FEDERATION NATIONALE DES CHASSEURS – Quai des Orfèvres – Télévision – Plaintes non fondées

Avis publié le 9 août 2021
FEDERATION NATIONALE DES CHASSEURS – 755/21
Plaintes non fondées

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations, et, pour les cinq premiers plaignants particuliers, à prendre part à la séance,
  • après avoir entendu les représentants de la Fédération nationale des chasseurs ainsi que de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 28 avril et le 28 mai 2021, de plusieurs plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la Fédération Nationale des Chasseurs pour promouvoir la pratique de la chasse.

Le film publicitaire en cause, diffusé notamment en télévision, montre diverses séquences dans lesquelles des groupes de personnes, hommes, femmes et enfants, marchent dans des décors naturels ou partagent des moments de convivialité ou de complicité ; certains sont vêtus de tenues de chasse et accompagnée de chiens. Le film présente également des paysages naturels.

Ces images sont accompagnées de la musique et des paroles de la chanson d’Henri Salvador « C’est si bon ».

Le film se conclut par le texte inscrit en plein écran « La chasse, le bonheur grandeur nature ».

2. Les arguments échangés

Les plaignants considèrent que cette publicité montre la chasse comme une activité bucolique et familiale alors qu’il s’agit d’une pratique violente, voire barbare, causant la mort de nombreux animaux et occasionnant des accidents humains. Ils reprochent au film de ne pas rendre compte de la réalité de cette pratique car il ne présente aucun animal mort, aucune arme et aucun tir. Ils en déduisent que la publicité est trompeuse.

Ils estiment qu’une telle publicité est choquante pour les défenseurs des animaux.

Certains soulignent qu’elle incite les jeunes à la pratique de la chasse.

En outre, certains plaignants font grief à cette publicité d’aller à l’encontre de la préservation de la faune qui doit être une priorité écologique.

La Fédération nationale des chasseurs (FNC) a été informée, par courriel avec accusé de réception du 7 juin 2021, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

La fédération fait valoir que la chasse est une activité légale, particulièrement encadrée, et dont le législateur a donné une définition claire tant pour l’acte de chasse que pour le caractère environnemental de cette activité, pratiquée par un million de personnes en France sur l’ensemble du territoire.

La fédération renvoie aux dispositions de l’article L 420-1 du code de l’environnement en ce qu’il énonce le caractère durable de la chasse et la contribution des chasseurs au maintien de la biodiversité.

Elle soutient que la chasse ne saurait être réduite à l’acte de mise à mort d’un animal sauvage, car elle s’exerce en responsabilité vis-à-vis d’une obligation légale de gestion durable. La chasse a d’ailleurs un impact positif et objectivement reconnu en faveur de la biodiversité, ce qui explique que la FNC soit agréée association de protection de l’environnement : en application de l’article L 421-14 du même code, elle a notamment pour objet d’assurer la promotion et la défense de la chasse ainsi que la représentation des intérêts cynégétiques.

La FNC rappelle qu’elle est chargée d’une mission de service public et qu’elle consultée par le ministre chargé de la chasse sur la mise en valeur du patrimoine cynégétique, la protection de la faune sauvage et de ses habitats ainsi que les conditions de l’exercice de la chasse.

Elle indique que l’idée de cette campagne a été confortée par la réalisation d’un sondage IFOP qui montre que les Français ne sont pas si hostiles à la chasse, mais la connaissent mal et que plus ils sont informés sur cette activité, plus ils y adhèrent.  Cette campagne destinée à la télévision donne à voir de vrais chasseurs et non des comédiens, dans leur environnement naturel, heureux de partager ensemble des moments évoquant la convivialité, la fierté et le respect.

La FNC a soumis le projet à validation de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) et a sondé les diffuseurs. Afin de respecter les règles en vigueur émise par l’ARPP, cette publicité ne diffuse pas d’images d’armes et elle ne met pas en scène d’images d’animaux morts, ce qui pourrait être interprété comme de la maltraitance animale. Le spot publicitaire a donc été validé par l’ARPP qui, dans sa recommandation du 3 février mettait seulement en garde la FNC sur des plans de publicité montrant des enfants accompagnant des adultes à la chasse, en « déconseillant les plans mettant en scène des enfants si ceux-ci présentent des pratiques pour lesquelles la présence d’enfants est interdite ou réglementée ». Or, aucun texte ou disposition n’interdit à un mineur d’accompagner un adulte à la chasse au même titre que d’autres activités sportives ou loisirs. En ce sens, un mineur ou une personne non titulaire du permis de chasser peut assister à une chasse sans autorisation particulière et la réponse de la FNC a emporté l’avis favorable de l’ARPP.

