DEPIL TECH – Affichage – Plainte fondée

Avis publié le 5 octobre 2021
DEPIL TECH – 773/21
Plainte fondée  

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 19 juillet 2021, d’une plainte émanant de la directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité d’Occitanie, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Depil Tech, pour promouvoir ses prestations d’épilation.

La publicité en cause, diffusée en affichage, représente une femme vêtue d’un haut à bretelles et d’une culotte, se tenant debout. Derrière elle, un cactus de forme allongée est posé dans un pot, incliné en direction du bas du corps de la femme.

Cette image est accompagnée des textes : « Aïe ! Aïe ! Aïe ! Ouille ! ».

2. Les arguments échangés 

La représentante de la direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité d’Occitanie considère que cette publicité est sexiste.

A ce titre, elle considère que la publicité n’est pas conforme à l’article 2 « Responsabilité sociale », alinéa 1, du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales.

Selon elle, l’affiche montrant un cactus de forme phallique piquant orienté vers les parties génitales et fécales de la femme alors qu’elle crie “Aïe”, cautionne des comportements violents à l’encontre des femmes.

Elle soutient que l’image heurte la sensibilité, choque, voire provoque le public en utilisant la semi-nudité, propageant également l’idée qu’une femme agressée physiquement en est satisfaite, alors qu’une forme phallique, le cactus, l’agresse et lui fait mal. Cette femme crie “Aïe” mais sourit, laissant supposer qu’elle apprécie une agression sexuelle, ce qui encourage ce genre d’agissements voire le viol.

Elle en déduit que cette publicité réduit la personne à un objet, en particulier un objet sexuel. Elle est par conséquent dégradante et humiliante pour la personne humaine de sexe/genre féminin, plus ou moins explicitement (attitude, posture, assortis au son représenté par des mots). En réduisant le rôle des femmes dans la société à cet objet, cette communication est contraire aux règles déontologiques.

De plus, selon la plaignante, l’affiche induit une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes. La publicité devant éviter toute scène de violence, directe ou suggérée et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique, cette publicité ne respecte pas cette obligation.

Elle considère que cette forme de violence à l’encontre des femmes, suggérée par une image, des paroles écrites, une réification de la femme en objet sexuel, est répréhensible et visée par la législation en vigueur.

La plaignante ajoute que cette image banalise la violence sexuelle à l’encontre des femmes par la composition de l’image (cactus = phallus pointé vers les fesses, il fait mal, elle crie “Aïe” trois fois, mais on représente cette femme victime comme y prenant du plaisir).

La société Depil Tech a été informée, par courriel avec accusé de réception du 27 juillet 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que : « La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence ».

Le point 1-3 de cette Recommandation précise que : « D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine ».

Le point 2 de cette Recommandation prévoit également que :

« 2. Stéréotypes.

2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2.2. La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. 

2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance de sexisme. »

Le Jury relève que l’affiche en cause représente une femme vêtue d’un haut à bretelles et d’une culotte, se tenant debout. Derrière elle, un cactus de forme allongée est posé dans un pot, incliné en direction du bas du corps de la femme. La jeune femme lève les yeux au ciel en ouvrant la bouche comme pour crier, et l’image est accompagnée des textes : « Aïe ! Aïe/ Aïe ! Ouille ! ».

Le Jury admet que la tenue de la jeune femme n’est pas indécente dans le contexte de cette promotion, de même que les caractéristiques du cactus ne sont pas sans lien avec la pratique de l’épilation que propose Depil Tech : les épines ou aiguillons de la plante peuvent rappeler les poils à épiler. Lorsque l’un deux se plante dans l’épiderme, il peut être ôté à l’aide d’une pince à épiler et les piqûres sont douloureuses comme peut l’être une épilation.

Le Jury constate cependant que la forme phallique du cactus représenté sur l’image et son positionnement illustrent une situation sexualisée dans laquelle la jeune femme peut paraître à la fois outragée par l’objet phallique et montrée dans une attitude ridicule, avec deux couettes comme en portent les fillettes, les bras tendus, une jambe pliée, les yeux au ciel et la bouche ouverte.

Le Jury considère que l’ensemble de la mise en scène donne à voir la jeune femme comme infantilisée, ridiculisée et présentée dans une position humiliante qui, sans qu’il y ait lieu de retenir que la publicité incite à la violence à l’égard des femmes, renvoie à des stéréotypes sexistes encore ancrés dans beaucoup d’esprits quant à la place des femmes dans la société, et contribue à les perpétuer.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points précités de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP.

Avis adopté le 3 septembre 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

Pour visualiser la publicité Depil Tech, cliquez ici.