Avis JDP n° 454/17 – MATERIAUX DE CONSTRUCTION – Plainte fondée

Avis publié le 12 avril 2017
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 11 février 2017, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur le site internet de l’annonceur, pour la promotion de ses produits de carrelage.

Cette publicité présente une femme debout, nue, à l’exception d’escarpins rouges, tenant devant elle une dalle d’échantillons de carrelages, qui masque son buste jusqu’au haut de ses cuisses.

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que la nudité ainsi utilisée n’a rien a voir avec le produit et qu’elle est inappropriée. Il considère que ce procédé qui a pour seul but de vendre les carrelages aux hommes, réduit le rôle et les responsabilités des femmes et les présente de façon stéréotypée comme des objets sexuels.

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 20 février 2017, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

La société a adressé des observations par lesquelles elle explique que ses équipes de communication sont extrêmement informées des us et coutumes de la publicité et sont très vigilantes sur les interprétations possibles. Elle indique que sa volonté n’est en aucun cas de heurter quiconque et de porter atteinte à la dignité et au respect de l’image de la femme ou de l’homme.

L’annonceur ajoute que la vente du carrelage n’est pas réservée aux hommes mais est « une décision qui appartient bien souvent aux dames ».

Elle précise qu’aucun caractère sexiste n’est recherché dans cette campagne, la notion de nudité étant totalement inappropriée. L’annonceur explique avoir voulu apporter une touche de modernité et « un côté couture » à un produit utilisé depuis toujours (mosaïques, carreaux ciment…).

Elle fait observer par ailleurs que de grandes marques nationales ou internationales ont souvent utilisé les stéréotypes associés à l’image de l’homme et de la femme ou des jeux de mots pour interpeller l’audience en conservant bien évidemment un humour décalé qui ne laisse pas de place à une interprétation négative.

La société annonceur exprime enfin « ses regrets pour la gêne occasionnée ».

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« 2-1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la publicité en cause donne à voir une dalle de carrelage présentée par une jeune femme dont la nudité est en partie cachée par le produit présenté.

De cette façon, l’annonceur utilise le corps de la femme pour rendre « sexy » et attractif le produit présenté qui est dénué de rapport avec le corps. Cette utilisation sexualisée de l’image des femmes comme argument de vente d’un produit constitue une instrumentalisation des femmes ainsi réduites à la fonction d’objet sexuel et porte atteinte à leur dignité.

Or en adoptant la Recommandation précitée, la profession publicitaire a souhaité proscrire, précisément, ce type de procédés. C’est pourquoi le Jury, dans de nombreuses décisions consultables sur son site, les analyse comme n’étant pas conformes à cette Recommandation.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause ne respecte pas le point 2.1 de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 10 mars 2017 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Moggio et MM. Benhaïm et Leers.