La FNC relève que le spot publicitaire a touché 273 millions de contacts et au moins 40 millions de contact sur cette même cible ont été exposés au moins une fois (source Médiamétrie).

La fédération considère que les plaignants se sont exprimés en parfaite méconnaissance des lois régissant la chasse en France et témoignent d’un sectarisme anti-chasse qui va au-delà de la liberté de conscience de tout un chacun d’aimer ou pas une activité légale.

Lors de la séance du 2 juillet, la fédération a repris l’ensemble de ces arguments.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique avoir été interrogée, dans le cadre de sa mission de délivrance de conseils, très en amont de la diffusion du spot, en octobre 2020, par l’agence Quai des Orfèvres, son adhérent.

L’Autorité a au préalable confirmé la possibilité, pour la Fédération des chasseurs de communiquer en publicité télévisée. Cette fédération a déjà eu, par le passé, recours à des espaces publicitaires, en affichage notamment, comme moyen de présenter la pratique de la chasse.

L’idée créative de la campagne, telle qu’elle a été exposée à l’ARPP, était de mettre en évidence des moments forts de la chasse (promenades, moments passés entre amis ou avec ses chiens, implication des chasseurs dans l’aménagement du milieu rural, le maintien de la biodiversité, …)

L’ARPP a tout d’abord alerté sur la nécessaire conformité des pratiques présentées avec la réglementation encadrant la chasse (espèces animales prélevées, matériels utilisés, périodes de chasse autorisées…etc.).

Compte tenu du contexte de forte sensibilité en matière de protection animale, elle a toutefois attiré l’attention de l’agence sur le fait que la valorisation de la chasse demeure une thématique susceptible de susciter des réactions.

La conformité des projets de films a ensuite été analysée au regard de plusieurs dispositions déontologiques ou juridiques :

  • La Recommandation « Enfant » : ce projet mettant en scène des enfants, il est apparu nécessaire d’alerter sur le fait de ne pas les associer à des pratiques pour lesquelles leur présence serait interdite ou réglementée et qui pourraient, dès lors, présenter une situation de danger;
  • La Recommandation « Développement durable» : la nécessité d’adopter un discours mesuré respectueux des principes de véracité des actions et de proportionnalité des messages a été rappelé, en particulier concernant des revendications liées au « maintien de la biodiversité ». Une réserve relative à la non-visualisation de véhicules sur des espaces naturels a également été formulée.
  • La loi n° 85-706 du 12 juillet 1985 relative à la publicité en faveur des armes à feu et de leurs munitions, qui impose les conditions dans lesquelles une publicité pour de telles armes peuvent intervenir.

Ces différents points ayant été confirmés à l’ARPP, il a été relevé, dans la version finalisée du spot que les enfants mis en scène sont dans un rôle de spectateur passif, en l’absence d’armes, qu’aucun acte susceptible de heurter la sensibilité du public, de scènes d’animaux abattus ou blessés, n’est utilisé et qu’aucune argumentation de protection de l’environnement qui serait erronée ou excessive n’est utilisée.

Lors de sa soumission avant diffusion, ce film a pu se voir délivrer un avis favorable sans réserve considérant qu’il ne contrevenait pas aux dispositions déontologiques ou juridiques en vigueur.

Lors de la séance du 2 juillet, l’ARPP a développé oralement ces observations.

Le Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV) a également été informé par courriel avec accusé de réception des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Il n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que le code de la Chambre de commerce internationale « Publicité et marketing », dit code ICC, dont les principes généraux s’appliquent à l’ensemble des publicités relevant de la compétence du Jury, prévoit que :

« Article 1 – Principes élémentaires

Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique.

Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu’ils sont généralement admis dans les relations commerciales.

Aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au marketing. ».

« Article 4 – Loyauté

La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération. »

« Article 5 – Véracité

La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. / La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne : des caractéristiques du produit qui sont essentielles, ou en d’autres termes, de nature à influencer le choix du consommateur, telles que la nature, la composition, la méthode et la date de fabrication, le domaine d’utilisation, l’efficacité et les performances, la quantité, l’origine commerciale ou géographique, ou l’impact sur l’environnement (…) ».

Le Jury rappelle, en outre, que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose que :

  • Au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) :
    • « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
    • La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable.  […]».
  • Au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable;
    • L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; »

Enfin, la Recommandation « Enfant » prévoit que :

« La publicité doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale :

2.1 La publicité ne doit pas présenter favorablement des actes antisociaux ou délictueux, ni inciter les enfants à commettre de tels actes.

