la plainte ne lui permet pas de pouvoir apporter quelque observation que ce soit, ni de se défendre le cas échéant, relativement à la personne de son auteur.

Elle en déduit que cette plainte ne peut qu’être déclarée irrecevable.

En deuxième lieu, le courrier en date du 10 janvier 2020 du Jury de déontologie publicitaire est adressé à Paradise Boutik laquelle n’a aucune existence légale, de sorte qu’aucun avis ne serait susceptible d’être rendu en l’état d’une procédure qui ne paraît pas régulière contre une entité inexistante.

Enfin, la publicité critiquée ne constitue pas un manquement à une règle d’éthique publicitaire, bien au contraire. Paradise Boutik a pour activité la vente de lingerie (quasi exclusivement féminine pour répondre à la réalité du marché), de jouets intimes, de cosmétiques et d’accessoires, s’agissant d’une boutique érotique. Aussi, dans le cadre de son droit à faire la publicité de son activité et de ses marchandises, elle a su ne pas verser dans le vulgaire, l’obscène ou l’indécent.

Tout au contraire, les publicités réalisées le sont en suggestion, en délicatesse pour pouvoir évoquer le charme sans que la sensibilité de quiconque puisse être heurtée, sauf à être choqué de l’activité même mais cela est un autre débat, celle-ci étant parfaitement licite.

Une publicité pour un magasin érotique mettant en scène des femmes (mais aussi des hommes par exemple pour la campagne de la Saint Valentin) soit pour mettre en avant le produit (lingerie) tout en beauté et élégance, soit en suggérant le produit (par un paquet cadeau) est totalement conforme à l’activité et répond aux besoins de publicité des produits vendus.

Conformément aux avis du Jury, mais aussi à ceux du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (cf. par exemple l’avis sur Viva la vulva de Nana), les images sont « directement en lien avec les produits promus et ne peuvent être considérés comme véhiculant une image dégradante de la femme », ou en adéquation avec la promotion considérée (avis du 9 novembre 2018 du JDP n° 548/18 – l’amour est une fête).

Mieux encore, l’avis Depiltech n°554/18 en date du 7 décembre 2018 estime qu’une femme nue tenant un chat sur elle avec la mention « une boule de poils peut en cacher une autre » est conforme à la déontologie publicitaire dès lors que l’on ne voit pas le sexe féminin et que l’utilisation de l’image de la femme est en rapport avec l’objet de la publicité.

En l’espèce, il est d’évidence que la publicité en cause est directement en lien avec les produits commercialisés.

Par ailleurs, et alors que les femmes et hommes pouvant être représentés sur les affiches de Paradise Boutik ne sont jamais nus, elles répondent aux règles déontologiques telles que mentionnées dans l’avis du Conseil de l’Éthique Publicitaire en date du 30 juin 2011 : Code de la CCI sur les pratiques de publicité et de communication du marketing et Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.

En effet, selon l’annonceur, les publicités en cause sont pertinentes (en rapport avec le produit qui fait l’objet du message publicitaire), sensées (les corps ne sont ni dénudés, ni exposés d’une manière dégradante, humiliante ou avilissante), cohérentes compte tenu du produit vendu et du public ciblé. Il ajoute que l’ARPP a édicté une Recommandation relative aux services électroniques à caractère érotique en octobre 1998 et que les publicités de Paradise Boutik répondent en tous points à cette Recommandation.

Enfin, il considère que toutes les sociétés ayant une activité similaire ont une publicité tout à fait similaire et que des grades marques sont admises, sans aucun avis contraire ou restriction, à réaliser des campagnes publicitaires comparables à celles de Paradise Boutik.

Selon l’annonceur, cette plainte apparaît non seulement irrecevable, mais totalement infondée.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :

« 1.3. D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine.

2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet. »

Le Jury relève que la publicité en cause est une affiche grand format exposée en bordure de route qui représente une femme dénudée, portant des escarpins rouges à talons aiguilles et un bonnet de Père Noël. Dans un décor intérieur, devant un sapin de Noël, elle se tient assise sur le sol, les jambes écartées, un paquet cadeau posé devant son entrejambe, pour promouvoir les produits de Paradise Boutik, « lingerie chic, jouets intimes, cosmétiques ».

Le Jury constate, en premier lieu, que la plainte reçue comportait les noms et coordonnées de son auteur et ne peut donc être considérée comme une plainte anonyme. S’agissant d’une personne physique, ces coordonnées ne sont jamais diffusées lors de la procédure.Le Jury relève, en second lieu, que « Paradise Boutik » est le nom d’exploitation de la boutique Paradise Boutik PLN, située 3 rue Descartes, 83160 La-Valette-de-Var, et que la mention sur l’affiche www.paradise-boutik.com renvoie à un site internet édité par la société JBD Appro, SARL enregistrée au registre du Commerce et des sociétés de Béziers, dont les coordonnées apparaissent régulièrement sur ce site. L’annonceur est donc suffisamment identifié et, au demeurant, a pu répondre, par l’intermédiaire de son conseil, à la plainte relative à l’affiche en cause.

En troisième lieu, le Jury retient que l’affiche est en rapport avec les produits qui font l’objet du message publicitaire, dont le commerce est parfaitement légal comme le souligne l’annonceur. Il estime, toutefois, que l’image présentée va au-delà de la promotion de jouets intimes ou de lingerie en montrant une femme les jambes écartées, son entrejambe présenté comme un cadeau, ce qui renvoie à une idée dégradante de la femme objet sexuel et porte ainsi atteinte à sa dignité.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la campagne de publicité en cause méconnaît les points précités de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP.

Avis adopté le 7 février 2020 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Lenain, MM. Depincé, Lacan, Lucas-Boursier et Leers.

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