2.2 Elle ne doit pas légitimer des comportements qui seraient contraires aux principes de citoyenneté, aux règles du savoir-vivre, d’hygiène de vie, de protection de l’environnement ou de respect des autres. »

3.1. Sur la compétence du Jury

A titre liminaire, le Jury constate que les plaintes ont en commun de déplorer l’existence même d’une publicité en faveur de la chasse, qualifiée de pratique violente voire barbare par certains plaignants.

La chasse constituant une pratique autorisée et réglementée, sa publicité n’est pas interdite par principe, étant au demeurant précisé qu’il n’est pas allégué que la campagne méconnaîtrait les principes de cette règlementation.

Le Jury rappelle à cet égard qu’en vertu de l’article 2.2 de son règlement intérieur, il se prononce exclusivement sur la conformité (ou la non-conformité) des messages publicitaires contestés avec :

  • les règles professionnelles (dites « Recommandations ») publiées par l’ARPP,
  • les principes généraux issus du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales. Ces principes s’appliquent à toute publicité, commerciale ou non.
  • les engagements publiés, pris par l’interprofession, à l’égard des pouvoirs publics en ce qui concerne le contenu de la publicité et dont l’ARPP est cosignataire.

La compétence du Jury, qui est donc limitée au contenu du message publicitaire, exclut toute appréciation des pratiques promues par la Fédération française des chasseurs.

3.2. Sur le respect des règles déontologiques

Le Jury constate que le film d’environ 30 secondes diffusé par la Fédération nationale des chasseurs, à la télévision notamment, met en scène des groupes de personnes, hommes, femmes et enfants, qui marchent dans des paysages naturels, en forêt, dans des landes ou en bord de mer, observent des sangliers, des vols d’oiseaux, des paysages et qui partagent des moments de convivialité, notamment lors d’un repas. Certains sont vêtus de tenues de chasse et souvent accompagnés de chiens. Parmi les enfants sur lesquels s’attarde la caméra, l’un regarde dans des jumelles, un autre caresse un petit animal. Ces images sont accompagnées de la chanson d’Henri Salvador « C’est si bon » avec les paroles suivantes : « C’est si bon / De guetter dans ses yeux / Un espoir merveilleux / Qui donne le frisson / C’est si bon / Ces petites sensations / Et si nous nous aimons / c’est parce que c’est si bon ».

Le film se conclut par le texte inscrit en plein écran « La chasse, le bonheur grandeur nature / Fédération Nationale des Chasseurs ».

S’agissant, en premier lieu, des reproches formulés par les plaignants quant au caractère trompeur de la publicité, le Jury relève que la définition de la chasse comme « action de chasser, de poursuivre les animaux pour les manger ou les détruire » (Littré) est une donnée connue du grand public à qui ce film publicitaire est destiné. S’il est exact que les images ne montrent aucune scène de mise à mort, aucune arme, ni même aucune poursuite d’animaux, le Jury considère que l’implicite de l’action de chasse est connu de tous. En conséquence, la présentation des seuls aspects conviviaux de la pratique de la chasse, qui masque les aspects les plus violents dans le but manifeste de ne pas heurter le public sensible, ne saurait être considéré comme une dissimulation de la réalité de l’activité cynégétique visant à abuser de la confiance des consommateurs ou à les tromper au sens des articles 1, 4 et 5 du code ICC.

En deuxième lieu, le film publicitaire, qui se borne à mettre en scène des images de promenade en milieu naturel, ne saurait être perçu comme vantant les propriétés de la chasse en matière de développement durable ni, a fortiori, comme promouvant des pratiques ou idées contraires aux objectifs de celui-ci dans des conditions qui méconnaîtraient les points 1 et 2 de la Recommandation « Développement durable ». Au demeurant, le Jury constate que, selon l’article L. 420-1 du code de l’environnement que « La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d’intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique / Le principe de prélèvement raisonnable sur les ressources naturelles renouvelables s’impose aux activités d’usage et d’exploitation de ces ressources. Par leurs actions de gestion et de régulation des espèces dont la chasse est autorisée ainsi que par leurs réalisations en faveur des biotopes, les chasseurs contribuent au maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes en vue de la préservation de la biodiversité. Ils participent de ce fait au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural. ». La pratique de la chasse ne saurait donc être regardée comme contraire par elle-même au développement durable.

En troisième et dernier lieu, le Jury relève que la publicité, qui ne présente aucun acte antisocial ou délictueux que des enfants seraient incités à commettre, met en scène ceux-ci dans des situations d’observation et d’accompagnement qui ne sont pas interdites par la réglementation sur la chasse et respectent les principes de la vie en société et de la protection de l’environnement. Aucun élément de cette campagne publicitaire n’est donc contraire à la Recommandation « Enfant ».

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité en cause ne méconnaît pas les règles déontologiques précitées.

Avis adopté le 2 juillet 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

Publicité Fédération nationale des Chasseurs